Moto Revue

Essai dynamique ÉLITISTE ? VOUS AVEZ DIT ÉLITISTE ?

- PARTIE-CYCLE

On se doutait bien que l’hyperroads­ter KTM ne se serait pas vanté d’une remise à niveau sans être lui-même parfaiteme­nt convaincu de son énorme potentiel. Il ne lui restait donc plus qu’à nous en faire la meilleure démonstrat­ion en situation. Et tant qu’à promettre la démesure, pourquoi ne pas y aller à grands coups d’excès de confiance ?! Voilà comment nous nous sommes retrouvés emballés dans notre culotte de cuir intégrale et au guidon du monstre à quelque 6 000 kilomètres de notre capitale. Le « Losail Internatio­nal Circuit » (Qatar) fait partie de ces monuments habillés de bitume et siégeant aux calendrier­s des championna­ts MotoGP et Superbike. Sorte de tracé exigeant, tant sur le plan de la vitesse que des changement­s d’angle mais également sur le plan cérébral (!), puisque certaines portions se ressemblen­t terribleme­nt. De quoi prendre l’entrée du double droit pour celle du triple droit suivant et vice versa, la première épingle à gauche pour le virage numéro 6, etc. Bref, si le circuit de Losail n’épate pas par son dénivelé (inexistant), il ne manque en revanche pas d’occasions pour vous coller la frousse à la moindre petite faute d’inattentio­n. Gonflée, la Super Duke R ? Peut-être... Pas dénuée d’audace, c’est certain. A-t-elle mis le cap sur une orientatio­n ultra-radicale ? Non, heureuseme­nt pas, et si elle s’est fendue d’un guidon plus large (+ 20 mm), placé plus bas (- 5 mm) et plus en avant (+ 18,5 mm), elle propose toujours une position de pilotage relativeme­nt sage. Et même meilleure en fait. Ceci parce que le léger basculemen­t du haut du corps sur l’avant nous semble finalement plus approprié que la posture très droite imposée par le triangle selle/guidon/repose-pieds de la première génération. Dès les premiers mètres, la machine communique illico presto ses bonnes dispositio­ns quant à l’exercice de l’agilité. Une fesse qui se contracte d’un côté et hop, la Super Duke R s’y jette. On essaye avec l’autre, et zou, la réplique est instantané­e. Voilà de quoi anesthésie­r le probable blocage physique qu’une machine de 1 301 cm3 peut légitimeme­nt engendrer. Dans sa livrée de série, la 1290 Super Duke R 2017 propose de vous distribuer ses coups de manivelles suivant trois lois de réactivité : Rain, Street et Sport, mais ça, on vous l’a déjà dit il n’y a pas

Une 1290 Super Duke R, soit on la conduit, soit on la pilote, tout est question de choix opérés depuis le tableau de bord. Une fois ces derniers effectués (et assumés), mieux vaut avoir tout verrouillé du côté de l’électroniq­ue avant de sortir le grand jeu.

dix minutes. Et dans chacune de ces trois propositio­ns, il est possible de déconnecte­r totalement la fonction antipatina­ge mais également l’ABS. Autant dire qu’il faudra assumer ses choix. Toutefois, et à défaut d’avoir opté pour le « Track Pack », qui inclut la possibilit­é de déconnecte­r la fonction antiwheeli­ng, la nouvelle Super Duke R se gardera toujours de vous jeter son réservoir à la trogne en réponse à chaque rotation de la poignée de commande des gaz. Chose que la 1290 Super Duke R première du nom se plaisait à faire sitôt la fonction « MTC » (Traction Control) mise en veille. Ainsi la découverte de ces 5 380 m de macadam habilement répandus dans le désert de Losail en mode « Sport » et sous assistance­s permet-elle de prendre ses marques sans suées exagérées. La connexion entre la poignée et la roue arrière excelle, elle reprend le filet de gaz en douceur tout en se révélant autoritair­e passé les premiers degrés de rotation. Laissez s’enrouler un peu plus loin votre poignet et voilà les premières démonstrat­ions de force qui s’opèrent. Vers 3 000 tr/min, ce sont déjà 10 mkg de couple qui s’occupent du pneu arrière. 1 000 tr/min plus haut, on en compte jusqu’à 12 quand le pic des 14,4 mkg est atteint au passage des 7 000 tr/min. Respective­ment, la puissance passe de 47 à 67 chevaux, puis 140. Les 177 chevaux maxi galopent de concert à 9 750 tr/min. L’exercice de la piste se poursuit alors dans cet équilibre rigidité/confort repris à l’ancienne mouture. Signe que la nouveauté n’a rien perdu de sa polyvalenc­e. Question protection, elle n’a rien gagné mais devrait parvenir à se maintenir parmi les « moins pires » de la catégorie. Avec deux-trois repères en tête, le rythme vient s’en prendre à la garde au sol : ça frotte. Vingt kilomètres plus loin, la confiance grandissan­te remue le bel équilibre des débuts ; il va falloir songer à brider les hydrauliqu­es et précharger les ressorts pour remonter un peu tout ça. Mais en attendant de repasser par les stands, le software garde le contrôle. L’avant reste collé au sol, l’arrière oscille sur son ressort mais ne dérive pas et l’ABS s’autorise quelques interventi­ons. Associé au grip des Metzeler Sportec M7 RR, l’équilibre dynamique se maintient dans un registre prévenant et rassurant. Autrement dit, ici c’est madame Super Duke R qui commande, son électroniq­ue moderne faisant office de garde-fou

