Moto Revue Classic

MICHÈLE MELET

En poste pendant 44 ans chez Kawasaki, Michèle Melet a pris une retraite bien méritée en 2017. Elle qui a oeuvré au sport, au commerce, aux RP et au marketing a vu passer tant de monde qu’elle est le témoin n° 1 de l’histoire de la marque verte en France.

- Propos recueillis par Stéphane Le Gouic. Photos SLG et collection Michèle Melet.

Michèle est restée 44 ans chez Kawasaki ! Une vie pleine d'histoires, fatalement.

LE SPORT EST DANS L’ADN DE LA MARQUE

Michèle, vous souvenez-vous de vos premiers jours chez Kawasaki ?

Absolument. À l’époque, je travaillai­s pour Ciba Geigy, un groupe suisse qui opérait dans la chimie, lorsque j’ai été approchée par Xavier Maugendre. Il avait fondé la Sidemm, société d’importatio­n des motos Kawasaki en France, et il recherchai­t une assistante parlant bien anglais pour travailler avec un directeur japonais du groupe Itochu qui venait de prendre 33 % des parts de la société en 1973. Ce Japonais venait quatre mois par an en France. J’avais fait deux ans d’études en Angleterre et passé six mois aux États-Unis, je ne maîtrisais pas trop mal l’anglais. On m’a contactée pour ce poste et je suis allée à un rendez-vous le soir après ma journée de travail. C’était dans un bistrot rue de l’Église à Paris, c’est là que j’ai rencontré pour la première fois Xavier Maugendre. On a discuté et il m’avait impression­née. Moi, je n’avais aucune raison de quitter Ciba Geigy, j’avais 24 ans, c’était un grand groupe, j’y gagnais bien ma vie ! Il m’a rappelée une semaine après pour me dire que je l’avais convaincu. Je lui ai dit que je ne voulais pas quitter ma société, que ce qu’il me proposait en salaire ne me convenait pas et lui m’a dit : « Vous ne discutez pas, vous venez ! » Et je n’ai pas osé dire non… J’ai ensuite rencontré le directeur commercial, Christian Fremin, avec lequel j’allais travailler, puis je suis arrivée à la Sidemm. Au début, ça ne s’est pas bien passé : les filles en place étaient dures avec moi. Au bout de trois mois, je n’en pouvais plus, j’ai donné ma démission. À l’époque, on retrouvait du travail du jour au lendemain. Quand Xavier a appris ça, il était fou furieux ! Il m’a convoquée, il a déchiré ma lettre et m’a demandé ce qui n’allait pas. Je lui ai dit que je ne me sentais pas acceptée au sein de l’entreprise, que la moto ce n’était pas mon truc. Il m’a alors demandé ce que je voulais faire, il était prêt à accepter n’importe quoi pour que je reste. Je lui ai dit : la compétitio­n ! Xavier Maugendre a toujours dit que j’étais la seule personne qu’il ait retenue après avoir donné sa démission.

Vous n’étiez pas passionnée par la moto avant de rentrer à la Sidemm ?

Non, pas du tout. Mais durant les trois mois passés là-bas, j’étais allée sur les circuits, au Castellet, au Mans… J’avais commencé à côtoyer tous les pilotes et ça m’avait beaucoup plu. Je n’avais pas un salaire plus important pour partir le week-end sur les courses mais j’y allais pour le plaisir. Je m’occupais de l’intendance, de la nourriture… Xavier a donc accepté que je passe à la compétitio­n et je me suis mise à travailler avec les différents team managers de l’époque, Jean-Claude Guénard, puis Serge Rosset et Georges Godier. On partait au Japon pour commander les pièces pour la saison, j’étais occupée presque sept jours sur sept et deux semaines sur quatre par la compétitio­n. À l’époque, il y avait les courses d’endurance, la vitesse, la Coupe Kawa, je suivais tout ça de près… La Sidemm était une société familiale, Xavier était comme un patriarche. À chaque fois qu’une Kawasaki gagnait une course, c’était champagne le lundi ! Il faisait venir les pilotes et on fêtait la victoire. Je me souviens que pour la première victoire au Bol d’Or en 1974, on avait célébré ça toute la semaine suivante ! Il y a quelques mois, j’ai regardé le film Le Cheval de fer. À part deux pilotes, j’ai connu tous ceux qui couraient alors. C’était un autre monde, une autre époque…

Xavier Maugendre vous a recrutée, quel souvenir gardez-vous de lui ?

C’était un personnage hors du commun, un vrai patron. Un peu comme Jean-Claude Olivier, il savait ce qu’il voulait, où il allait. Il n’était pas toujours facile, ni de bonne humeur mais il savait fédérer son équipe. Tous les gens l’aimaient dans la société. Il aimait bien les femmes, il aimait les mettre en avant. Ça lui allait bien de m’avoir placée à la compétitio­n qui est un monde d’hommes. C’était une personnali­té. Il a réussi à faire connaître la marque Kawasaki en France par le biais de la course dans laquelle il investissa­it beaucoup.

Pourquoi a-t-il dû lâcher l’importatio­n Kawasaki ?

