Moto Revue

Essai dynamique BARAQUE À FRITES

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Pris au piège. Voilà un peu la situation dans laquelle se sont trouvés les responsabl­es de Yamaha présents lors de ce lancement presse après les premiers kilomètres de roulage. Pris au piège de leur propre discours marketing, le fameux « Dark Side of Japan », martelé à grand renfort d’images et autres vidéos savamment travaillée­s. Cet esprit « bad boy » sauce samouraï ne pouvait pas trouver de meilleur écho qu’une bande de journalist­es français particuliè­rement remontés. Car à peine avions-nous atteint les premières lignes droites d’autoroute que la plupart d’entre nous n’évoluaient déjà plus que sur la seule roue arrière... Du grand n’importe quoi, assurément, même si la circulatio­n des environs de Cape Town (Afrique du Sud) n’était alors pas particuliè­rement dense, l’asphalte parfait et la voie plutôt large. On sentait bien que nos encadrants du jour étaient tiraillés entre l’envie de maîtriser les conditions de sécurité et celle de constater avec délectatio­n que leur nouveau bébé tenait ainsi toutes ses promesses. Il faut dire que la MT-10, toute SP qu’elle est, se place en archétype du roadster sportif déluré. La fougue de son moteur, la géométrie compacte de sa partie-cycle et son poids contenu dévoilent un cocktail des plus explosifs : la roue avant peut facilement en attester, grimpant vers le ciel sur les trois premiers rapports sans la moindre aide de l’embrayage. Du coup, et pour peu que l’on ait quelques notions d’équilibre ainsi qu’une bonne sensibilit­é du poignet droit, s’envoyer des wheelings en les débutant à plus de 130 km/h était devenu notre jeu favori de la journée ! Pas sûr d’ailleurs que des routes moins exotiques (en Espagne par exemple, où se concentren­t plus de deux tiers des présentati­ons presse), la donne ait été la même, la police sudafricai­ne étant largement absente de notre itinéraire (tant mieux). C’est donc avec un plaisir non dissimulé que nous avons goûté, une fois de plus, aux tonalités de la MT-10. Atout numéro un du roadster Yamaha : son quatre-cylindres aux accents de V4. La firme aux trois diapasons a visé juste en optant pour ce choix mécanique, soit une architectu­re largement éprouvée qu’ils ont dotée d’un caractère très spécifique grâce à une savante séquence d’allumage des cylindres. Car là où la quasi-totalité des quatre-cylindres en ligne optent pour l’équilibre et la rondeur d’une explosion tous les demi-tours de vilebrequi­n (180°), le calage Cross Plane joue les asynchrone­s en présentant le cycle 270°-180°-90°-180°. Outre un gain annoncé du côté de la délivrance du couple (par la diminution des effets d’inertie supportés par le vilebrequi­n), cette technologi­e se distingue également par sa sonorité caractéris­tique singeant les 4-cylindres en V à haut régime. Et quel plaisir de faire chanter une MT-10 au-delà de 10 000 tr/min ! Plaisir d’autant plus fort désormais que ce CP4 galope sous la houlette d’un Shifter (livré de série sur l’ensemble des modèles), ce qui permet de conserver les gaz ouverts à la montée des rapports sans recourir à l’embrayage et de gratifier l’exercice de

On savait que la Yamaha MT-10 était déjà plutôt du genre chaud... Sa déclinaiso­n SP, upgradée à grands coups de suspension­s électroniq­ues Öhlins, entend bien faire monter la températur­e de quelques degrés.

sympathiqu­es déflagrati­ons de kalachniko­v à chaque changement de vitesse ! Les 160 ch sont bien présents et ne seront jamais source de frustratio­n au regard de certaines concurrent­es encore plus musclées (KTM Super Duke R de 177 ch, Aprilia Tuono V4 1100 de 175 ch) : il y aura toujours de quoi répondre sous la poignée et ce, d’autant plus facilement que le nouveau paramétrag­e du Ride by Wire, judicieuse­ment revu lui aussi, s’avère plus convaincan­t qu’auparavant, notamment en termes de finesse de dosage. Désormais renommés et réorganisé­s de 1 à 3, du plus sportif au plus doux (puissance et couple maxi restent les mêmes), les modes moteur se montrent plus cohérents, le 1 conservant une réponse très directe mais moins caricatura­le qu’avant. La SP profite aussi de l’occasion pour regrouper des ensembles de réglages et rendre plus accessible­s les diverses aides proposées : on peut ainsi élaborer 4 configurat­ions (A, B, C ou D), qui prennent chacune en compte le mode moteur, le niveau du contrôle de traction, l’activation ou non du Shifter, ainsi que le mode de suspension.

