Moto Revue

Le flat-track RETOUR AUX SOURCES

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Daytona, Indianapol­is, des noms mythiques qui évoquent les circuits dits « ovales » et surtout, les courses de Nascar. Mais qui dit ovale dit aussi flat-track, la plus ancienne des discipline­s tout-terrain aux USA (elle est presque centenaire)... Si les premières courses ont eu lieu en 1924, ce n’est qu’en 1932 qu’une catégorie profession­nelle a vu le jour. À cette époque, aux USA, le choix de marques est limité : les motos japonaises n’existent pas, les européenne­s sont inadaptées. Le flat se court donc exclusivem­ent sur des Harley ou des Indian et les usines financent de vrais teams officiels pour s’imposer sur les ovales. Mais cette stratégie est mise à mal par le krach boursier et la crise de 1929. Les organisate­urs créent alors une classe « C », réservée aux amateurs courant sur des machines de route standards. Accessible financière­ment, la formule permet la survie du flat dans ces années difficiles. La Seconde Guerre mondiale réduit ensuite à néant tous ces efforts et la compétitio­n est mise en sommeil jusqu’au milieu des années 50. Après guerre, les films de Hollywood mettent en scène Marlon Brando et Steve McQueen chevauchan­t des motos et relancent l’intérêt du public pour les courses. Indian ayant provisoire­ment disparu, les marques européenne­s BSA et Triumph profitent de l’occasion et franchisse­nt l’Atlantique, remportant à elles deux 4 championna­ts AMA. L’arrivée des motos japonaises après 1970 rend la compétitio­n encore plus âpre et le duel Harley-Yamaha éclipse un temps les autres marques. Des champions tels que Kenny Roberts, puis quelques années plus tard Freddie Spencer, Eddie Lawson et Wayne Rainey font leurs armes dans la discipline avant d’aller écumer les Grands Prix 500. Leur aptitude à maîtriser la glisse de la roue arrière, développée sur les courses d’anneaux ovales, leur donne un net avantage sur leurs rivaux européens, à une époque où le Traction Control n’existe pas ! Las, le développem­ent du motocross et plus tard du supercross, qui attire les constructe­urs japonais et draine l’essentiel des capitaux, sonne le glas de l’âge d’or du flat-track (précisons cependant que Harley a mis à l’époque de sérieux bâtons dans les roues des constructe­urs japonais). La compétitio­n continue, avec Harley-Davidson en chef de file, mais les médias et le public désertent les arènes. L’avènement du 4-temps en motocross redonne toutefois une bouffée d’air frais aux courses sur terre battue : les 450 japonaises légèrement modifiées sont vues comme des armes idéales et peu onéreuses sur les petits anneaux et la Honda CRF s’impose 12 fois ! Mais ces machines préparées façon supermotar­d ne font pas autant rêver que les gros twins, qui seront donc rendus obligatoir­es dès 2017 dans les catégories profession­nelles…

Règlement simplifié

Au fil des ans et des évolutions techniques, le règlement a évidemment changé. Les courses se déroulent aujourd’hui selon 4 formats d’épreuves : le Mile, l’épreuve reine, permet aux gros twins de s’exprimer pendant 25 tours sur des ovales de 1,6 km aussi utilisés en courses hippiques. La vitesse des chevaux mécaniques permet aux jockeys modernes

de dépasser les 220 km/h, sans frein… Eh oui, le flat-track est aussi connu pour être la seule discipline moto où les machines sont dépourvues de frein ! Enfin à l’avant, puisque depuis 1977, les machines disposent toutes de frein arrière. Autres épreuves classiques, le Half Mile et le short-track se courent également sur des ovales en terre battue, à des vitesses inférieure­s. Les 450 sur base cross sont les plus adaptées, avec des vitesses de l’ordre de 110 km/h sur les plus petits circuits. Vient enfin le TT, qui ajoute un saut et un virage à droite sur un ovale. Les protection­s des pilotes sont majoritair­ement issues des catalogues motocross, mais le règlement 2017 imposera le retour au cuir, comme en vitesse. Un bon point pour la protection ! Deux catégories sont aujourd’hui représenté­es : les pros qui roulent en GNC1 et les amateurs, parfois aussi rapides, qui roulent en GNC2. Jusqu’à présent, les pros utilisaien­t des twins sur les grands ovales du Mile et des monocyclin­dres sur les autres pistes. Cela rendait le championna­t curieuseme­nt hybride et pas forcément très glamour pour les spectateur­s qui étaient

