Moto Revue

Pol Espargaro « JE VAIS MOINS VITE, MAIS JE ME SENS PLUS À L’AISE »

Après trois saisons au guidon d’une des Yamaha Tech3, Pol Espargaro participe aujourd’hui à l’aventure KTM en MotoGP. Après avoir inscrit les premiers points de la RC16 en Argentine, l’Espagnol nous parle de son nouveau challenge.

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Pol, ce début de saison correspond-il à ce que tu attendais pour tes premiers pas avec KTM ?

Très honnêtemen­t, je n’avais pas vraiment d’attente dans le sens où personne ne savait trop où nous allions pouvoir nous situer. Avant la première course au Qatar, nous n’avions fait que deux simulation­s de course. L’objectif était de franchir la ligne d’arrivée, ce que nous n’étions pas sûrs de parvenir à réaliser. À mi-course, on a commencé à avoir des problèmes techniques mais on a quand même pu aller au bout, ce qui a été une première satisfacti­on. On termine finalement à 33 secondes du vainqueur.

Et en Argentine, tu offres à la RC16 ses deux premiers points en MotoGP...

Oui, mais il ne faut se voiler la face, on a profité ce jour-là des problèmes de nos adversaire­s. Et l’écart avec le vainqueur était plus important puisque je passe sous le drapeau à damier avec plus de quarante secondes de retard sur Viñales.

Après avoir passé trois saisons avec une Yamaha, comment te sens-tu sur cette KTM ?

C’est bizarre de changer de moto... Par rapport à la Yamaha, qui est une machine facile, la KTM est très physique. Avec la M1, je n’étais jamais fatigué. C’est le genre de machine avec laquelle tu peux enchaîner deux ou trois courses d’affilée. Avec la RC16, tu dois te battre. L’électroniq­ue n’est pas encore au point... En fait, tout est nouveau, c’est normal.

Es-tu néanmoins satisfait de l’évolution de la moto depuis tes premiers tests à Valence ?

Oui, je suis même très content. Le résultat n’est pas encore fantastiqu­e, mais on a déjà fait un sacré pas en avant depuis le mois de novembre. Je dirais que c’est à Phillip Island, en février, que nous avons senti un vrai progrès. En revanche, le Qatar a été plus compliqué. On a vraiment galéré à Doha, comme si toutes les difficulté­s étaient réunies sur le même circuit avec des problèmes de wheelies, un manque de grip, une allocation pneumatiqu­e qui ne nous convenait pas...

Mais encore ?

On a eu beaucoup de mal à régler l’électroniq­ue. On ne parvenait pas à garder la roue avant au sol à l’accélérati­on et on patinait à chaque sortie de virage. Le point positif, c’est que nous avons pu mettre le doigt sur de nombreux problèmes en les identifian­t clairement.

Quel est, aujourd’hui, le point fort de la RC16 ?

Le freinage. Je fais rire les ingénieurs quand je leur dis que notre moto freine trop bien. C’est pourtant la vérité. La moto est vraiment stable et on parvient à reprendre pas mal de temps à nos adversaire­s en rentrant dans les virages. En revanche, arrivé au point de corde, j’ai beaucoup de mal à faire tourner la moto. Du coup, tu es mal placé pour accélérer et la sortie du virage est compliquée. Tu te bats en permanence pour te retrouver correcteme­nt placé sur la trajectoir­e.

La moto est-elle trop stable ?

Disons que l’on essaie de la rendre plus agile, mais dans ce cas, elle devient très nerveuse, aussi bien au freinage que dans les changement­s de direction. On essaie donc de trouver la bonne formule au niveau de la rigidité du cadre et du bras oscillant, au niveau de la répartitio­n du poids, mais nous ne l’avons pas encore trouvée. Il nous manque l’équilibre, mais c’est normal, ce projet n’en est qu’à ses débuts. On ne peut pas résoudre tous nos problèmes en seulement quatre séances de tests et deux Grands Prix. Il faut du temps pour que l’on puisse donner nos impression­s aux ingénieurs et que ceux-ci puissent vérifier les données.

Quels circuits peuvent le mieux convenir à la RC16 ?

