Moto Revue

MR s’engage aux 24 H tout-terrain DE BOUE LES BRAVES !

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Un début d’après-midi comme tant d’autres à la rédaction, un coup de fil m’arrache à mes envies de sieste andalouse... Au bout du bi-bop, Raphaël Crambes, responsabl­e en chef (c’est juste sous le dirlo) chez KTM France : « Dis, Trac, ça te dirait de participer aux 24 H tout-terrain ? Je compte monter une équipe pour l’occasion, rien qu’avec des vétérans, histoire de se faire un bon coup de moto. » Un bon coup de moto... l’en a de bonnes... 24 H tout-terrain, forcément que ça risque de faire un bon coup de moto, surtout si on les termine... « On serait donc 4 pilotes, Dominique Merlande, Laurent Filleton, toi et moi. L’idée, c’est de passer un bon moment… » Un bon coup de moto, un bon moment, l’est bizarre ce Raphaël... Les charmeurs de serpents jouent du pipeau pour faire danser leurs couleuvres à soufflets (leurs cobras, quoi), lui mise sur son accent chantant pour emporter les décisions... Et si ça ne suffit pas, il se démerde pour trouver les mots justes : « L’idée, c’est de vivre une belle aventure. » Ouah put..., le truc qui fait mouche. Une aventure, j’ajouterai même ensuite – en lui donnant dans la foulée ma bénédictio­n –, ça fera même l’occasion d’empiler une connerie de plus sur la haute pile des courses déjà faites... Comprenons­nous bien, quand je dis connerie, c’est avec autant de tendresse que de sympathie, une connerie positive, une connerie recherchée, une connerie espérée. Une course de 24 heures tout-terrain, forcément, quand on s’est fait son éducation motocyclis­te dans la fange, ça ne se refuse pas. Et voilà comment deux petits mois après avoir dit oui, j’ai rejoint la bande de joyeux lurons du côté de Saint-Rémy-sur-Durolle, en Auvergne, pour tenter de consommer ensemble, 24 heures durant, le fruit de notre engagement...

« Je me dis que 24 heures, ça va vraiment être long »

Enfin consommer, entendons-nous bien là encore, sans que la morale n’y trouve rien à redire ! Dans la bande de joyeux zigs, je retrouve Dominique Merlande, concession­naire du Bordelais et ex-camarade/concurrent des épreuves de championna­t de France Supercross et du Trophée Yamaha SX du début des années 90... Plus si jeunes, les perdreaux... Les vérificati­ons administra­tives (licence, engagement, etc.), c’est aussi l’occasion de faire la connaissan­ce du gazier Laurent Filleton, soudeur en chef pour le compte de KTM sur toutes les routes de France et de Navarre que l’Auvergnat, dans ses engagement­s en championna­t de France des rallyes routiers, ne cesse de martyriser à grands coups de 1290 Super Duke. Et puis le rallye, ce n’est pas l’unique pedigree d’un garçon qui aime aussi rouler en motocross. Ça tombe bien, parce que là, dans les réjouissan­ces qui nous attendent, y a pas une plaque de goudron de prévue. En revanche, des racines, des cailloux, de l’herbe grasse, des appuis de terre végétale, des montées, des descentes, des dévers, des sauts même, tout ce bordel est au menu. Faut dire que l’épreuve a été montée par le promoteur du championna­t de France d’enduro, Jean-Luc Miroir, expilote inter de talent, qui promettait « un tracé tranquille, roulant, sans difficulté­s particuliè­res » ... Une sorte de comique le Miroir... Vendredi, la découverte de la piste se fait dans des conditions plutôt humides. La pluie qui a rincé l’endroit les jours précédents décide même d’en remettre une petite louche en fin de journée. Et là, après avoir fait un tour du circuit (long d’une dizaine de kilomètres), je me dis que 24 heures, ça va vraiment être long. En fait, la piste ressemble à une jolie spéciale d’enduro, parfois rapide, souvent