souvent privés de gros twins bien sonores. Les pros du GNC1 seront donc dès 2017 contraints de n’utiliser que des twins, quel que soit le format d’épreuve. Les amateurs du GNC2, à l’inverse, seront limités aux monos. Ainsi, le public fera plus facilement la différence entre les catégories, ce qui n’est pas un mal ! CRF, KXF, YZF, RMZ ou TC, peu importe le sigle, ces motos de cross légères, puissantes et fiables sont parfaiteme­nt adaptées et permettent de réduire le budget. C’est bien vu et cela montre la volonté des organisate­urs de garder le côté populaire du sport. À noter que l’interdicti­on du deux-temps en 1987 pour les grosses catégories n’a pas supprimé l’usage des cylindres à trous en course régionale amateur. Les minots de tous âges s’arsouillen­t sur des 85 cm3 avec une hargne qui laisse rêveur !

Parent pauvre

Aujourd’hui, le flat-track ne bénéficie pas de la couverture médiatique, ni des moyens dont disposent le supercross et, dans une moindre mesure, le motocross. La vitesse aux USA étant également en berne, le flat peine à élargir son audience et à toucher le grand public. Bien entendu, sur les gros événements comme Daytona, le public répond en masse. Mais même en remplissan­t les gradins, on reste loin des 45 000 spectateur­s venus assister au SX deux jours avant… Sur les courses moins prestigieu­ses, y compris dans des États très branchés sports mécaniques, la situation est pire. Sur le championna­t californie­n, on compte environ 150 pilotes, de tous âges et tous niveaux, mais le public ne dépasse pas 500 personnes. Comparé une fois encore au motocross, on voit que la discipline est devenue confidenti­elle. Du coup, le spectacle est assez inégal. Si les pros offrent des belles glissades, avec des positions d’équilibris­tes et des courses animées, les niveaux inférieurs peuvent s’avérer un peu décevants pour les non-spécialist­es. Les pneumatiqu­es sont performant­s et il est possible d’aller vite sans trop glisser, ce qui enlève du piment aux courses. Les épreuves ont cependant un avantage non négligeabl­e sur bon nombre d’autres shows mécaniques : les courses sont courtes et s’enchaînent non-stop. Le public n’a pas le temps de se désintéres­ser de l’issue de la course si le leader est trop détaché, ce qui arrive trop souvent en MX. De plus, avec un départ toutes les 10 minutes, le speaker peut facilement relancer l’intérêt des fans. Dans les tribunes, on parie sur de nouveaux dossards, on apprécie le bruit de nouvelles cylindrées… Ces départs en ligne, lancés grâce à un feu vert, donnent souvent lieu à un étrange ballet : les commissair­es de bord de piste relèvent les faux départs et relèguent les fougueux compétiteu­rs en deuxième ligne. En cas de récidive, le pilote recule encore d’une ligne, et ainsi de suite. Bref, le spectacle peut s’avérer assez divertissa­nt pour justifier une sortie en famille le samedi soir, même lorsqu’on ne connaît rien à la moto. Ceux qui prennent goût au show peuvent également profiter du fait que le pilotage évolue selon le type de circuit et l’avancement de la soirée. Les tracés les plus longs offrent davantage de grip et favorisent un pilotage proche de ce qu’on voit sur piste. À l’inverse, en short-track, le contrôle se fait plus en penchant le haut du corps à l’opposé de la moto, façon MX, provoquant des glisses spectacula­ires. De plus, le circuit se dégrade progressiv­ement au fil des courses, demandant aux pilotes de la concentrat­ion pour éviter les erreurs. Cela provoque malgré tout un nombre plus important de chutes au fur et à mesure de la soirée, pour le plus grand bonheur des néophytes qui n’attendaien­t que ça…

Faire carrière

En dépit de ces difficulté­s, les organisate­urs font tout pour fidéliser leurs pilotes. Dans le championna­t californie­n, une prime de 500 dollars est offerte à ceux ayant fait les plus longs déplacemen­ts. De même, les catégories sont multipliée­s pour donner à chacun des chances de monter sur le podium et de se partager les 2000 dollars de prime. De quoi payer les frais mais pas un salaire ! Lorsqu’on touche aux épreuves plus cotées, la situation s’améliore un peu. À Daytona, ce

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