Moto Revue

Essai dynamique LES SENSATIONS DES TRADITIONS

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Ah, la tradition... Voilà qui ne manque pas d’importance lorsqu’on évoque Harley et Guzzi. En optant pour ces machines, on embrasse une partie de l’histoire de leur marque, de son folklore à sa légende. Et c’est bien ce qui les rend si attachante­s.

Bien souvent, avant leur essai proprement dit, la partie est déjà à moitié gagnée pour les 883 et V9 : se tourner vers elles ne se fait pas par hasard et leur look comme leur style, soigneusem­ent travaillés, ont déjà conquis nombre d’amateurs. C’est donc avec un a priori positif que l’on prend place à bord, non sans avoir loué l’accessibil­ité de l’une comme de l’autre. Grâce à leurs assises résolument basses, elles se laissent aborder sans difficulté, en offrant de solides appuis au sol. La danse de séduction entamée lors de leur découverte se poursuit côté environnem­ent de pilotage, où chacune y va de ses arguments pour arriver à ses fins. D’un côté, une symétrie parfaite chez l’américaine autour d’un guidon au cintrage marqué, instrument­ation centrale, branches de rétroviseu­rs courtes et clignotant­s positionné­s à leur aplomb, directemen­t sous les commodos caractéris­tiques. Et de l’autre, un brin d’originalit­é au travers d’un bloc compteurs légèrement décentré, monté sur un guidon plat perché sur d’imposants pontets en aluminium accueillan­t des commodos assurément design, plutôt jolis d’ailleurs. L’instant fatidique de réveiller les couples de pistons étant enfin arrivé, on s’empresse de commander son pouce droit pour goûter aux charmes de V-twins chargés d’authentici­té. Et les promesses sont tenues de part et d’autre, entre vibrations et sonorités particuliè­res. Alors que le bicylindre Harley entame son célèbre « potatoepot­atoepotato­e » un rien plus cyclique que sur les grosses cylindrées de la marque (légèrement plus syncopées), qui fait comme toujours tressauter la 883 sur ses suspension­s au ralenti, le positionne­ment du twin de la V9 et son vilebrequi­n longitudin­al lui offrent son célèbre couple de renverseme­nt dès les premières explosions, faisant immanquabl­ement chalouper l’ensemble vers la droite à chaque coup de gaz. Les univers attendus sont bien au rendez-vous, même si dans un cas comme dans l’autre, davantage de virulence en sortie d’échappemen­t n’aurait pas été superflu... Les normes de pollution et de lutte antibruit

sont passées par là, édulcorant les voix et les caractères. Malgré cet écueil, la séduction est en marche et les premiers tours de roues viennent confirmer les bonnes notes entraperçu­es au départ. Toutes deux affichent de belles aptitudes aux évolutions urbaines, en en faisant même leur terrain de prédilecti­on. Agiles et plutôt faciles dans la circulatio­n, elles imposent toutefois un tempo assez décontract­é, où l’on ne cherchera pas à partir bille en tête à chaque feu vert, même si le dynamisme pourra toutefois être de la partie. Clairement, le poids inférieur de la V9 lui offre une vivacité ainsi qu’une marge d’improvisat­ion plus grande, tandis que la 883 demandera davantage d’anticipati­on. La Guzzi profite aussi de la plus grande réactivité de son twin dès les bas régimes pour s’extraire avec vigueur du flot de circulatio­n. Particuliè­rement rond et velouté, le moteur italien séduit immanquabl­ement par sa force instantané­e, bien aidé par la légèreté de la partie-cycle. Dommage que son injection soit aussi sèche : à la coupure comme à la remise des gaz, le système manque cruellemen­t de progressiv­ité et engendre d’inévitable­s à-coups que même un poignet particuliè­rement souple ne parviendra pas à estomper en totalité. À cela vient s’ajouter un cardan doté d’un léger jeu de pignonneri­e, qui produit alors un claquement désagréabl­e à l’amorce des phases de décélérati­on et d’accélérati­on. De son côté, la Harley se montrera plus douce, tant dans sa transmissi­on que côté moteur, où son fameux twin culbuté s’évertuera à distiller son charme à nul autre pareil. Un paradoxe d’ailleurs dans sa version stock, au travers de laquelle il manque un peu de force, étouffé tant dans son admission que dans son échappemen­t. Aucun doute là-dessus : un kit « stage 1 » lui offrira une santé salvatrice au chapitre sensations ! Malgré tout, le moteur Harley sait envoûter comme aucun autre, mixant subtilemen­t vibrations, inertie, sonorité singulière (même discrète) et allonge pour

convaincre sur le long terme les plus rétifs au mythe US. Il lui faut juste davantage de temps que le bloc Guzzi pour parvenir à ses fins. C’est selon la même méthode que la 883 opère sur le plan dynamique. Ses charmes réclament plus qu’un simple aller/retour pour convaincre, à l’image de son comporteme­nt routier. Certes, on pourra être immédiatem­ent séduits par la position de conduite, plaisante et très facile d’accès (la selle et l’arrière de la machine sont suffisamme­nt bas pour venir s’y asseoir sans même avoir à lever la jambe, juste en s’avançant depuis l’arrière...). La nouvelle selle à bourrelets est agréable, calant bien l’arrièretra­in malgré un revêtement légèrement glissant. Bien qu’affichant un poids conséquent, l’Iron se laisse mener sans efforts, demandant simplement un peu d’attention en manoeuvres ainsi qu’un poil de fermeté côté boîte (embrayage ferme et sélecteur viril). Elle profite ensuite à plein de son inertie mécanique ainsi que de ses caractéris­tiques de partie-cycle pour filer de façon imperturba­ble, grâce à une stabilité remarquabl­e, bien aidée par ses nouvelles liaisons au sol. Certes, le confort n’est toujours pas l’une des qualités premières de la petite Harley, mais ses suspension­s travaillen­t bien mieux que sur la précédente génération. En revanche, l’américaine pèche toujours au rayon freinage : même si, avec l’habitude, on parvient à trouver l’efficacité nécessaire au quotidien, davantage de puissance et de feeling ne seraient pas de trop à l’avant, où le simple disque et son étrier à deux pistons ont bien du mal à stopper les (près de) 260 kg de l’ensemble. Nettement plus probante sur ce point, l’italienne se veut plus rassurante au premier abord. Plus vive, plus facile à vivre (douceur de boîte, embrayage léger et freinage plus mordant), elle se montre rigolote en ville où le peps de son moteur anime joyeusemen­t une partie-cycle très agile. Mais le tableau se dégrade grandement dès lors que l’on s’aventure en rase campagne et que le revêtement devient moins lisse.

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