LES REVERS DE YAMAHA
La vie d’une grande marque n’est pas un long fleuve tranquille. Yamaha a ainsi essuyé quelques échecs en tentant de devenir n° 1 mondial.
Dans les années 80, tout n'a pas été facile pour le constructeur aux trois diapasons.
DANS LES ANNÉES 80, L’OBJECTIF DE YAMAHA EST DE DÉTRÔNER HONDA
À la fin des années 70, c’est l’euphorie chez Yamaha. Sous l’impulsion d’Hisao Koike, fondateur de Yamaha Motor en 1955, la firme aux trois diapasons s’est fixé comme objectif de détrôner Honda pour le titre de premier constructeur mondial et les investissements consentis à cet effet sont énormes. La taille de Honda est pourtant déjà très supérieure à cette époque, mais
Yamaha s’attaque au n° 1 sans complexes, en renouvelant et en étoffant sa gamme. À travers cette débauche de modèles, si Yamaha a heureusement commercialisé de nombreuses motos à succès (XT 600, XJ 650, FJ 1100, etc.), la marque a aussi essuyé quelques échecs retentissants. Ça commence dès 1981 avec la XV 1000 TR1, premier bicylindre enVàs on catalogue. La firme aux trois diapasons a réussi à remettre le gromono quatre-temps à la mode avec la XT 500 et tente alors de faire de même avec le V-twin. Les concepteurs et designers des premières maquettes sont britanniques et il se dit qu’ils ont décortiqué une 1000 Vincent durant la gestation du projet !
Cette touche britannique se retrouvera dans la version définitive de la TR1, résolument sobre. Pourtant, cette moto se distingue avec son garde-boue arrière non suspendu et un carter de chaîne étanche, deux éléments aussi efficaces qu’inesthétiques. La TR1 rebutera bien des acheteurs et des erreurs de conception vont décevoir ceux qui s’étaient laissé tenter. Sa tenue de route est approximative et son moteur n’est pas d’une fiabilité à toute épreuve. Bref, Yamaha a raté son coup et après un replâtrage infructueux, la TR1 disparaît en 1984. Cependant, si la moto a fait un flop, son moteur fera une longue carrière. D’abord sur la XV 1100 Virago puis sur la BT 1100 Bulldog jusqu’en 2006 !
La malédiction du V-twin
En revanche, un an plus tard, la XZ 550, autre moto animée par un V-twin, a été un échec sur toute la ligne. Elle se voulait très performante avec ses quatre arbres à cames en tête, ses quatre soupapes par cylindre et son refroidissement liquide, mais comme pour la TR1, les quatre-cylindres gardaient l’avantage. Pire, sa transmission secondaire par arbre dissuadait les sportifs tandis que les « roule-toujours » restaient méfiants devant cette technologie sophistiquée. Pour finir, le moteur souffrait de problèmes de carburation. Inutile de préciser que la réputation de la XZ en pâtira et les concessionnaires devront brader les derniers exemplaires avec une version S hâtivement munie d’un carénage. Un an avant, Yamaha a aussi manqué son entrée dans le monde des motos suralimentées. En effet, la XJ 650 Turbo conserve ses carburateurs, contrairement à la concurrence qui est passée à l’injection électronique.
Pire, son turbo de petit calibre fait qu’elle est à peine plus puissante que la version atmosphérique ! Dans un tout autre genre, en 1982, Yamaha propose une remplaçante de la XT 500, la version 550. Mais cette cylindrée ne réussit décidément pas à la marque et
cette moto, bien que plus performante avec son gromono à 4 soupapes et sa suspension arrière Cantilever, ne séduira pas la clientèle française pourtant grande amatrice de trail-bikes. Il faudra attendre 1983 et la XT 600 Ténéré pour retrouver le chemin du succès. Notez que le moteur de cette 600 n’est ni plus ni moins que celui de la 550 mais réalésé. On se demande d’ailleurs pourquoi Yamaha n’a pas proposé directement la 600.
Supermotard, mini-succès
Le début des années 80 est donc un peu difficile pour la marque aux trois diapasons mais lors du Salon de Paris 1983, elle relève la tête avec une sportive deux-temps. Après tout, Yamaha n’est-il pas le constructeur spécialiste de ce genre de motos ? La RD 500 LC est censée être la réplique homologuée de l’YZR 500 de Kenny Roberts mais si elle est effectivement puissante, sa partie-cycle a un peu de mal à suivre. Il faut dire que le cadre en aluminium de la version japonaise n’est pas arrivé en Europe. Les motards du Vieux Continent doivent se contenter de tubes d’acier, moins chers, mais beaucoup plus rigides. De même, pour des raisons de coût et d’encombrement, Yamaha a imaginé un curieux système d’admission. Ainsi, lorsqu’un an plus tard, Suzuki présente la RG 500 Gamma avec son cadre alu et ses quatre distributeurs rotatifs pour l’admission (comme sur la version course), on oublie vite la RD 500 LC, au propre comme au figuré. En 1985, Yamaha pensait se rattraper avec la FZ 750 et son moteur Genesis à 20 soupapes et refroidissement liquide. Malheureusement, une fois de plus, c’est Suzuki qui fait sensation avec sa GSX 750 R, véritable racing replica. La
FZ, malgré la victoire d’Eddie Lawson à Daytona, est classée dans les sportivo-GT. Ceci dit, cette machine est un semi-échec : elle sera produite jusqu’en 1991 et va donner naissance à une prestigieuse lignée de Yamaha, dont la FZR 1000 en 1987. La décennie va se terminer et Yamaha, toujours en tentant d’innover, il faut le noter, va essuyer un dernier échec. En 1987, donc, la TDR devait surfer sur la vague Supermotard. Cette idée de Jean-Claude Olivier n’était pas mauvaise mais l’usine japonaise a malheureusement imposé un moteur de 250 cm3, celui de la TZR, pour satisfaire son marché intérieur. Dommage car avec un moteur de RD
350 LC, elle aurait peut-être rencontré le succès. Laissons le mot de la fin à Soichiro Honda : « Le succès est fait de 99 % d’échecs. »
Et puis, entre nous, les échecs commerciaux font d’excellentes motos de collection.
FOCALISÉ SUR HONDA, YAMAHA NE VOIT PAS VENIR SUZUKI...