KAWASAKI H1
Oubliez sa réputation sulfureuse et laissez-vous tenter. Hors normes, facile, légère, bourrée de charme et de caractère, capable de vous emmener faire vos courses ou de tirer des boulets, la Mach III, comme toutes les 500 H1, est une princesse !
Tour d'horizon des différents millésimes de la fameuse 500 3-cylindres, 2-temps.
Dans son édition du 1er mars 1969, Moto Revue titrait : « Première mondiale : Kawasaki 500 3-cylindres, le roadster le plus rapide du monde ! » À l’époque, l’info arrive des USA, marché prioritaire où les Japonais ont décidé de débarquer en force avec ce nouveau joujou extra. Et l’arrivée de cette nouveauté hors normes fait l’effet d’une bombe. Il faut dire que fin 69, début 1970, des motos qui couvrent le 400 m. départ arrêté en 13,2 secondes et vous propulse à plus de 190 km/h avec tout son équipement routier d’origine, ça n’existe pas. Pourtant, ce « monstre » est tout sauf effrayant à l’arrêt, si ce n’est la présence de ce 3-cylindres en ligne 2-temps totalement novateur à l’époque sur une machine de série. On n’avait plus vu une telle motorisation depuis la Scott de 1935.
Bref, le bouilleur de plus de
100 ch/litre trône, légèrement basculé sur l’avant et plutôt reculé sur l’arrière dans un double berceau des plus classiques. Trois échappements s’étirent tout le long de la moto (2 à droite, 1 à gauche), rappelant ceux de la MV 3-cylindres, star de l’époque. Le bouilleur de la 500 Mach III n’a pas hérité des distributeurs rotatifs chers à la marque et montés sur les 250 et 350, mais de trois carburateurs classiques de 28 mm. On note également un embrayage multidisque en bain d’huile, un allumage électronique (partout dans le monde excepté en France où les premiers modèles seront équipés de rupteurs), une boîte 5 rapports avec le point mort en bas et un vilebrequin qui tourne sur 6 paliers. Les suspensions sont soignées (amortisseurs réglables sur 3 positions et fourche hydraulique sans soufflets, d’inspiration très transalpine) et le freinage au top de ce qui se fait alors : double came de 200 mm à l’avant, simple came de 180 mm à l’arrière. Voilà, rapidement brossées, les caractéristiques techniques de celle qui va entrer dans l’Histoire et dans la tête de tous les motards comme étant la seule et unique « faiseuse de veuves » à cause d’un freinage bien incapable de museler ses performances bodybuildées… Alors, d’accord, ça, c’était en 1969, on ne portait pas de casque, l’état des routes était pitoyable et la vitesse était libre. Ceci explique sûrement cela. Mais aujourd’hui, 50 ans plus tard, rouler en Kawasaki 500 H1 est-ce : impensable ? Envisageable ? Conseillé ?
Nous sommes donc allés faire un tour, non pas avec une, mais quatre Kawasaki 500 H1, gentiment mises à notre disposition par Patrick
Caralp, le boss de Mitik Moto (voir page 24). Oui, je sais, on ne se refuse rien. Une 500 Mach III française tout premier modèle (1969), un café racer sur base de 500 H1A (1971) muni de quelques pièces spéciales, une 500 H1E
(1974) et une 500 H1F (1975).
Gentlemen, start your engine !
