Moto Revue Classic

LES REVERS DE YAMAHA

La vie d’une grande marque n’est pas un long fleuve tranquille. Yamaha a ainsi essuyé quelques échecs en tentant de devenir n° 1 mondial.

- Texte : Christophe Gaime - Photos : archives MR

Dans les années 80, tout n'a pas été facile pour le constructe­ur aux trois diapasons.

DANS LES ANNÉES 80, L’OBJECTIF DE YAMAHA EST DE DÉTRÔNER HONDA

À la fin des années 70, c’est l’euphorie chez Yamaha. Sous l’impulsion d’Hisao Koike, fondateur de Yamaha Motor en 1955, la firme aux trois diapasons s’est fixé comme objectif de détrôner Honda pour le titre de premier constructe­ur mondial et les investisse­ments consentis à cet effet sont énormes. La taille de Honda est pourtant déjà très supérieure à cette époque, mais

Yamaha s’attaque au n° 1 sans complexes, en renouvelan­t et en étoffant sa gamme. À travers cette débauche de modèles, si Yamaha a heureuseme­nt commercial­isé de nombreuses motos à succès (XT 600, XJ 650, FJ 1100, etc.), la marque a aussi essuyé quelques échecs retentissa­nts. Ça commence dès 1981 avec la XV 1000 TR1, premier bicylindre enVàs on catalogue. La firme aux trois diapasons a réussi à remettre le gromono quatre-temps à la mode avec la XT 500 et tente alors de faire de même avec le V-twin. Les concepteur­s et designers des premières maquettes sont britanniqu­es et il se dit qu’ils ont décortiqué une 1000 Vincent durant la gestation du projet !

Cette touche britanniqu­e se retrouvera dans la version définitive de la TR1, résolument sobre. Pourtant, cette moto se distingue avec son garde-boue arrière non suspendu et un carter de chaîne étanche, deux éléments aussi efficaces qu’inesthétiq­ues. La TR1 rebutera bien des acheteurs et des erreurs de conception vont décevoir ceux qui s’étaient laissé tenter. Sa tenue de route est approximat­ive et son moteur n’est pas d’une fiabilité à toute épreuve. Bref, Yamaha a raté son coup et après un replâtrage infructueu­x, la TR1 disparaît en 1984. Cependant, si la moto a fait un flop, son moteur fera une longue carrière. D’abord sur la XV 1100 Virago puis sur la BT 1100 Bulldog jusqu’en 2006 !

La malédictio­n du V-twin

En revanche, un an plus tard, la XZ 550, autre moto animée par un V-twin, a été un échec sur toute la ligne. Elle se voulait très performant­e avec ses quatre arbres à cames en tête, ses quatre soupapes par cylindre et son refroidiss­ement liquide, mais comme pour la TR1, les quatre-cylindres gardaient l’avantage. Pire, sa transmissi­on secondaire par arbre dissuadait les sportifs tandis que les « roule-toujours » restaient méfiants devant cette technologi­e sophistiqu­ée. Pour finir, le moteur souffrait de problèmes de carburatio­n. Inutile de préciser que la réputation de la XZ en pâtira et les concession­naires devront brader les derniers exemplaire­s avec une version S hâtivement munie d’un carénage. Un an avant, Yamaha a aussi manqué son entrée dans le monde des motos suraliment­ées. En effet, la XJ 650 Turbo conserve ses carburateu­rs, contrairem­ent à la concurrenc­e qui est passée à l’injection électroniq­ue.

Pire, son turbo de petit calibre fait qu’elle est à peine plus puissante que la version atmosphéri­que ! Dans un tout autre genre, en 1982, Yamaha propose une remplaçant­e de la XT 500, la version 550. Mais cette cylindrée ne réussit décidément pas à la marque et

cette moto, bien que plus performant­e avec son gromono à 4 soupapes et sa suspension arrière Cantilever, ne séduira pas la clientèle française pourtant grande amatrice de trail-bikes. Il faudra attendre 1983 et la XT 600 Ténéré pour retrouver le chemin du succès. Notez que le moteur de cette 600 n’est ni plus ni moins que celui de la 550 mais réalésé. On se demande d’ailleurs pourquoi Yamaha n’a pas proposé directemen­t la 600.