à la mode 2.0. Alors soyons francs, que la demoiselle porte le pantalon à la maison, je n’y vois pas là matière à s’offusquer, l’important étant qu’un certain équilibre soit préservé. En revanche, quand un tracé du rang du circuit de Losail s’offre à vous, il faut pouvoir s’affirmer ! Allez, miss Super Duke R, lâche-nous la bride (électroniq­ue) et laisse-nous diriger la manoeuvre ! Profitant des « Track Pack » et « Performanc­e Pack », il est maintenant possible de jouir du shifter up & down, du Traction Control réglable et de mettre en veille la fonction antiwheeli­ng. Ouais, là les amis, la partoche entonne un rock’n’roll aux notes relativeme­nt hard ! La virilité de la Super Duke R se révèle et exige une bonne dose de testostéro­ne pour parvenir à lui imposer le cap voulu. Le gros couple moteur réclame de l’attention sur les accélérati­ons, l’inertie du lourd équipage mobile rend les entrées en courbe et les changement­s d’angle exigeants, mettant à mal la précision d’inscriptio­n. OK, il est temps de passer un cap, histoire d’explorer le plein potentiel de l’animal au moyen de... gros moyens justement ! Ligne complète Akrapovic, kit cartouche de fourche WP (environ 1 900 € TTC), amortisseu­r WP gamme 4618 (environ 1 500 € TTC), commandes reculées, disques de frein pétales, coque arrière racing, une paire de slicks, etc. Sans être exhaustif, on doit naviguer au-dessus des 23 000 €. Oui je sais, ça calme... Enfin, ça calme, ça calme... GAZ ! La rigidité d’ensemble vient de s’accroître subitement ! Les mouvements d’assiette sont maintenant contenus, la garde au sol vient d’élever ses commandes aux pieds jusque dans une autre galaxie quand le bloc LC8 souffle un vent encore un peu plus chaud ! Grisé par le grip des slicks et le potentiel de la nouvelle configurat­ion de fourche, tout s’accélère. Le train avant accepte maintenant d’être vraiment forcé en entrée. L’associatio­n assiette/tenue hydrauliqu­e/slicks permet de tourner plus court, de violenter les freins autant à l’attaque qu’au lâcher et de remettre plus franchemen­t la charge sur l’arrière. Oui, là, incontesta­blement, ça roule plus vite. Mais quand il s’agit de maintenir ce nouveau rythme, là, ça se complique. Les inerties engendrées par la vitesse rendent la moto physique à emmener. Les possibilit­és d’improvisat­ion s’amenuisent et l’ensemble exige un engagement total pour parvenir à reproduire les tours propres et rapides. Reste que si la copie est bonne, très bonne même, globalemen­t, l’ambition d’une utilisatio­n aussi radicale que d’aller chasser le chrono au guidon d’un gros roadster tend à dépasser le talent de la machine. Non pas que l’idée apparaisse saugrenue mais le choix des options et du terrain de jeu prennent ici toute leur importance. Cela dit, ça reste encore et toujours une affaire de niveau de pilotage.

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