Essai dynamique LA TOUTE PREMIÈRE FOIS
Une fois n’est pas coutume, je me suis souvenu de mes premières sensations de conduite, celles, fortes, qui naissent lors du premier contact avec sa moto, après le permis. Puisque la Ninja 650 se destine aussi aux jeunes permis. Où sa facilité s’illustre.
Après que nous nous sommes débarrassés des séances photo, j’ai décidé de rouler seul. D’opter pour la balade le long de la côte andalouse. Je me suis alors demandé si la Ninja 650 était une petite ou une grosse cylindrée (voyez pourquoi il ne faut pas se promener seul trop souvent). Une 650, dans les années 60, c’était déjà une grosse bécane. Même dans les années 70… On débutait alors avec une Honda CB 350 ou quelque chose de ce genre, un foudre de guerre de 36 ch pour 160 kg. Puis je me suis souvenu avoir passé mon permis sur une Suzuki GS 500 (dont mon moniteur me disait le plus grand mal question fiabilité) : 47 ch pour environ 180 kg tous pleins faits. Maintenant, la Ninja 650 se destine aussi aux jeunes permis (disponible en version A2), avec 68 ch pour 193 kg. La frise chronologique montre l’engrenage : toujours plus de puissance, toujours plus de poids, même pour les motos les plus accessibles. Ce n’est pas si simple. L’équilibre, le comportement, la qualité des équipements (pneus, suspensions, freinage, etc.) jouent un rôle plus important que la seule fiche technique. Alors je me suis amusé à me remémorer mes premiers tours de roue. Premier défaut, ma petite taille (1 m 68) m’interdisait beaucoup de motos pour débuter. La Ninja 650 écarte ce problème, fine, pas très haute de selle (790 mm, comme une Honda CB 500 F). Je pose presque les deux pieds à plat au sol, parfait pour récupérer une situation hasardeuse. Genre ces fameux déséquilibres en côte, à très basse vitesse… Et puis il y a ces situations un peu ridicules, quand on lâche trop vite l’embrayage et que la moto part dans des soubresauts qu’on ne sait plus arrêter, gaz coupés. On ne pense pas assez vite à reprendre l’embrayage. La douceur de la réponse à la poignée de gaz de la Ninja et son embrayage progressif adoucissent l’effet marteau-piqueur des premières gaucheries. Il y a aussi ces freinages de l’avant trop brutaux. Là encore, la progressivité du freinage atténue le transfert sec, mais la fourche est un peu souple pour encaisser le mouvement. Je me souviens enfin des erreurs d’évaluation. Quand on commence à oser se faufiler, sur un filet de gaz, entre des voitures ou des bâtiments. L’équilibre de la moto apparaît là. Savoir si elle va réagir d’un bloc uni, ou si le train avant va se la jouer solo, un peu désarticulé. La Ninja montre un comportement très sain, sensible aux faibles appuis sur les repose-pieds, aux légères contraintes sur le guidon, en restant en ligne, sans réaction vive ou étrange.
Se sentir pousser des ailes
Quelques semaines plus tard, la confiance a investi la conduite. La route ne fait plus vraiment peur, la moto non plus. On y est comme dans un chausson. Période critique, source de frayeurs qu’on n’envisageait même pas. Comme une arrivée un peu rapide sur un rond-point, qui se termine debout sur les freins, mais trop tard, il faut tourner quand même. La Ninja ne se raidit pas trop dans cette simulation d’angoisse (coup de jus dans la langue, cerveau paniqué, anticipation de l’image de la chute en une demi-seconde). La fourche verrouillée, la moto accepte de prendre un peu d’angle, histoire de finir le long
du trottoir, au quart du rond-point… Seul problème, comme la Z 650 ou la Z 900, son pneu avant, un Dunlop D 214 à la structure pas très sympa, trop rigide, qui ne donne pas confiance pour ajouter de l’angle. J’observe le même phénomène en entrant un peu vite dans un virage. La moto élargit, il faut remettre de l’angle pour rester sur sa voie, la Ninja s’exécute mais le pneu avant donne l’impression qu’il va s’échapper. Le pneu arrière ne pose pas de problème, la puissance raisonnable de la Kawa ne lui en demande pas trop. En général, après, on est calmé. On profite plutôt du moteur, sans chercher à jouer les héros. Il est rond, moins chaotique à très bas régime qu’il ne l’était sur l’ER-6 et mieux rempli à mi-régime. Mais quand on est jeune, exalté, on lui titille le fond des tripes. Le bicylindre vertical (calé à 180°) ne les attrape pas à pleine main, ces tripes. Sa rondeur gagnée à mi-régime s’est faite au détriment d’un début de furie plus loin. D’où les quatre chevaux perdus par rapport à l’ER-6. Le moteur est plus facile mais moins sensationnel. Enfin, il y a le portefeuille. La consommation déjà, environ 5,4 litres aux 100 km lors de cette juvénile balade de 250 bornes, acceptable. Kawasaki annonce une conso inférieure de 6,8 % à celle de l’ER-6, avec les nouveaux réglages du boîtier d’injection. L’entretien impose une révision tous les 6 000 km, avec une plus grosse intervention tous les 12 000 km (jeux aux soupapes). Le pneu arrière de 160 de large pourra être changé, usé, par une meilleure monte que le Dunlop d’origine pour environ 120 €. Reste l’assurance et là, c’est la claque. Environ 200 euros par mois pour un jeune permis qui n’a encore jamais été assuré. Si on ajoute un crédit de 150 € mensuels (la Ninja coûte 500 € de plus que l’ancienne ER-6 f), le coût de la moto devient prohibitif. L’intérêt d’avoir roulé auparavant avec une 125 ou une cylindrée inférieure devient plus évident. Et j’ai, du coup, la réponse à ma question première : oui, la Ninja 650 est plutôt une grosse cylindrée, avec tous les atouts d’une moto facile d’accès. Mais le prix de l’assurance pour un jeune permis l’inclut dans les motos de cylindrées supérieures.