MITIK MOTO
Depuis sept ans, Patrick Caralp cherche, trouve, rapatrie, restaure et prépare des Kawasaki 3-cylindres 2-temps. Le boss de Mitik Moto fait partie des spécialistes européens de la Kawasaki ancienne. Il nous a ouvert ses portes.
Visite chez l'un des rares spécialistes européens de la Kawasaki ancienne.
L’histoire de Mitik commence en 1997. Avant cela, Patrick dirige une société d’aménagement intérieur et fabrique des placards coulissants dans le Val-d’Oise. La petite entreprise marche si bien qu’il se monte une collection de motos perso. « Dès que j’avais un moment, je le passais à les restaurer, reprend Patrick. Nous avons ensuite déménagé à Tours où j’ai essayé de relancer mon activité d’aménagement intérieur... Mais ici, les trucs sur-mesure hors de prix, ça ne marchait pas, et la seule autre chose que je savais faire, c’était restaurer des motos. Ça a commencé comme ça ». Il démarre seul, bien que Petit Jean, son mécano actuel, passe de temps en temps. « Pour être honnête, je n’y croyais pas du tout… Ma grande chance, c’est qu’à l’époque, j’étais président du H1/H2 Club de France. Et les gars voulaient savoir où on pouvait retrouver des pièces et où les refaire fabriquer. Alors, j’ai créé Mitik Moto, un magasin spécialisé dans la restauration. » Patrick trouve un local et se sert de sa collection privée (que des Kawa) comme déco. « Ça a duré comme ça un an, Puis, le directeur commercial de Kawasaki France est venu me voir et m’a proposé de devenir concessionnaire à Tours, tout en conservant Mitik Moto en parallèle pour les anciennes. En 2000, je suis concessionnaire. Au début, ça marche fort et côté Mitik, ça progresse. On ne fait que de la moto de collection très souvent en provenance des US. » Malheureusement, en 2007, un de ses deux associés se brûle les ailes avec des affaires de constructions et la concession Kawa se casse la gueule. « J’ai perdu des plumes mais j’ai conservé Mitik qu’on a déplacé là où nous nous trouvons aujourd’hui. Petit Jean est resté avec moi et a remis de la rigueur dans l’atelier. J’ai ensuite embauché quelqu’un pour le suivi des pièces détachées. Finalement, c’est Marlène qui a récupéré le poste. » Désormais, Mitik, c’est trois salariés et tout un panel de bénévoles sur les salons ou les grandes bourses comme Imola.
Là, Patrick s’entoure d’une deuxième équipe. Marlène et Petit Jean restent et produisent à Tours, lui part à l’étranger pour vendre et acheter. « Le problème aujourd’hui, c’est de trouver des bases sur lesquelles on peut travailler. Le marché a complètement changé. Au début, jusqu’en 2010, les gens m’apportaient une vieille moto et je la restaurais. Beaucoup de machines venaient des USA, on trouvait des bases, donc des pièces. Maintenant, des Kawasaki tu n’en trouves quasiment plus aux USA. Sur place, les rabatteurs te disent : “Voilà, j’ai une vieille Kawa de tel modèle, elle a deux roues, un moteur bloqué, ça t’intéresse ?” Moi, j’ai un gars là-bas qui les regroupe dans un local dans le nord-est des USA et les rapatrie par container quand il en a assez. Mais il y a énormément de taxes. » Effectivement, Patrick doit s’acquitter de la location du local, du transport (Michigan/embarquement), du transitaire qui charge son container, du transport USA/ Le Havre et pour finir, de celui du Havre à Tours… « Une moto que j’achète 3 000 $ aux USA, quand elle arrive en France, elle vaut déjà 6 000 €. Le problème avec les Kawasaki, c’est qu’il y a une demande très forte des autres pays. Les Japonais s’y mettent, les Russes aussi. On change de métier. Avant, je gagnais de l’argent en vendant des motos et je rachetais des bases avec l’argent gagné. À présent, je suis obligé de faire
LES CLIENTS VEULENT FAIRE UN CHÈQUE ET PARTIR AVEC UNE MOTO. MAIS IL N’Y A PLUS DE MOTOS...
comprendre au gars qui est là, planté devant une 750 H2 bleue refaite de A à Z pour un autre client que, s’il veut la même, il va devoir m’avancer le prix de la base pour la trouver aux USA et attendre près d’un an que je l’ai refaite. Improbable. » Donc, souvent, il loupe des ventes. C’est pourquoi il aimerait trouver un investisseur pour qu’à chaque fois qu’un gars entre chez Mitik et veut acheter une Kawa, il en ressorte avec quelque chose. « Quand je fournis une base à un client, reprend-il, je fais un devis avec lui et j’ai un cahier des charges à respecter. Mais parfois, il y a des trucs que je ne peux pas faire et ça se complique assez vite... En fait, je gagne plus d’argent en faisant des café racer sur base d’anciennes. Des motos avec de meilleurs freins, de bons amortisseurs Avon ou Koni, etc. J’essaie de développer ça. Mais attention, une moto préparée coûte aussi cher qu’une moto d’origine. Et quelles qu’elles soient, il faut d’abord tout reprendre de A à Z. Tu ne peux pas faire autrement.