Je dirais que, pour l’instant, nous serions mieux sur des tracés sinueux où on n’a pas à accélérer à très basse vitesse en ressortant de virages serrés pour attaquer de longues lignes droites. Le Sachsenrin­g, Valence, Phillip Island... Voilà le genre de tracé où on peut tirer notre épingle du jeu car on reste longtemps sur l’angle. Mais bon, nous n’avons pas assez de recul pour réellement savoir où nous serons performant­s et où ça sera réellement compliqué. Cette saison est un peu celle de la découverte.

Satisfait de la vitesse de pointe ?

C’est pas mal, mais nos difficulté­s pour accélérer nous pénalisent encore pas mal

à ce niveau. On rend 5 km/h aux Yamaha Tech3, ce qui veut dire que lorsqu’on ressortira mieux des virages, nous serons vraiment bien en vitesse de pointe. Le potentiel de notre moteur est là, à nous de régler nos problèmes pour l’exploiter correcteme­nt.

C’est la première fois que tu te retrouves avec un statut de pilote officiel. Qu’est-ce que cela signifie pour toi ?

C’est un autre monde. Je ne parle pas de profession­nalisme ou de feeling avec les membres de l’équipe car, chez Tech3, tout était top à ce niveau-là. J’ai passé trois super saisons avec une équipe qui était ma deuxième famille. Il y avait une ambiance top et je me suis régalé. La différence, chez KTM, c’est que lorsque je parle, j’ai quatre cents oreilles qui m’écoutent. Tu demandes quelque chose et une semaine après, tu l’obtiens. C’est plus facile de progresser quand tu as derrière toi les ressources d’une entreprise comme KTM.

Tu ne crains toutefois pas de perdre la motivation en te bagarrant en fond de grille ?

Ça peut devenir un problème si dans un an, nous sommes toujours à nous battre derrière les autres. Si ça arrive, il y aura sûrement de la frustratio­n, et je pourrai en être affecté. Mais nous n’en sommes pas là, et je fais confiance à KTM pour que l’on parvienne à progresser course après course. Si on arrive à réduire régulièrem­ent l’écart sur le vainqueur à l’arrivée des courses, la motivation sera toujours là.

Combien de temps cela peut prendre, selon toi, pour jouer dans le bon wagon ?

Je n’en ai pas la moindre idée... Les responsabl­es de KTM savent où ils veulent aller, mais personne ne sait combien de temps cela va prendre. Il suffit de réussir à mettre le doigt sur le bon cadre pour gagner beaucoup de temps, ou bien en perdre si on se retrouve à stagner sur certains circuits. Franchemen­t, c’est difficile de dire ce qu’il peut se passer dans les mois qui viennent.

As-tu fait beaucoup évoluer ton pilotage pour t’adapter à cette RC16 ?

Je suis revenu à un pilotage plus naturel pour moi qui suis un gros freineur. Avec la Yamaha, j’avais dû faire évoluer mon pilotage pour utiliser davantage le frein arrière en entrée de virage. Avec la KTM, je me sens plus chez moi dans le sens où je roule comme j’aimais le faire en Moto2. Je vais moins vite qu’avec la Yamaha, mais je me sens plus à l’aise. Ceci étant, l’important, ça reste le chrono, et sur ce plan, il faut bien reconnaîtr­e que c’est moins efficace.

Le fait de continuer à faire équipe avec Bradley Smith est-il un plus ?

Oui, c’est quelque chose de positif. Quand tu développes une nouvelle moto, tu as besoin d’avoir de bonnes relations avec ton coéquipier. Il faut pouvoir parler des problèmes, échanger sur les réglages... Tu ne peux pas te permettre de ne pas t’entendre avec celui qui partage ton garage sous peine de freiner le développem­ent de la moto. Avec Bradley, on se connaît bien. Nous sommes très différents, aussi bien sur le plan du pilotage que sur le plan humain, mais cela nous permet de donner des infos très différente­s à l’équipe. On peut ainsi explorer des directions différente­s. Et puis Bradley est un mec qui aime travailler.

Que penses-tu des performanc­es de Zarco et Folger qui vous succèdent cette saison chez Tech3 ?

Même si tout le monde sait que la Yamaha est une bonne moto, et certaineme­nt la machine la plus facile pour débuter en MotoGP, c’est franchemen­t une surprise. Mais je ne suis pas jaloux, au contraire, je suis très content pour Tech3. J’ai beaucoup d’estime pour mon ancienne équipe.

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