En 1981, il a été contraint de vendre ses parts aux Japonais d’Itochu. Ils ne lui avaient pas laissé le choix, il suffisait qu’ils se mettent à moins lui livrer de motos pour que la Sidemm périclite… Une nouvelle société a été créée, Xavier est parti, un nouveau président est arrivé et c’était le Japonais avec lequel j’avais travaillé lorsque j’avais été embauchée à la Sidemm : Jiichi Endoh. Je ne savais pas si j’allais continuer à travailler avec lui, il n’était pas très facile. Il m’a appelée et m’a dit qu’il souhaitait que je reste. On a discuté, il a accepté mes conditions et il m’a sorti du service commercial au fil des années. Il m’a confié l’organisati­on des stands sur les salons, les relations avec le Tour de France, la communicat­ion, la PLV et le merchandis­ing. C’était un poste à part entière avec des tâches très variées. Je me souviens que pour faire la promotion de nos vêtements, j’avais pris Jean-Luc Lahaye comme mannequin, c’était alors un chanteur en pleine gloire !

Monsieur Endoh a-t-il été marquant dans votre parcours ?

Il m’a donné ma chance. On a bien travaillé ensemble. Je m’occupais de beaucoup de choses pour lui, je lui avais choisi et décoré son appartemen­t parisien, je conduisais sa voiture, je m’occupais des déjeuners et dîners officiels organisés dans l’appartemen­t japonais que l’on avait créé dans le bâtiment à Maurepas. J’étais en quelque sorte son assistante, ce qui m’a permis de toucher à beaucoup de domaines. En 1985, nous avons aussi pris en charge la filiale italienne qui avait été rachetée par Itochu. Avec M. Endoh, nous partions une semaine par mois à Milan, on adaptait au marché italien toute la communicat­ion et la PLV que l’on concevait en France, je m’étais même occupée du stand Kawasaki à l’Eicma. Ça a duré deux ans avant qu’un staff italien ne soit recruté. Puis, en août 1993, M. Endoh a été rappelé au Japon malgré son désir de rester en France. Mais c’est toujours l’usine qui commande…

Combien avez-vous eu de « patrons » finalement ?

Dix au total. Après Xavier Maugendre et Jiichi Endoh, M. Kajiki est arrivé. Il a fait évoluer Kawasaki France, notamment au niveau informatiq­ue. Il est resté 5 ans puis est arrivé M. Koyama, un personnage un peu spécial. Il est parti fin 2001 et M. Inai, qui était directeur financier depuis 1982, a été promu président pour un an en attendant l’arrivée de M. Teranishi, qui était un transfuge d’Itochu et est resté jusqu’en 2005. Ensuite a été nommée Eiko Kirino, une femme, qui est restée jusqu’en 2009. Elle avait 20 ans de moins que moi, c’est sans doute la raison pour laquelle tout s’est bien passé entre nous deux. C’était une personne très intelligen­te. Elle a débauché Patrick Marchal de chez Suzuki France et avec lui, ils ont grandement fait évoluer le commerce et ils ont contribué à faire évoluer la gamme à travers l’Europe. M. Tanaka est arrivé en 2009 puis il a ensuite été promu n° 2 de Kawasaki Motors Europe.

Il a été remplacé en 2013 par Keisuke Goto, qui est reparti au Japon en 2016 et a été remplacé à la présidence par

Patrick Marchal. Un homme que j’estime beaucoup.

Si j’ai repoussé mon départ à la retraite, c’est parce que travailler avec Patrick était très agréable. Il a été un président extraordin­aire pour moi. Il sait ce qu’il veut et m’a toujours accordé une grande confiance. J’avais commencé ma carrière avec un président français et je l’ai terminée avec un président français, la boucle était bouclée !

Quelle a été la meilleure période pour vous durant toutes ces années ?

Mes débuts avec Xavier Maugendre et la fin avec

Patrick Marchal. J’ai vécu également une belle période avec M. Endoh, qui m’a permis d’évoluer dans la société.

Comment avez-vous vu évoluer la marque en France durant toutes ces années ?

On s’est efforcé de donner à Kawasaki un côté premium mais toujours avec la volonté de conserver l’image sportive. Kawasaki n’est pas une marque généralist­e comme le sont les autres constructe­urs japonais. Le sport est dans l’ADN de la marque. Nous gagnons en Mondial Superbike, en motocross aux USA et en France et bien évidemment en endurance... Kawasaki a cette image de sportivité et de performanc­es, cette couleur verte marquante, et cela se ressent dans les études consommate­urs que l’on mène auprès des clients.

Justement, savez-vous d’où vient cette couleur verte de Kawasaki ?

À la base, c’étaient les motos de cross qui étaient vertes. J’ai connu le logo Kawasaki bleu puis rouge.

Et un jour, il y a très longtemps quand même, les Japonais ont décrété que le vert serait la couleur de la marque. Aucun autre constructe­ur japonais n’utilisait cette couleur, c’était un moyen de se différenci­er.

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 ??  ?? 1- Aux côtés de Jiichi Endoh, le premier des patrons japonais de Kawasaki France avec lesquels a travaillé Michèle Melet. 2- Michèle Melet n’hésite pas à affirmer par ailleurs qu’elle doit tout à Kawasaki, y compris la rencontre avec son mari, qui était expert comptable pour la marque ! 3- Elle a géré le partenaria­t technique avec le Tour de France pendant quarante ans, de 1977 à 2017, année de son départ en retraite.
1- Aux côtés de Jiichi Endoh, le premier des patrons japonais de Kawasaki France avec lesquels a travaillé Michèle Melet. 2- Michèle Melet n’hésite pas à affirmer par ailleurs qu’elle doit tout à Kawasaki, y compris la rencontre avec son mari, qui était expert comptable pour la marque ! 3- Elle a géré le partenaria­t technique avec le Tour de France pendant quarante ans, de 1977 à 2017, année de son départ en retraite.
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