Essai dynamique LA GRANDE SAUTERELLE
Testée en avant-première aux Açores par deux journalistes allemands, la Touratech R 1200 GS Rambler s’apprête à faire le tour des salons européens. Une moto de salon oui, mais une moto qui roule au contraire de beaucoup ! C’est lors de son passage dans le sud de la France que nous avons pu l’essayer en comité restreint. Qu’on soit ou non amateur de machines allemandes, la Rambler impressionne autant qu’elle passionne. On l’imagine plus au départ d’un Touquet que sur les pistes du bout du monde. Avec son habillage minimaliste, comme ciselé, elle passerait pour plutôt fine si ses cylindres, incongrus en TT, n’en jaillissaient de part et d’autre. Difficile de reconnaître une GS sous ses traits. Mais lorsqu’on veut l’enjamber, c’est la hauteur de selle qui surprend : 940 mm au garrot et des suspensions s’enfonçant peu sous le poids du Français moyen d’un mètre soixantequinze qui touche à peine le sol d’un pied en sortant une fesse à l’arrêt. Cette moto est un monstre, je le sens, je le redoute…
Un souffle puissant dans le dos
Une sonorité grave s’échappe du deuxen-un fabriqué artisanalement. « Il ne faut pas l’égratigner et ramener la moto intacte » , s’inquiète Yvon Bodelot, responsable de Touratech France. Les journaleux auraientils mauvaise réputation ? Accompagné de deux R 1200 GS portant valises et équipements grand raid, je m’enfuis sans écouter plus de recommandations. Cap à l’Est. Comme attendu, l’engin pousse sévère. Non qu’on soit dépassé sur la route par 125 chevaux banalisés aujourd’hui, mais parce que son rapport poids/puissance est exceptionnel pour un trail, l’absence de protection et la position bras en croix décuplant les sensations. Sans parler de la sonorité caractéristique du flat crachant jusqu’à 9 000 tr/min dans un échappement libéré. La roue avant lèche à peine le sol sur les deux premiers rapports. Tout doux, la bête ! À bord de la Rambler, on domine son sujet. Enfin, ses sujets… Car les copains en GS ont l’air de nains de jardin ! Sur les tournicotis entre Violes et Vaison-la-Romaine, je me sens le roi du monde, malgré l’angoisse des chemins caillouteux qui déjà m’étreint. Vive et bien équilibrée, la moto n’embarque pas en virage et elle conserve un centre de gravité suffisamment bas grâce à la disposition de ses cylindres à plat. Les suspensions fermes, sans trop d’effet de bascule, font rapidement oublier le duo Paralever-Telelever, impériales de stabilité. Le frein avant n’est pas pour sa part au niveau du double disque sur route : quelques haut-le-coeur en attestent, les mêmes que ressentis lorsque le pneu à crampons a glissé sur un excès de gaz en sortie de virage. Mais vous direz que cette machine a été pensée pour l’enduro, comme l’annoncent les Allemands de Touratech. Sauf qu’en Allemagne, on désigne par enduro les trails, les enduros et les motos de raid. Alors, quittons la route pour la terre. Enfin… la rocaille. Si l’antipatinage, peu sensible, est présent de façon constante en fonction des modes, l’antiblocage se déconnecte par un basculeur au-dessus de la planche de bord. Ceux qui ont connu les affres du freinage ABS
Élitiste, c’est sûr, la Touratech R 1200 GS Rambler demande de s’engager à 100 % pour en tirer quelque chose. Un gabarit de chevalier teuton ne serait pas de trop, mais on a fait avec nos modestes moyens, et on s’est appliqué à rester sur nos roues.