GRANDS PRIX EDO
Guillaume Barbereau, alias Yom, tatoueur et motard, mêle ses deux passions à travers des illustrations. L’art de transformer le sport mécanique en estampes japonaises période Edo.
Yom, tatoueur et motard, a réalisé de magnifiques illustrations sur les pilotes de GP.
Yom, c’est le nom d’artiste de Guillaume, 37 ans. Notre homme exerce la profession de tatoueur au sein du studio Mystery Tattoo Club dans le 10e arrondissement de Paris. C’est là que je suis venu à sa rencontre, moi qui suis pourtant vierge de tout tatouage. J’ai fait la connaissance de Guillaume par le biais de mon ami Jérôme Pierrat, rédacteur en chef de Tatouage Magazine, qui a su être convaincant : « Tu devrais aller le voir, il est dingue de motos et il réalise de belles illustrations », puis alliant le geste à la parole, Jérôme m’envoie un magnifique dessin mettant en scène la
Yamaha YZR 500 de Kenny Roberts dans un décor japonisant haut en couleur. Le rendez-vous a été avancé de 24 heures pour cause de confinement imminent et Guillaume se lance sans barguigner : « J’ai passé mon permis à 29 ans, donc tardivement, car d’une part je n’avais pas les moyens de m’offrir une moto, et de plus, je ne me sentais pas prêt… » Guillaume apprend d’abord le métier de cuisinier qu’il exerce pendant quelque temps. Le goût de la moto lui est venu durant son enfance, et c’est en les dessinant qu’il a appris à les aimer encore plus. Pourtant, même s’il apprécie aussi beaucoup les mangas, il se sent dans un premier temps plus attiré par les machines italiennes, en particulier la Ducati 916 au design si pur : la moto de ses rêves. L’adolescence passe, il oublie un peu les motos et se prend de passion pour le tatouage et la culture japonaise : « Je devais avoir 21 ou 22 ans lorsque je me suis fait tatouer pour la première fois et au fil du temps, j’ai décidé d’en faire mon métier. »
Tigre et Bonneville
C’est au cours d’un voyage en Inde que son penchant pour la moto lui revient : « J’étais là-bas avec ma copine et on a loué une bécane pour se balader. Ce n’était même pas une Royal Enfield, plutôt une copie de Honda mais peu importe, mes souvenirs d’enfance ont resurgi et j’ai décidé de passer mon permis… » C’est chose faite à son retour et il s’offre une Triumph 900 Bonneville qu’il s’empresse de transformer en café racer. Pendant deux ans, il effectue de nombreux voyages et finit par échanger sa néo-classique contre une
EN REGARDANT LE CHEVAL DE FER, IL DÉCOUVRE LES PILOTES DES ANNÉES 70
autre Triumph, une Tiger 800. Puis Guillaume, qui aime aussi les sportives, s’offre une Suzuki GSX 1100 R, qu’il emmène parfois sur le circuit Carole mais ne délaisse pas les voyages pour autant et ce, grâce à une KTM 1090 Adventure. Quand il ne roule pas, Guillaume se plonge dans les livres et les magazines spécialisés pour parfaire sa culture motarde car, comme il le dit lui-même, il se lance à corps perdu dans toutes ses passions, comme il l’a fait précédemment avec l’irezumi, le tatouage japonais. Et il aborde d’abord l’histoire de la moto par les Grands Prix, durant la période des années 60, l’âge d’or du Continental Circus. « Je suis fasciné par les exploits de pilotes comme Agostini et Hailwood et par les courses de l’époque qui se déroulaient sur route ouverte. » Après les années 60, il y a les années 70, et c’est en regardant le film
Le Cheval de fer qu’il s’imprègne de cette période. « J’ai eu un coup de coeur car à cette époque, les cuirs noirs disparaissent et les motos prennent des couleurs. Le mouvement s’accélère dans les années 80 et 90 et graphiquement, c’est beaucoup plus intéressant pour moi, même si ce côté “homme-sandwich” a peut-être rendu les pilotes plus superficiels… » Ainsi Guillaume se lance-t-il dans une série de dessins qui mélangent les estampes japonaises de la période Edo, entre le 17e et le 19e siècle.
« Il s’agit d’une période de paix et de développement de l’art japonais », explique Guillaume qui est intarissable sur le sujet. « L’idée générale, c’est d’imaginer en une représentation figée ce qu’auraient été les Grands Prix s’ils étaient nés à cette époque. » Non seulement les dessins de Guillaume sont réussis et démontrent son sens artistique s’il en était besoin mais, de plus, ils dénotent un esprit inventif en se servant du passé : tout simplement comme les premiers constructeurs de motos japonaises !
Coureurs samouraïs
Son choix s’est d’abord porté sur Barry Sheene, la « pop star » anglaise sur sa Suzuki blanche et orange, puis sur Kenny Roberts et sa Yamaha jaune et noire. Deux monstres sacrés chevauchant des machines aux designs intemporels, ça tombait sous le sens. Suivront les têtes d’affiche des années 90, comme Rainey, Schwantz, Doohan ou Gardner dans le cadre de sa série baptisée « Hasire » (prononcez « hasiré »), ce qui veut dire « courir vite » en japonais. « Le second confinement va me permettre de continuer mes dessins, j’ai en tête une série sur le Tourist Trophy qui va couvrir plusieurs décennies. Je vais peut-être aussi réaliser un calendrier MotoGP illustré et j’aimerais beaucoup exposer mes dessins en compagnie des motos qui sont représentées… » C’est tout le mal que l’on souhaite à Guillaume qui nous confie que lorsqu’il ne tatoue pas, il roule et que lorsqu’il ne roule pas, ses dessins lui permettent de le faire par procuration. ✦
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AVEC SES ILLUSTRATIONS, YOM IMAGINE DES GRANDS PRIX DISPUTÉS AU JAPON AU 18E ET 19E SIÈCLE