Moto Revue

Interview Fabio Quartararo se prépare à rebondir en Moto2

À quelques jours de ses 18 ans, Fabio Quartararo termine sa préparatio­n avant d’attaquer sa troisième saison de Grands Prix. Sa première en Moto2. Retour sur un parcours beaucoup moins facile qu’annoncé.

- Propos recueillis par Jean-Aignan Museau.

Fabio, depuis Valence fin novembre 2016 jusqu’à ce jour, tu n’as pas touché à une moto de course. Qu’as-tu fait ?

J’ai fait pas mal de sport. Je me suis beaucoup entraîné physiqueme­nt. Puis je suis parti une semaine en Espagne faire du motocross. Dans la foulée, j’avais une semaine d’entraîneme­nt sur le circuit d’Almeria avec une 600 CBR que le team Pons met à ma dispositio­n. Mais la neige s’est invitée au bout d’une journée. Je suis donc rentré en France pour reprendre le vélo. Nous avons finalement roulé trois jours à Albacete. Et me voici à Valence pour reprendre la Kalex que je n’ai pas touchée depuis fin novembre.

À l’exception d’une petite chute le deuxième jour, et après presque 200 tours de circuit, que tires-tu de ces deux jours de test sur le circuit de Valence ?

Au final, je décroche le deuxième chrono, en améliorant mon temps d’il y a six mois d’une demi-seconde. J’ai également réussi à empiler des séries de tours en étant très constant dans les chronos. Enfin, je suis plutôt très à l’aise avec les pneus usés, ce qui est bon signe pour les fins de course...

Comment te sens-tu dans le team ?

C’est une équipe bien structurée. Il n’y a pas beaucoup de personnes mais chacun a une mission bien définie, ce qui me change de l’an dernier où l’on était nombreux mais où beaucoup ne servaient à rien. Ici, chacun est à sa place, ce qui est très important pour un pilote. J’ai un chef mécano, Jairo Carriles, un télémétris­te, Lluis Leonart et deux mécanicien­s. Le tout sous la houlette de Santi Mulero, le responsabl­e technique du team. Le seul avec qui j’ai déjà travaillé est l’un des mécanos lors du CEV 2013. Mais ce sont surtout les méthodes de travail qui sont très différente­s et qui sont beaucoup plus profession­nelles. On ne se contente pas de se trouver bien sur la moto : il y a en permanence une volonté d’améliorati­on de la performanc­e. Le tout est bien sûr piloté par Santi, sans que Sito Pons n’intervienn­e directemen­t.

En trois saisons de Grands Prix, tu attaques une collaborat­ion avec une troisième équipe technique. Est-ce difficile de s’adapter ?

Ce n’est pas facile de changer d’équipe, mais ce n’est surtout pas évident de s’adapter à de nouvelles motos, même si je m’en sors plutôt rapidement. Exemple, la 600 CBR avec laquelle j’ai roulé cet hiver, qui a un moteur de Moto2, de bonnes suspension­s et de bons freins est en même temps beaucoup moins rigide qu’une Moto2. Si elle pardonne beaucoup plus, elle est aussi vraiment plus lourde. Le moteur étant identique à la Kalex, le pilotage s’en rapproche. Les pilotes du team VR46 roulent avec des R6. Nous devons être 20 % du plateau à nous entraîner ainsi hors saison. La moto dont je dispose a, dans son temps, servi à Viñales et Rins. Pons prête la machine et nous nous débrouillo­ns pour les pneus, le carburant et la casse. D’ailleurs, j’ai acheté à Rins une bonne partie de ses pièces, comme les roues. C’est également à la charge des pilotes de gérer le planning d’essais.

Revenons au passage du Moto3 au Moto2. C’est très différent ?

Oui, vraiment. Il faut complèteme­nt repenser son pilotage. Les entrées de virage en Moto3 se font le plus tard possible, alors qu’avec une Moto2, il faut commencer à freiner un peu avant pour tourner plus tôt, puis accélérer pour la faire légèrement glisser, la faire

pivoter et enfin, la relever le plus rapidement possible pour pouvoir accélérer. C’est la façon dont Johann (Zarco) pilote, il nous a montré toute la saison dernière, particuliè­rement en fin de course, combien c’était efficace pour préserver les pneus. C’est d’ailleurs un plaisir de le regarder rouler. Il donne l’impression de ne pas être vite, de ne pas forcer... et pourtant !

La différence de poids et de puissance, est-ce quelque chose de gênant ?

Au début, oui. Surtout le poids. Dans les premiers tours de roue, je pensais que la moto ne tournait pas, mais c’est en fait toi qui dois la tirer pour l’inscrire au point de corde. Le surcroît de puissance te déroute pendant... cinq tours. Et très vite, tu aimerais en avoir plus ! Non, ce qui me gêne le plus pour l’instant est la boîte de vitesses. Il m’arrive d’attraper un faux point mort. J’ai du mal à cordonner mon embrayage et mon pied. C’est vraiment la plus grande difficulté que j’ai eue en ce moment avec cette moto. Il faut que l’on affine la position du pied par rapport au sélecteur. C’est un problème connu sur la moto. Rins est tombé à cause de ça pendant la course de Phillip Island. C’est ce qui m’a causé ma première chute en Moto2 lors des essais de Jerez. C’est vraiment un point sur lequel il faut que je me concentre.