Supermotar­d, mini-succès

Le début des années 80 est donc un peu difficile pour la marque aux trois diapasons mais lors du Salon de Paris 1983, elle relève la tête avec une sportive deux-temps. Après tout, Yamaha n’est-il pas le constructe­ur spécialist­e de ce genre de motos ? La RD 500 LC est censée être la réplique homologuée de l’YZR 500 de Kenny Roberts mais si elle est effectivem­ent puissante, sa partie-cycle a un peu de mal à suivre. Il faut dire que le cadre en aluminium de la version japonaise n’est pas arrivé en Europe. Les motards du Vieux Continent doivent se contenter de tubes d’acier, moins chers, mais beaucoup plus rigides. De même, pour des raisons de coût et d’encombreme­nt, Yamaha a imaginé un curieux système d’admission. Ainsi, lorsqu’un an plus tard, Suzuki présente la RG 500 Gamma avec son cadre alu et ses quatre distribute­urs rotatifs pour l’admission (comme sur la version course), on oublie vite la RD 500 LC, au propre comme au figuré. En 1985, Yamaha pensait se rattraper avec la FZ 750 et son moteur Genesis à 20 soupapes et refroidiss­ement liquide. Malheureus­ement, une fois de plus, c’est Suzuki qui fait sensation avec sa GSX 750 R, véritable racing replica. La

FZ, malgré la victoire d’Eddie Lawson à Daytona, est classée dans les sportivo-GT. Ceci dit, cette machine est un semi-échec : elle sera produite jusqu’en 1991 et va donner naissance à une prestigieu­se lignée de Yamaha, dont la FZR 1000 en 1987. La décennie va se terminer et Yamaha, toujours en tentant d’innover, il faut le noter, va essuyer un dernier échec. En 1987, donc, la TDR devait surfer sur la vague Supermotar­d. Cette idée de Jean-Claude Olivier n’était pas mauvaise mais l’usine japonaise a malheureus­ement imposé un moteur de 250 cm3, celui de la TZR, pour satisfaire son marché intérieur. Dommage car avec un moteur de RD

350 LC, elle aurait peut-être rencontré le succès. Laissons le mot de la fin à Soichiro Honda : « Le succès est fait de 99 % d’échecs. »

Et puis, entre nous, les échecs commerciau­x font d’excellente­s motos de collection.

FOCALISÉ SUR HONDA, YAMAHA NE VOIT PAS VENIR SUZUKI...

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 ??  ?? 1 & 2. Commercial­isée en 1981, la XV 1000 TR1, premier V-twin Yamaha, n’a pas reçu le succès escompté. En revanche, son moteur (à gauche) a été utilisé pendant plus de 20 ans sur différents modèles. De quoi limiter les dégâts. 2
1 & 2. Commercial­isée en 1981, la XV 1000 TR1, premier V-twin Yamaha, n’a pas reçu le succès escompté. En revanche, son moteur (à gauche) a été utilisé pendant plus de 20 ans sur différents modèles. De quoi limiter les dégâts. 2
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1. Remplaçant­e de la XT 500, la 550 a été elle-même troquée pour la 600 un an plus tard ! 2. Avec son design et sa mécanique approximat­ifs, la XZ 550 a été boudée par les motards. 3. Bâclée, la XJ 650 Turbo a été vite oubliée. 4. Trop sage, la FZ 750 a surtout souffert de la concurrenc­e de la Suzuki GSX 750 R apparue la même année.
4 1. Remplaçant­e de la XT 500, la 550 a été elle-même troquée pour la 600 un an plus tard ! 2. Avec son design et sa mécanique approximat­ifs, la XZ 550 a été boudée par les motards. 3. Bâclée, la XJ 650 Turbo a été vite oubliée. 4. Trop sage, la FZ 750 a surtout souffert de la concurrenc­e de la Suzuki GSX 750 R apparue la même année.
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 ??  ?? 1. Pour écouler son stock, Yamaha affuble la XZ 550 d’un carénage et de coloris moins austères. 2. Un an après sa sortie en 1984, la RD 500 LC a été supplantée par la Suzuki RG 500 Gamma, véritable réplique des machines de GP. 3. La TDR 250 répondait à la vague Supermotar­d mais sa cylindrée était trop faible pour séduire la clientèle. 1
1. Pour écouler son stock, Yamaha affuble la XZ 550 d’un carénage et de coloris moins austères. 2. Un an après sa sortie en 1984, la RD 500 LC a été supplantée par la Suzuki RG 500 Gamma, véritable réplique des machines de GP. 3. La TDR 250 répondait à la vague Supermotar­d mais sa cylindrée était trop faible pour séduire la clientèle. 1
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