Vision Racing
Aujourd’hui, nous constatons à une forte domination des partie-cycles constituées de cadre périmétrique en aluminium. On peut expliquer cela par l’énorme expérience acquise par les Japonais depuis 40 ans, sans occulter le tissage marketing faisant le trait d’union entre la course et le commerce. Ajoutons à cela les règlements imposant le manufacturier unique et voilà que tous s’engouffrent dans une même voie. Un constructeur s’est pourtant engagé sur une route parallèle : KTM. Et leurs succès en Moto3 attestent clairement du bien-fondé de leurs convictions. À compter de 2017, ils seront présents en Moto2 et en MotoGP. Cadre alu contre cadre acier, il nous fallait l’avis d’un technicien de Grands Prix. Laurent Pradon est à la tête de sa société, RS Distribution, où il propose un large panel de solutions concernant la préparation et la mise au point moto. Dans le même temps, il loue ses services à des écuries engagées en Moto3 et/ou Moto2, en GP comme sur le CEV (Mondial Moto3 Junior et Moto2 Europe). Ancien pilote de motocross, déjà mécanicien de Grands Prix dans les années 90, analyste télémétrie, technicien en chef en championnats vitesse, spécialiste 2-temps et 4-temps, constructeur de prototypes Moto4 et Pré-Moto3 (etc.), Laurent Pradon partage avec nous son analyse quant aux choix du treillis acier, du treillis aluminium ou du périmétrique aluminium en compétition. « Globalement,avec des tubes d’acier,on arrive plus rapidement ou plus facilement à obtenir de la rigidité. Et puis le cadre treillis se révèle toujours très efficace pour laventilation de certaines motos qui tendent à se comporter comme des cocottes-minute. Concernant les Moto2,elles ont pour caractéristiques d’être sous-motorisées et dotées de pneus très larges (Ndlr : 195 à 200 mm de large derrière) et avec beaucoup de grip.Et puisque l’on cherche à les faire rouler avec le maximum de vitesse de passage en courbe,on se retrouve systématiquement confronté au “chattering” (Ndlr : rebond). On travaille bien évidemment sur les suspensions mais les caractéristiques du cadre influencent beaucoup le phénomène de chattering.Le travail d’un cadre se mesure suivant trois axes mais l’important est d’obtenir le savant mélange entre flexibilité et torsion. S’ils autorisent trop de torsion,les matériaux se“retendent”ensuite trop sèchement,engendrant des réactions violentes.Dans le cas d’un cadre“trop souple”,tout se passe“trop vite”à bord et le pilote perd en analyse et en feeling.On avance“step by step”et je travaille actuellement activement en collaboration avec la société 2D dans le but de concevoir une instrumentation embarquée capable de mesurer les déformations cadre in situ. Des mesures qui nous permettront de créer ensuite des tables de conversion chargées de définir les zones à rigidifier ou au contraire à assouplir.Pour le moment,au sein de la catégorie Moto3,la comparaison entre le treillis tubulaire en acier KTM et le périmétrique aluminium Honda est directe.On en retient que la Honda se révèle facilement appréhendable par beaucoup de jeunes pilotes. C’est ce que l’on appelle une“moto de trajectoire”.La KTM se montre beaucoup plus dure.Elle est plus adaptée à un pilote très sensible aux notions d’équilibre,elle exige un vrai engagement corporel.Plébisciter un type de construction plutôt qu’un autre n’est pas simple.Disons qu’avec l’évolution des possibilités proposées en usinage,on peut se projeter dans des réalisations aluminium intéressantes.Cela offre de belles latitudes de réalisation sitôt que l’on dispose d’un minimum de moyens et finalement,c’est presque plus facile que d’obtenir des cintrages parfaits dans le cas d’une création en tubes d’acier. Reste qu’il est difficile enFrance d’avoir accès aux bons alliages d’aluminium et aux bons aciers.Les Japonais,eux,disposent de bien meilleures connexions et ils profitent également de prix d’achat plus compétitifs comme de coûts de fonderie d’aluminium plus bas.Mais pour conclure,quelle que soit la solution choisie au départ,avec le temps et un minimum de moyens, il n’y a pas de raisons de ne pas arriver aux résultats visés.» Voilà une conclusion rejoignant parfaitement un point de vue que Guy Coulon nous servait en 2012 à l’occasion d’un entretien technique : « À partir du moment où tu as commencé avec une technique,tu continues,tu vas au bout des choses,de tes convictions.L’expérience te fera comprendre et avancer. Et puis finalement,en performances pures,on voit des tubulaires aller aussi vite que des doubles poutres alu embouties et vice versa.» Guy Coulon ajoutait toutefois : « En Moto2,avec le moteur et les pneus uniques,nous sommes un peu conditionnés.Pour preuve,en 2010 nous étions 13 ou 14 constructeurs contre 5/6 en 2011 et avec cette fois des partie-cycles finalement très similaires.» Et en 2016, ils n’étaient plus que 4 (Kalex, Tech3, Speed Up et Suter), dont une très, très large majorité de Kalex, tous faisant confiance au périmétrique à double poutre d’aluminium. Pneumatiques identiques pour tous, un constructeur de cadre proposant du développement et un vrai support technique à tous ses clients, des pilotes qui veulent tous la même moto que celle champion du monde, etc. Pas facile de faire sa place. Voyons maintenant jusqu’où ira KTM avec ses Moto2 et MotoGP « en acier ».