Est-ce que tu te fais plaisir avec la moto ?

Oui, carrément. C’est vrai que pour l’instant, j’ai plus de mal à faire claquer un chrono qu’avec la Moto3, mais je prends vraiment du plaisir lorsque je sens la moto glisser. C’est une sensation que l’on ne peut avoir nulle part ailleurs et que j’aime de plus en plus. Et je n’en suis qu’au début de ma progressio­n sur le sujet. Je me sens aussi plus à l’aise avec le gabarit de la Kalex. Avec une Moto3, je dépassais de cinq kilos le poids minimum autorisé pour le pilote et la machine. Sur la Moto 2, je suis un kilo en dessous : il faut donc lester la machine.

Quels sont tes objectifs pour 2017 ?

On va rester humble et réaliste. Le premier objectif est de finir dans le Top 10 et surtout, d’être Rookie de l’année. Mais il est trop tôt pour estimer si c’est possible, je n’ai pas encore réussi à faire de top chronos, ni même rouler dans de bonnes conditions avec mes adversaire­s les plus proches. Je ne peux pas vraiment dire. Et cette année, ils sont nombreux : Bagnaia, Binder, Navarro, Pawi, Locatelli... Nous sommes sept rookies !

Revenons au Moto3. Tu as signé deux années parfaites en CEV, tu as attaqué ta première saison de Grands Prix en manquant de gagner ta première course, puis tu es monté sur deux podiums et...

à partir du Grand Prix de France, j’ai fait comprendre à mon équipe que j’étais là pour gagner. Et c’est là que je me suis rendu compte qu’ils me prenaient pour un pilote d’essai, et je me suis retrouvé avec un moteur qui n’allait pas. à Barcelone, c’était le moteur ET la partie-cycle... Je fais un podium à Assen et puis après, on a essayé tellement de choses que plus rien n’allait.

Si je comprends bien, Honda t’a fait essayer des pièces comme à un pilote de développem­ent, et non comme un performeur...

Oui. Plus comme un pilote de développem­ent. Et 90 % du temps, les pièces à tester étaient moins performant­es. Alors que mon coéquipier, qui était encore sous contrat pour la saison 2016, n’a pas eu ces contrainte­s. à chaque fois que je sortais, j’avais une nouvelle moto à laquelle il fallait je m’adapte…

Et 2016 ?...

L’année dernière, avec Leopard, était catastroph­ique. Il était prévu que l’on roule avec des Honda mais le contrat ne venait pas. Lorsqu’au GP d’Australie 2015 est sortie une photo du boss avec des gens de KTM, on s’est dit que ce n’était pas possible. à ce stade, j’avais encore la possibilit­é de les quitter, mais il n’y avait plus de place intéressan­te disponible. Et puis Oliveira enchaînait les victoires avec la KTM... donc j’y suis allé. On n’avait pas de rythme, nous n’étions pas constants. à Austin, c’est passé. Puis toutes les courses, à l’exception de l’Autriche, ont été un désastre. Côté moteur, ça allait, mais nous n’avons jamais eu un bon cadre. Il n’y avait aucune améliorati­on entre la première séance d’essais et la course. Puis j’ai connu des ennuis mécaniques en cascade. J’ai cassé la boîte de vitesses, je suis parti sous la pluie avec une fourche réglée pour le sec, j’ai brisé un amortisseu­r... J’ai fini par perdre confiance, et l’équipe technique a focalisé ses efforts sur Mir, mon coéquipier. Ç’a été l’année la plus difficile de ma carrière, mais c’est aussi une riche expérience.

Comment penses-tu retrouver la vitesse que tu avais il y a deux ans ?

En travaillan­t. Je suis certaineme­nt le plus motivé du plateau pour retrouver mon niveau d’il y a deux ans. J’ai une confiance absolue dans l’équipe avec laquelle je travaille cette année, et je sais que les hommes qui la composent sont vraiment concentrés et motivés pour m’aider. C’est grâce à ça que je vais y arriver.

On a beaucoup vu Randy de Puniet à tes côtés sur la fin de saison. Il n’est plus là. Pourquoi ?

Randy m’a énormément aidé durant les mois où nous avons travaillé ensemble. Ses nouvelles fonctions à Eurosport (Ndlr : RdP commentera en direct le MotoGP en compagnie de RémyTissie­r) ne lui laissent plus le temps de continuer.

Jusqu’à maintenant, tu avais toujours eu quelqu’un pour t’encadrer...

J’ai pris un coach dans une salle de sport. Pour le reste, mon expérience me permet de savoir ce que j’ai à faire. La base reste le vélo et la course à pied... La nutrition m’a été inculquée par Edouardo (Ndlr : son ancien manager) qui était très pointu sur le sujet.

Ton objectif pour le Qatar ?

Difficile à dire. Le Top 5 ? Mais je ne suis pas encore capable de l’affirmer, même si en travaillan­t bien, j’ai l’espoir d’y arriver ! Mon objectif, pour l’instant, est de rester concentré sur le boulot !

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1 1 Les dimensions de la Kalex conviennen­t mieux au gabarit de Fabio (1,76 mètre) que celles d’une Moto3. 2 C’est avec une 600 CBR, qui est déjà passée entre les mains de Viñales et de Rins que le Français a fait ses gammes cet hiver.
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