Moto Revue

SQUELETTE

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La source d’inspiratio­n de cet article nous vient de Kawasaki qui, depuis ses H2 et H2R et jusqu’à ses nouvelles Z 900 et Z 650 (Ninja 650 également), met clairement en exergue ses choix « full métal squelette » (Ndlr : clin d’oeil au film Full Metal Jacket, ce chef-d’oeuvre sur la guerre du Vietnam signé Stanley Kubrick) appliqués à la partiecycl­e de certains de ses produits. En effet, là où généraleme­nt les production­s japonaises articulées autour d’un cadre en tubes d’acier font en sorte de le masquer, quitte à recourir à de vulgaires caches en plastique, chez Kawasaki, à l’inverse, on n’hésite pas à y mettre de la couleur ; verte de préférence ! Un cadre treillis fait de tubes d’acier colorés, c’est plutôt une spécialité haute couture sur laquelle misent les Italiens. Chez Ducati ou encore MV Agusta, on parle même d’une signature, d’une marque de fabrique s’exhibant de préférence dans une teinte remarquabl­e de loin. Et pour cela, avouons que le rouge fonctionne plutôt bien ! Dans le même temps, d’un point de vue autrichien, on insiste plus volontiers sur l’orange et sur un savoir-faire non moins « full » métal en ce qui concerne le choix des matériaux dédiés au treillis. Bien entendu, chez Kawasaki, lorsqu’il est question de trempage coloré quelque part le long de la chaîne de fabricatio­n, c’est forcément dans une solution verte qu’il s’opère. Alors si effectivem­ent, depuis trente ans, les constructe­urs japonais ont fait de l’ossature à base d’alliages d’aluminium leur spécialité, rien ne paraît plus légitime que de vouloir retrouver le goût des choses simples. De quoi affirmer qu’une réalisatio­n faite de tubes d’acier serait plus évidente à réaliser que son

homologue en alliage d’alu ? Hmmmm... oui, ça se défend mais surtout, ça mérite réflexion, avant tout pour ne pas avoir à qualifier de simpliste ce raisonneme­nt. Ainsi, il convient de discerner les réalisatio­ns industriel­les de celles des artisans, aussi petits soient-ils. Alors certes, un lingot d’aluminium destiné au secteur auto-moto et pesant entre 8 et 10 kilos s’affiche plus cher que son équivalent en poids composé de tubes d’acier. Aluminium : environ 1 620 dollars/tonne pour un prix assez fluctuant (par exemple deux fois moins cher qu’en juillet 2008). Acier : environ 527 dollars/ tonne avec une légère tendance à la hausse après une descente graduelle ces deux dernières années (décembre 2015 : 380 euros/tonne). Mais avant d’en tirer des conclusion­s hâtives, encore faut-il considérer les exigences en matière de transforma­tion et d’assemblage. A priori, concevoir un cadre en acier peut sembler assez évident. Sauf qu’il ne s’agit pas là d’une simple histoire de découpe de tubes et de quelques cordons de soudure. En effet, entre coupe, cintrage et assemblage/soudure des tubes, il convient de prendre également en considérat­ion les nombreux petits éléments venant s’y greffer, tels les supports des platines de repose-pieds, support de béquille(s), pattes d’ancrage moteur, supports de carénage, de réservoir, d’instrument­ation, de poignées passager, d’amortisseu­r, de bras oscillant, de colonne de direction, d’antivol, de butées de direction, etc.

À rigidité égale, le cadre aluminium est plus lourd

Sylvain Assalit, ingénieur-consultant opérant depuis plus de 18 ans dans la constructi­on légère mécano-soudée et la fonderie aluminium dans le secteur automobile et constructe­ur indépendan­t de prototypes auto-moto, nous dit : « Le travail de l’acier, dans la création industriel­le d’un châssis auto ou d’un cadre moto, engendre l’utilisatio­n d’un grand nombre d’éléments, ce qui impose un outillage spécifique pour chaque pièce et donc, un outillage à adapter en fonction des ambitions et capacités de production. » De plus, il convient d’ajouter à ceci la phase de soudage, qui réclame une préparatio­n minutieuse de chaque assemblage ainsi que des gabarits relativeme­nt complexes. Viendra enfin le poste peinture. Jean-François Robert, ingénieur diplômé de l’ESTACA (École supérieure des techniques aéronautiq­ues et constructi­on automobile) et papa des Tucon/Roadson, ajoute : « Prenons le cas, par exemple, d’une MT-07. On constate que Yamaha a eu recours à de nombreux cintrages et à de nombreux goussets de renfort. Au final, ça fait beaucoup de travail et beaucoup de soudure. Est-ce vraiment économique ? L’emploi de nombreux goussets trahit-il l’utilisatio­n d’un acier bas de gamme ? Ces nombreux goussets intègrent-ils une réflexion orientée vers le vieillisse­ment ? Toutefois, l’ensemble reste, il est vrai, performant et facile à industrial­iser. » Rappelons que pour toute bonne réalisatio­n basée sur le travail des tubes en acier, cela impose de les faire travailler en compressio­n et traction. Ceci tout en calculant avec minutie le report des efforts sur les noeuds d’assemblage. Concernant la réalisatio­n d’un cadre en alliage d’aluminium type « périmétriq­ue double poutre », les grands constructe­urs peuvent compter sur leur accessibil­ité aux techniques de fonderie et sur la maîtrise des solutions d’usinage. En effet, généraleme­nt, la colonne de direction, les haubans (supports moteur latéraux) ainsi que le quadrilatè­re arrière chargé de supporter bras oscillant et liaisons de suspension arrière sortent de moules de fonderie, en intégrant directemen­t toutes sortes de supports et autres orifices de fixations. Sylvain Assalit reprend : « Globalemen­t, là où l’on est contraint d’avoir recours à beaucoup de pièces dans le travail de l’acier, on peut miser sur l’intégratio­n par moulage, puis par usinage

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