13 ANS DE BONHEUR
Née en 1971, la petite marque italienne SWM a disparu en 1984. En treize années, elle a cependant eu le temps de se hisser au niveau des ténors de l’enduro et du trial.
C’est un soir de janvier 1971 que l’idée de construire une machine d’enduro est venue à Pietro Sironi, jeune patron d’une société de matériel hydraulique, et son ami
Fausto Vergani, motoriste chez Gilera. Les deux complices se rejoignent dans une même vision : produire une moto deux-temps capable de rivaliser avec la concurrence étrangère car les quatre-temps italiens (Morini, Gilera, Guzzi) sont dépassés. C’est dans le garage de Vergani que le premier proto prend forme. « L’objectif était de créer une machine qui puisse concurrencer les 2-temps officiels. Nous la voulions robuste, performante et novatrice », explique Sironi. Fausto innove en concevant un bras oscillant de section rectangulaire et le moteur est un Sachs 125. Les suspensions sont fournies par Adriano Marzocchi qui a accepté de développer des éléments tout-terrain pour les deux hommes. La machine créée par Sironi et Vergani à Vimercate, en banlieue de Milan, reprend les quatre initiales (SVVM) mais est officiellement enregistrée le 11 Juillet 1971 comme
SWM pour « Speedy Working Motors », appellation plus commerciale. Trois exemplaires sont construits. « Au départ, nous voulions faire une petite série pour notre écurie mais après avoir exposé trois prototypes au Salon de Milan, un 50, un 100 et une 125, et devant l’accueil enthousiaste du public, nous avons alors songé à donner une orientation plus commerciale à notre marque », reprend Sironi. Dès 72, des machines sortent des ateliers pour les premiers clients et pour son écurie officielle. Malgré le peu d’intérêt de la Fédération italienne pour le championnat d’Europe, Sironi décide de se lancer dans l’aventure.
Les moteurs Sachs préparés par l’usine ne seront livrés que la veille de l’ouverture en Espagne mais les résultats sont remarquables : Redrezza est 5e en 50, Signorelli 3e en 100 et Rottigni 2e en 125.
Le Vase d’argent aux ISDT
En juillet 1972, la gamme SWM est présentée à la presse avec une 50, une 100 et une 125 déclinées en Six Days pour la compétition et en Regolarita pour les amateurs. Le succès est immédiat.
Pour sa première année de production, SWM va vendre 522 exemplaires de son
50, 187 du 100 et 880 du
125. « Nos locaux sont vite devenus trop petits et, à côté de l’usine, nous avons racheté une vieille fabrique de chaussures où nous avons ouvert un département Recherche et Développement ainsi qu’un service course. » Mieux installés, Sironi et
Vergani font évoluer leurs machines. Et ça marche, en 1973, Rottigni est 2e du championnat d’Europe 125. Tout ce que les pilotes valident en course se retrouve sur la série. Les résultats sportifs sont éloquents : en 74,
Rottigni est troisième en championnat d’Europe et remporte la catégorie 125 aux Six Jours de Camerino. Petrogalli est second en 100 et l’Allemand Klenk l’imite en 50. La gamme 75 reprend les solutions développées lors de ces Six Jours et une 175 vient compléter l’offre. C’est au guidon de ces machines que l’équipe SWM va remporter le Vase d’argent aux ISDT de l’île de Man en 1975. Au Salon de Milan, SWM présente de véritables répliques « île de Man » mais aussi celles qui seront
AU DÉBUT DES ANNÉES 70, LES MOTOS ITALIENNES SONT DÉPASSÉES EN ENDURO
importées en France sous la marque BPS, les Silver Vase, déclinées en 125, 175 et 250 grâce au tout nouveau moteur Sachs à sept vitesses. « C’était tout sauf un moteur. Il avait été conçu sur ordinateur, une première à l’époque, mais le résultat n’était pas bon, il était trop lourd et ne fonctionnait pas bien », explique Sironi. Bref, la tant attendue gamme Silver Vase est décevante.
Champion du monde !
Sironi contacte le fabricant autrichien Rotax qui dispose d’un moteur à admission par disque rotatif déjà utilisé au Canada par la maison mère, Bombardier, pour propulser depuis 1973 les motos de la marque, les Canam. Vergani va le modifier avec la bénédiction de l’usine séduite par le projet
« trial » que leur proposent parallèlement les Italiens.
Avec cette motorisation inédite, ce sont de toutes nouvelles machines qui apparaissent début 1977 aux mains des pilotes officiels. Dans leur robe rouge et blanche, les RS GS démodent tout ce qui roule. La production débute en juin et les résultats européens et italiens vont doper les ventes. Les chiffres de production sont impressionnants : 900 motos en 73, 1 750 en 74, 2 500 en 75, 3 000 en 76, 5 000 en 77, 6 000 en 78 ! Avec Marinoni, Gualdi, Andreini et Gualdi, SWM domine l’enduro durant deux saisons. Mais fin 80, c’est la révolution, des catégories disparaissent, Brissoni est engagé par Fantic, Marinoni par Zündapp et Andreini par Maico. Sironi mise alors sur le trial pour redorer son blason. Depuis 79, avec l’arrivée du moteur Rotax, SWM a développé des machines efficaces et en 81, Gilles Burgat gagne les Six jours d’Écosse et le championnat du monde !
La marque propose à présent une gamme tout-terrain complète mais aussi une machine de route, des trail-bikes et des cyclos. La production s’élève à plus de 12 000 unités produites dans une nouvelle usine, toujours à Rivolta d’Adda. En huit ans, SWM est devenu l’un des fleurons de l’industrie du deux-roues en Italie. Sauf que les années 80 annoncent la descente aux enfers. Les SWM d’enduro sont dépassées par leurs concurrentes japonaises et même italiennes (Aprilia, Cagiva et Gilera), les ventes s’effondrent, une décentralisation vers le sud de l’Italie est prévue pour profiter de subventions gouvernementales mais les syndicats s’y opposent et bloquent la production. C’est la crise. Dépassé par la concurrence, empêtré dans d’insolubles problèmes financiers, SWM cesse son activité en 1984 après seulement 13 ans d’activité.