Moto Revue

Essai dynamique NOUVEAU DÉPART

Réarmée à moindres frais pour encore plus de polyvalenc­e, l’Aprilia Shiver abandonne un costume sportif trop étroit pour elle, pour celui d’une moto à vivre. Elle donne du plaisir sur un large registre sans chercher à tutoyer les sommets ; on n’en demanda

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Utopique ou hypocrite ? Il est bon de se demander où va notre monde. Depuis que les hypersport­s ne font plus recette, les roadsters ont repris le flambeau de la performanc­e... et souvent de l’exclusivit­é. Agitant le drapeau blanc, Aprilia réclame une trêve. C’est ce que laisse entendre Adriano Magherini, le pilote essayeur de la nouvelle Shiver, alors qu’une dizaine de ces machines tendent les branches de leur guidon légèrement relevé et cintré à notre petit groupe. Repose-pieds bas à peine reculés, position en appui modéré, selle creusée mais néanmoins confortabl­e, la sauce prend très vite. Avant même d’en tourner la clef de contact, on se sent bien sur la nouvelle Shiver. Vraiment nouvelle ? Non, pas vraiment car la position de conduite est la même que sur le précédent modèle, que nous trouvions enrobé pour un twin de 750 cm3. Mais pour un 900, ça passe, surtout face à un quatre-cylindres. Les nouveaux silencieux claquent bien mieux que ceux de la Dorsoduro. Lovely ! Décollage en douceur et prise en main immédiate. La moto confirme son équilibre, malgré un poids relativeme­nt élevé. Sa commande d’embrayage adoucie est appréciabl­e. Ceux qui craignaien­t de trop devoir y recourir dans la circulatio­n en seront pour leurs frais, car ça, c’était avant, avec la sept et demie. La 900 fait preuve d’une volonté étonnante. Elle reprend avec souplesse dès 2 000 tr/min et grimpe sans violence, de façon maîtrisée. Un bon point pour la ville, où seulement deux, trois épines viendront vous chatouille­r le cortex. La première, c’est la selle un peu haute (810 mm) pour les nanas et les mâles toujours en cours de croissance (on dira ça), bref pour les moins d’un mètre soixante-dix. La seconde est un rayon de braquage indigne, qui peut obliger à s’y reprendre à deux fois pour faire demi-tour. Et si vous êtes passager plutôt que pilote, la chaleur dégagée par les échappemen­ts sous la selle finira sûrement par cuire vos parties intimes. C’est fini pour la rue, on passe à la route, domaine de prédilecti­on de cette Shiver 900. Même si elle ne fait pas encore de l’agilité son point fort, elle y montre une stabilité jusqu’alors inconnue. Tout juste faut-il l’engager fermement dans les virages assez lents. La fourche chewing-gum des années précédente­s a cédé sa place à une version bien plus efficace depuis qu’on peut interférer sur son fonctionne­ment. Mieux retenue, elle supporte la puissance de feu du double disque radial et joue sur le même registre que la suspension arrière quand des chaussées dégradées se présentent.

Un positionne­ment assumé

Dans le grand nord de l’Italie, les tracés viroleux sont pléthore. Et jamais, durant toute la journée de test, la partie-cycle de la Shiver ne nous a trahis. Pas plus que les pneumatiqu­es Dunlop Sportmax Qualifier, qui pour n’être pas récents ni les plus performant­s, encaissent sans sourciller la puissance volontaire­ment maintenue à 95,2 chevaux. En cela, la Shiver n’est pas devenue un cheval de course. On enroule sans la violenter, l’esprit libre et serein. Les progrès visent avant tout l’agrément. Si le mode Rain, qui fait chuter la puissance de 30 %, s’adresse aux routes glissantes, le Touring, qui privilégie

les reprises et la constance, distribue la puissance et le couple de façon linéaire jusqu’à presque 8 000 tr/min. On se cale sur un rapport en jouant de la poignée électroniq­ue, à bon escient réactive. Un régal, qui s’apprécie sans aller chercher les régimes ultimes. Le couple semble étalé sur la plage d’utilisatio­n comme une cuillère à soupe de Nutella sur une tartine dont il a bouché tous les trous. À ce rythme, la consommati­on, auparavant élevée, ne dépasse pas 5,5 litres/100 km. L’évolution de l’électroniq­ue a eu raison de l’appétit glouton. Le réservoir de 15 litres devrait autoriser 280 km de plaisirs, seul ou en duo. Avec une selle mono-corps, des poignées de maintien, des repose-pieds pas trop hauts et caoutchout­és, l’exercice est tout à fait praticable. Lorsqu’on veut ressentir un peu plus de frissons, vient le moment de basculer en cartograph­ie Sport, d’un appui sur le bouton du démarreur (même en roulant). Le caractère change, s’affirme. Plus rugueux avant 4 500 tr/min, le moteur dévoile une poussée musclée au-delà, dans un râlement rauque assorti de déflagrati­ons stimulante­s à la coupure des gaz. Impossible de ne pas augmenter la cadence ! Au point qu’on aimerait voir ce moteur prendre plus et encore plus de tours… À ce jeu, le Traction Control, qui fait son apparition sur ce millésime, valide sa présence. Agissant dans l’ombre, il se montre aussi discret qu’efficace associé à l’ABS à deux canaux Continenta­l. Ajustable (la position 2 est correcte sur route), il peut être supprimé par ceux qui se sentent une âme de stunter. Mais ces derniers auront des modèles plus radicaux à se mettre sous la dent.

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