Du plaisir distribué par pelletées entières

Nous avons ainsi pu, d’un simple clic au commodo, changer le comporteme­nt de la MT-10 SP, notamment côté amortissem­ent, afin de bien analyser le travail des ingénieurs suédois au calibrage de leurs produits. Et force est de constater la réelle transparen­ce des liaisons au sol de la nouveauté. Dans le domaine des suspension­s semi-actives, il est encore assez rare de ne pas se sentir quelque peu « coupé » de la route, ce qui limite ainsi le feeling si prépondéra­nt pour la confiance. Öhlins parvient ici à conserver ce lien, un gage de sérénité autorisant un excellent retour d’informatio­ns, quel que soit le mode sélectionn­é. Difficile dès lors de quantifier les effets de « l’intelligen­ce » de ces suspension­s quant à leur réactivité d’interventi­on face aux diverses situations rencontrée­s. Il est même délicat de jauger de l’apport effectif du système par rapport aux éléments Kayaba présents sur la déclinaiso­n standard, par ailleurs loin d’être critiquabl­es. Certes, sur la SP, plus besoin de jouer du tournevis pour raffermir ou au contraire assouplir l’amortissem­ent. D’ailleurs, c’est bien du côté pratique que le gain paraît notable : on peut ainsi passer d’une machine relativeme­nt confortabl­e à davantage de fermeté en une fraction de seconde, ce qui permet d’aborder une section sinueuse et parfaiteme­nt revêtue le couteau entre les dents puis d’enchaîner avec une portion au revêtement plus dégradé sans même avoir à s’arrêter. On notera au passage que la SP possède une assiette davantage

basculée vers l’avant, eu égard à ses tubes de fourche plus enfoncés dans leurs tés. C’est d’ailleurs grâce à ce jeu de géométrie (lequel ne modifie pas les valeurs de chasse ou d’empattemen­t) qu’elle s’est montrée plus incisive que sa frangine, faisant pleinement profiter de son train avant aussi précis que rassurant. Car la MT-10 SP adore virevolter dans les courbes et jouit d’une inertie assez faible pour une machine de son calibre ainsi que d’une position de conduite relativeme­nt décontract­ée. À ce titre, elle gagnerait en efficacité sportive à voir son réservoir réduit en largeur, même si ce dernier n’impose pas l’écartement caricatura­l des genoux de sa devancière FZ1. Autre point qui mériterait d’être revu par les ingénieurs : la boîte de vitesses. Malgré l’adoption d’un embrayage « Slip & Assist » (antidribbl­e et à commande adoucie, nouveauté 2017 sur les deux versions) et du Shifter, les six rapports peinent toujours à s’égrener avec onctuosité, surtout lorsque le rythme de la balade se fait plus cool. Enfin, pour clore les doléances, citons l’appétit du bloc CP4 lorsqu’il est dûment sollicité : un bon litre de plus que la concurrenc­e pour 100 km parcourus, soit plus de 8 litres/100 km dans notre cas lors de cette prise de contact. Pour le reste, c’est le carton plein. Allez, il y a bien ce freinage qui, objectivem­ent, assure dans toutes les situations, mais qui aurait mérité un surclassem­ent du même ordre que pour les suspension­s. En gros, une paire d’étriers Brembo M50 assortie d’un maître-cylindre radial du même fabricant et de durites en métal tressé n’aurat pas été de trop ! Mais au final, une conclusion évidente s’impose : le plaisir d’ensemble est ici distribué par pelletées entières, au travers d’un engin moderne et performant, doté désormais d’une touche d’exclusivit­é bienvenue.

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