750 H2 MACH IV
On a tous un souvenir de cette moto pas comme les autres. La Kawasaki H2 a traversé les années 70 comme un missile, en découpant l’asphalte. Avec le temps, la belle s’est assagie. C’est le moment d’en profiter.
Une référence parmi les références. Nous avons fait un bout de chemin ensemble.
Quand on touche au phénomène H2, on ne parle plus simplement de moto, mais de mythe. De ces machines qui ont traversé le temps et s’y sont inscrites à jamais. Le célèbre dessinateur Bar2, que j’avais passé à la question pour le premier opus de la série Collection (consacré à la Honda CB 750, ndlr), avait eu ce commentaire tranché en résumant la naissance du Joe Bar Team : « À l’époque, mes personnages étaient des “champions de quartier”. Des mecs rapides qui se tiraient la bourre et passaient leur vie à asseoir leur réputation. Donc, côté moto, ils avaient ce qui se faisait de mieux. Ce qu’il fallait avoir. Une H2 bien sûr, une Norton Commando, une Ducati 900 SS et une Honda CB 750 ! » « Une H2 bien sûr », là, tout est dit ou presque. Une H2, parce que la bête surfe sur les braises de sa petite soeur cadette, la Kawasaki H1 500 Mach III (voir essai page 16), fameuse « faiseuse de veuves » sortie en 1969. Une H2, parce que ses performances sont tout simplement diaboliques à sa sortie en 1972 (74 ch à 6 800 tr/min pour 194 kg et 7,9 mkg de couple à 6 500 tr/min). D’ailleurs, dès les premiers essais effectués à Montlhéry pour Moto Revue, Christian Bourgeois ne cache pas son admiration : « 12’’ aux 400 mètres D.A., 24’’6 aux 1000 mètres D.A., des performances hors du commun capables de ridiculiser tout ce qui roule sur 2 ou 4 roues ! » Eh oui, la nouveauté Kawa est un missile qui tranche l’asphalte dans un environnement bien différent de ce que nous connaissons actuellement. Difficile à imaginer. Pour rappel, en 1972, la vitesse n’est pas limitée – tout juste si les traversées de villages le sont –, le casque est facultatif et l’état des routes est souvent très limite. Comme, en plus, les forces de l’ordre ne sont pas vraiment regardantes sur les agissements de cette jeunesse à moto, on roule littéralement à tombeau ouvert. Voilà ce qui explique en grande partie la réputation de « monstre » que va se coltiner la H2 dès sa sortie. Pourtant, quand on se pose aujourd’hui sur la selle plutôt confortable et derrière ce guidon au cintre large (celui du modèle US, l’européen était plus étroit et plus plat), la H2 ne fait plus peur. Certes, on s’interroge sur ses réactions et ses éventuels « coups de folie » à venir : quid du freinage ? De la tenue de route ?
De cette meute de chevaux qui vous arrachent les bras ? Va-t-on se retourner à chaque accélération ?...
C’est de l’ordre du pur fantasme !
Bien sûr, tout ça est à présent de l’ordre du pur fantasme. La 750 H2, c’est d’abord une moto magnifique avec ses lignes tendues, ses chromes et ce fabuleux 3-cylindres 2-temps qui fait tant parler. C’est surtout une partenaire idéale pour aller flâner sur les petites routes sans aucun souci ou taquiner ses potes à coups de gaz rageurs si le coeur vous en dit. Mais c’est bien là, à l’abri du trafic et des grands axes, qu’elle vous procurera le
1- Le réservoir bleu et ses liserés courbés. En 1972, l’autre coloris est le vieil or. 2- Trois échappements qui vont régner sur la route (et la piste) dès leur arrivée. 3- Tableau de bord classique très lisible et amortisseur de direction.
4- Le 3-cylindres mythique dans toute sa beauté. Ci-contre : aujourd’hui, la H2 reste une référence mais elle s’apprivoise sans aucun problème.
POUR VOYAGER DANS LE TEMPS OU ROULER LE NEZ AU VENT, LAISSEZ-VOUS TENTER PAR L’EXPÉRIENCE H2
plus de plaisir et vous donnera le meilleur d’elle-même. Allez, un coup de starter, un ou deux coups de jarret dynamiques et le bouilleur craque gentiment. On fait chauffer la bête, ça ferraille un peu, ça ferraille beaucoup même, les vibrations sont présentes juste ce qu’il faut et le son monte en puissance en même temps que la température s’élève. Première en haut – il faudra s’y habituer –, et c’est parti pour une virée entre potes. Le must à son guidon. Rapidement, pour ne pas dire immédiatement, on est bluffé par la facilité de comportement qu’elle génère. Plutôt légère à emmener, la H2 répond bien sûr à la moindre sollicitation mais plutôt en douceur. Si la prise de tours peut être radicale et les vitesses un chouïa trop élevées (le compteur est gradué jusqu’à 240 km/h, respect !), jamais pourtant, on ne se sent pris de panique. C’est même plutôt le contraire. Il faut rester concentré, notamment côté freinage (la moto que nous avait prêtée Patrick était 100 % d’origine et n’avait donc qu’un frein à disque avant) mais le comportement général reste sous contrôle, sans mauvaises surprises. Pas de louvoiements intempestifs, pas d’amorces de guidonnage ; la H2 reste stable en courbe et sereine sur les changements d’angle. La 750 H2 ne passe jamais inaperçue À son guidon, vous aurez l’avantage de profiter à la fois : d’une machine mythique (côté collection), d’une réputation sulfureuse (côté historique), d’un comportement extra
(côté roulage) et d’un respect généralisé (côté spectateurs et/ou participants au roulage). À son passage, tendez l’oreille. Pour apprécier les vocalises de la patronne bien sûr, mais aussi pour profiter des commentaires et mesurer à quel point cette moto n’est assurément pas comme les autres. On se souvient de la première fois où on l’a vue, d’un pote qui en avait une, ou d’un article qui en parlait. Comme pour les CB 750 ou les 2CV, la 750 H2 ne passe jamais inaperçue. Et si l’envie d’en découdre avec la meute vous prend aux tripes, là encore, elle répondra présent. Poussée dans ses derniers retranchements, la princesse se transforme un peu en bête de course. Le bloc rugit, le compte-tours flirte avec sa zone rouge (7 500 tours) et si la partie-cycle et le freinage avoueront leurs limites plus vite que le 3-cylindres, elle reste un engin diabolique côté sensations. Pour voyager dans le temps ou rouler le nez au vent tous les week-ends, laissez-vous tenter par l’expérience H2.