Il y a souvent beaucoup de pièces détachées à changer et certaines sont hors de prix. Si, sur la base trouvée, il n’y a pas de roues, de selle ou de caches latéraux, ce n’est pas grave. Mais s’il manque le tableau de bord par exemple, là, on fait la gueule car c’est introuvable et il faudra pourtant bien en dénicher un. » Patrick s’approvisionne chez des fabricants de pièces japonais qui refont presque tout : « Non, pas tout, coupe-t-il, ils refont 35 % de la moto. Des trucs très intéressants, comme des câbles ou des circuits électriques, notamment. Toutes les petites choses, les petits caoutchoucs, ils ne refont pas. J’ai personnellement investi dans des moules pour toutes les petites pièces et tous les caoutchoucs des 3-cylindres 2-temps Kawasaki. Si on cherche bien au Japon, on doit pouvoir trouver de la boulonnerie par exemple. En France, en revanche, personne ne refait de pièces. » Pourquoi alors ne pas ouvrir directement un site de pièces détachées ? « Jusqu’à présent, je préfère avoir 4 caoutchoucs de chaque modèle plutôt que 100 d’un seul. Mes moules sont en résine et ne résistent pas à la grande série. Pour ça, il faudrait des moules en alu. Là encore, c’est une histoire d’investissement... »
Les restaurations de Mitik Moto font bien sûr travailler tous les corps de métier.
« Pour les cadres par exemple, on travaille avec un ancien de chez MotoCadre qui fait toujours du redressage. Le peintre est toujours le même. Le chromeur aussi. Le plus important, c’est de trouver un bon polisseur. La pièce doit être d’abord déchromée et mise à nu. Il faut ensuite la détordre si besoin, la restaurer, l’envoyer chez le polisseur, puis chez le chromeur. Le peintre, lui, ne travaillera pas sur une vieille peinture. Il faut donc passer des heures avec une microbilleuse pour sabler toutes les anciennes couches. Les bases de travail sont propres et ses peintures
Candy sans taches. On a aussi fabriqué tous les caches pour faire toutes les peintures de Kawa. On est au point. » Tous les ans, environ 30 motos sortent de l’atelier. Des restaurations complètes, des liftings, des révisions et des modifications. Et la demande ne faiblit pas. « On en a beaucoup, mais les motos manquent. Et il faut avoir drôlement confiance : il faut m’avancer le prix de la base, pour que je la trouve aux USA. Puis on établit un cahier des charges : pneus, freins, couleur, etc. et après, il faudra réaliser le travail. Près d’un an d’attente… Compliqué. J’essaie donc de diriger les clients vers la base la plus appropriée en fonction de leurs demandes : moto d’origine, café racer, etc. Pour un café racer, la base ne doit pas être trop chère afin de pouvoir acheter de bonnes pièces (carbus, détente, amortisseurs) mais au final, le prix d’un café racer ne doit pas dépasser celui d’une machine 100% stock.» Combien faut-il mettre sur la table pour une
H2 d’origine refaite de A à Z ? « Entre 20 000 et 22 000 €, sans options. Un double disque complet par exemple (disque/ fixation/étrier/maître-cylindre plus gros, répartiteur double acheté au Japon), c’est 1 800 €. Pour une 500 Mach III premier modèle, il faut compter environ 15 000 €. » Et plutôt H2 ou H1 ? « Une H1, c’est plus rigolo et tu peux en trouver entre 4 000 et 5 000 €. Là encore, on prend ce qu’il y a. Un réservoir de Mach III en ce moment, ça vaut 1 000 € sans peinture. Pour en revenir à ta question, la 500, il y en a eu beaucoup et ça reste une machine rigolote. Attention, toutes les Mach III arrivent des USA avec un disque. À l’époque, ils viraient le tambour. Si tu dois la refaire d’origine et que tu n’as pas le train avant qui va avec le tambour quand tu l’achètes
(la vraie fourche, le vrai garde-boue, le vrai frein), passe ton chemin car les pièces sont souvent introuvables. C’est aussi pour ça que j’aime bien les motos préparées avec une fourche Ceriani et un frein 4 cames magnésium mais là, on est dans l’optique “pas d’origine”. » On a vu quelques machines équipées de (très) gros freins justement, ils viennent d’où ? « Ils sont faits en Italie par Fontana ou Grimeca. Mais attention, ils ne sont pas spécifiques à Kawa. À toi de tout adapter. À la base, ces freins sont destinés aux motos de course. Le gros problème, c’est que nos motos n’ont pas d’entraînement de compteur. Il faut en fabriquer un spécifique sur la roue arrière et l’étalonner. C’est une technologie pas possible. Ça coûte cher mais c’est une obligation : sans compteur, tu ne peux pas rouler. » Étonnamment, il y a peu, voire pas de 4-temps style Z1 dans les locaux. Un choix perso ?
« Je n’y ai pas trop cru. Ce que j’aime avec les 2-temps, c’est la légèreté, la facilité de conduite et les sensations qu’ils génèrent encore aujourd’hui. Des motos utilisables tous les week-ends, voire tous les jours. Légères, fiables et faciles. » À conseiller à tout le monde, en somme ! ✦