Le kick étant largement dimensionné et la compression moyenne, le 3-cylindres Kawa s’ébroue facilement quel que soit le modèle. On fait gentiment chauffer les bêtes, et c’est parti pour un après-midi rempli de sensations. C’est sur la H1 premier modèle que
ROULER AVEC UNE 500 H1 N’EST PAS SEULEMENT CONSEILLÉ, C’EST CARRÉMENT INDISPENSABLE
je débute mon apprentissage. La position de conduite est très naturelle. Guidon plat plutôt étroit, hauteur de selle raisonnable, commandes pas trop fermes, selle large et confortable, on trouve naturellement sa place sur la H1. Le bloc moteur est un peu large au niveau des carters mais rien de rédhibitoire, on accède au sélecteur et à la pédale de frein sans souci. Le son est rageur et les trois mégaphones ne demandent visiblement qu’à s’éclaircir la voix. Première en haut, la boîte craque à peine, on met un peu de gaz en s’éloignant calmement. L’engin ferraille un peu, mais c’est normal. Première impression – qui se vérifiera tout au long de la journée –, cette Mach III est un vrai vélo malgré ses 174 kg sur la balance ! Deuxième chose : ça ne vibre pas trop. Enfin, contrairement aux machines modernes et leurs trains avant extra-rigides, rivés au sol, celui de la Kawasaki H1 se fait oublier tant il est léger. Il faut dire que les ingénieurs nippons avaient volontairement reculé le bloc dans la partiecycle (la répartition des masses est de 43 % sur l’avant pour 57 % sur l’arrière) afin d’augmenter encore la sensation de brutalité dont la clientèle US raffolait. Pour rappel, le projet 3-cylindres deux-temps, baptisé « N100 » et dirigé par l’ingénieur en chef Yukio Otsuki, débute en avril 1967 sur une demande pressente de l’American Kawasaki Motors, première filiale de la marque à l’étranger, afin de contrer les Triumph Bonneville, BSA et autre Honda CB 450 qui envahissent alors le pays de l’Oncle Sam. Autant dire qu’avec des montées en régime dignes d’une moto de course et un train avant poids plume, la Mach III a tôt fait
LA KAWA 500 H1 EST UNE MOTO FACILE, À L’OPPOSÉ DE SA RÉPUTATION DE “FAISEUSE DE VEUVES”
de se retrouver en roue arrière. Une sacrée santé que, ni sa partie-cycle classique dérivée de celle de la 250 A1 Samouraï sortie en 1967 (un bicylindre 2-temps à distributeur rotatif), ni son freinage moyen n’arrivaient à contrôler. Il faut quand même imaginer quel fut le séisme provoqué par cette Mach III. Voilà d’ailleurs ce qu’on en disait dans Moto Revue : « Ses performances correspondent à celles d’une bonne 500 privée de Grands Prix. Pour info, la MV 500/3 d’Agostini développe 78 ch, une Matchless G50 sort 51 ch pour 150 kg (vitesse maxi 205 km/h), une Norton Manx 52 ch pour 140 kg (vitesse maxi 210 km/h)… » Ajoutez les hurlements d’un 2-temps calé à 120° qui pouvaient rappeler ceux d’un chasseur à réaction (le nom Mach III viendrait de cette « ressemblance »), des accélérations diaboliques, et sa réputation était faite. Aujourd’hui, évidemment, on n’est plus vraiment surpris par cette puissance de 60 ch à 7 500 tr/min. Non ! Mais attention quand même au freinage qui, au mieux, vous ralentira en bout de piste seulement. Et c’est peut-être là son plus gros défaut s’il fallait en trouver un. Avec une machine de cette époque, il faut impérativement anticiper, surtout qu’en prime, le frein moteur n’est pas un allié majeur (deux-temps oblige) et qu’il vous faudra un peu d’habitude pour ne pas vous retrouver systématiquement au point mort à chaque freinage appuyé. Rassurez-vous, les petites bourres entre potes sont quand même fortement recommandées à son guidon. Vous adorerez son gabarit, sa taille de guêpe, son look rétro et son côté mauvais garçon. Ça démarre bien, ça vit, ça chante, ça envoie et ça peut
aussi vous balader à un rythme de sénateur sur les petites routes de campagne ou aller boire un verre en terrasse avec madame. Et puis, comment ne pas tomber amoureux de la sonorité de l’engin, du petit liseré qui borde la selle, des commodos d’époque, des moyeux et des freins à tambour super vintage ? Alors, la réponse est OUI. On peut rouler avec une 500 H1 presque tous les jours. Et si vous n’avez pas la chance d’avoir dégotté un premier modèle extra-léger et extraverti, les suivants sont encore plus civilisés. En tout cas, plus confortables. Pour ceux que le freinage généré par les deux tambours peut rebuter, vous pouvez opter pour l’option « café racer ». En clair, une H1 préparée et améliorée, qui va enjoliver et sécuriser vos virées. Le café racer sur base de H1A 1971 de notre balade était équipé de gros freins, d’une fourche Ceriani, de gros freins 4 cames magnésium, d’une ligne d’échappement plus directs et d’un bloc moteur montés sur silent bloc et d’un allumage électronique. Comme on peut s’y attendre, le résultat est à la hauteur des espérances. Le freinage devient plus mordant et les suspensions, plus fermes, génèrent une tenue de route plus rigoureuse. L’esthétique est une réussite même si les collectionneurs et les adeptes des modèles « d’origine » passeront forcément leur chemin. Mais peut-être se retourneront-ils sur une H1E ou une H1F avec leur train avant de 750 H2, leur rondeur, leur souplesse. En effet, les dernières versions de 500 H1 ont certes pris du poids par rapport au modèle originel (Ă de 10 kg) mais elles ont aussi gagné en sécurité grâce à leur freinage revu à la hausse et aussi en confort avec leur position de conduite moins en appui sur les poignets (grand guidon et selle plus large, mieux rembourrée) et leur moteur monté sur silent bloc, ce qui réduit considérablement les vibrations générées par le 3-cylindres 2-temps.