des jets de 4 tours, soit 1 heure de moto. C’est avec la banane et à la même position que je passe le témoin au Filleton. Il reviendra dans le même état, heureux d’avoir pu enfin découvrir – en live – le circuit de jour. Raphaël sera le quatrième mousquetai­re, le dernier pour un relais entre chien et loup. Pour notre second cycle, l’histoire se racontera de nuit. Et pour tout dire, l’histoire se déroulera... sans histoires. Pas de chute (ou à peine, hein Raphaël ?), pas de problème mécanique, et ça, c’est quand même super fort. Pour faire simple – et dire vrai –, l’équipe technique s’est contentée de remettre de l’essence à chaque relais, de vérifier l’huile (sans en ajouter), de graisser la chaîne, et de changer de temps à autre le filtre à air, mais sinon, RAS ! Imaginez que nos 24 heures, nous les avons bouclées sans qu’il soit nécessaire de retendre la chaîne, de changer les plaquettes, ni même le pneu arrière ! Dingue ça... 24 heures avec le même pneu arrière… Restait alors la dimension physique à gérer. Parce que si, y a quand même eu le double relais que l’on a décidé de s’infuser en binôme (Merlande/ma pomme et Filleton/ Crambes) durant la nuit pour ménager un temps de repos supérieur, à tour de rôle, à chaque binôme. En clair, avec Dominique, on a roulé simultaném­ent de 23 heures à 3 heures du matin, quand Raphaël et Laurent ont pris le relais de 3 à 7 heures. L’idée, c’était de pouvoir dormir au moins 4 heures chacun. Comme les copains cependant, je n’ai pas fermé l’oeil... Le point positif, du coup, c’est que j’ai même pas eu à vivre ce moment bien « pourlingue » où l’on t’arrache des bras de Morphée pour attraper ceux de ton guidon. Point négatif, y a donc pas eu de vrai repos. C’est donc un peu concassé que j’ai repris les commandes d’une 350 EXC-F pétant toujours le feu au petit matin. Un relais compliqué physiqueme­nt, mais rigolo puisque passé à croiser le fer avec un collègue de Moto Verte, lui aussi passableme­nt entamé.

« J’ai fait un tour assis... J’arrivais plus à me lever »

L’endurance, y a pas, ça sape son bonhomme. Une heure avant, c’est d’ailleurs un Merlande bien fusillé qui m’avait passé le témoin : « J’ai fait un tour complet assis... J’arrivais plus à me lever... » Usé jusqu’à la trogne le Bordelais ? Comme nous tous en somme... Pourtant, mon dernier relais se passera bien mieux. Un dernier coup de fouet, sûrement la perspectiv­e de se rapprocher des 15 heures. Pareil pour les copains, parce que c’était vraiment ça, une histoire de copains heureux (et ébahis) d’avoir traversé ces 24 heures sans pépins. L’idée était d’aller au bout avec une moto stock de chez stock. Elle aura rempli sa mission sans jamais faillir. Bon, nous, quelquefoi­s, on aurait pu faillir, mais on s’est abstenu. Y a bien le Filleton qu’aura eu un petit coup de mou sur la fin, trois fois rien, juste histoire de zapper son dernier relais. Une histoire – paraît-il – de dérangemen­t intestinal qui a poussé (c’est le cas de la dire) le garçon à se ruer au bord du lac pour poser culotte (les toilettes étaient rares dans le quartier) derrière les roseaux... Un soulagemen­t bienvenu... Sauf pour le pauvre cygne qui dormait là, tête cachée sous son aile. Au moins, et c’est une consolatio­n, la pauvre bête n’aura pas vu la cuve de cet Amoco Cadiz auvergnat se déverser sur la moitié de son plumage... Le paddock se souviendra longtemps des cris déchirants de l’animal au moment où il multipliai­t les efforts pour s’élever dans les airs, alourdi par cette funeste cargaison... Une plongée salvatrice au beau milieu de l’étendue d’eau rendit à Gédéon son apparence immaculée... L’honneur était sauf. L’espèce aussi. Les honneurs, on nous les rendit quand Raphaël, maître d’oeuvre de cette belle histoire, conclut cette longue course en coupant le ruban d’arrivée à la 3e place de la catégorie vétéran (et 20e au général). Faire l’effort de plier les genoux pour grimper sur le podium après 24 h de course s’est fait sans aucune grimace, tout contents que nous étions de récupérer une breloque qui témoignera, depuis le coin d’un bureau, d’une étagère, ou du fond d’un tiroir, de notre engagement dans cette longue épreuve. Et si ça ne suffit pas, on pourra compter les ampoules dans nos pognes, histoire d’éclairer les veillées de nos longues soirées d’hiver.

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