Gigi Dall’Igna « NOUS N’OCCULTONS AUCUNE CRITIQUE DE NOS PILOTES »
Responsable du service course Ducati depuis trois ans, Gigi Dall’Igna a vécu une première partie de saison mouvementée, entre critiques, doutes et polémiques. Les deux victoires d’Andrea Dovizioso sont arrivées à point nommé pour ramener un peu de sérénit
Gigi, as-tu dignement fêté vos deux victoires au Mugello et à Barcelone ?
Oui car ne pas fêter une victoire attire la malchance ! Pour tout te dire, j’ai bu quelques verres de vin avec des amis et avec les gars du service course, car ces deux victoires c’est aussi à eux qu’on les doit. Il fallait donc qu’on savoure ça ensemble.
Il y a un mois et demi, pas grand monde n’aurait imaginé que Dovi puisse gagner deux Grands Prix d’affilée. Honnêtement, toi, tu croyais cela possible ?
Franchement, j’étais persuadé qu’au Mugello on pouvait faire quelque chose. Cela fait trois ans qu’on est compétitif sur ce circuit, trois ans qu’on sait que le podium est à notre portée. Le Grand Prix d’Italie n’a donc pas été une réelle surprise pour moi. En revanche, gagner à Barcelone, je n’y croyais pas. L’an dernier, cela avait été la plus mauvaise course de la saison pour nous. Mais finalement, on a fait d’énormes progrès en améliorant le comportement de la moto pour ces conditions difficiles avec un grip très délicat.
Le titre de champion du monde est-il redevenu ton objectif pour 2017 ?
Non. Honnêtement, mon objectif aujourd’hui est d’améliorer cette moto. On a fait du bon travail durant ces deux derniers mois, mais nous ne sommes pas encore arrivés au stade où il nous faut être pour viser le titre. Il nous reste des choses à améliorer avant d’y penser. Pour l’instant, on se contente de faire le mieux possible à chaque course avec la moto qui est actuellement la nôtre.
Quand on voit le nombre de points des pilotes du haut du tableau, on peut tout de même penser qu’Andrea a toutes ses chances...
Tout est possible, c’est vrai, mais je ne veux pas penser au championnat. Je préfère que l’on se concentre pour améliorer les points faibles de notre moto.
Dovi répète que cette Ducati ne tourne pas, et il laisse surtout entendre que c’est un défaut de toujours qui n’est pas suffisamment pris en considération pour les ingénieurs...
Je ne crois pas que cela soit vrai. Nous avons beaucoup travaillé ces derniers temps pour améliorer ce qui reste effectivement l’un des défauts de la Desmosedici. Certains sont plus faciles à traiter que d’autres, mais tous les problèmes sont pris en considération. Nous essayons de les résoudre, ou tout au moins de les minorer. Nous n’occultons aucune critique de nos pilotes.
Quels sont les points à améliorer aujourd’hui ?
Je suis conscient que le sous-virage est ce dont nos pilotes se plaignent le plus.
Comment expliquer que la Ducati ait toujours souffert de ce défaut ? Cette D16 n’a pourtant pas grandchose à avoir avec la lignée des machines qui avaient été dessinées par Filippo Preziosi ?
Notre moto a quand même énormément progressé depuis trois ans. Le sous-virage reste un point faible, mais nous sommes aujourd’hui en mesure de gagner des courses et de monter sur le podium. Quand je suis arrivé chez Ducati, on terminait généralement à quarante secondes du vainqueur. On ne peut pas dire que nous souffrons toujours des mêmes problèmes qu’en 2013.
Avez-vous identifié l’origine de ce défaut ?
Comme toujours, ça ne provient pas d’une seule cause ; c’est un ensemble de choses qui induit un problème. Toutes les motos ont des points forts et des points faibles, et ils sont liés. Si tu veux avoir des points forts, tu dois accepter les points faibles qui sont inhérents à ces points forts.
Justement, au-delà de l’allonge de son moteur, quel est le point fort aujourd’hui de la Desmosedici ?
Le freinage.
Ce qui était déjà le cas il y a dix ans...
Je crois que c’est normal de ne pas vouloir perdre ses points forts.
De quelle manière l’interdiction des appendices aérodynamiques a-t-elle affecté le rendement de la Ducati ? Cet hiver, tu nous assurais que ce n’était pas le jour et la nuit...
Oui, et je pense que j’avais sous-estimé les conséquences de l’interdiction de ce qui était pour nous quelque chose d’important au niveau du comportement de la moto l’an dernier. Aujourd’hui, on a plus de recul, et quand on compare les données des courses qu’on a disputées par rapport à celles de l’an dernier, on s’aperçoit qu’on a perdu à l’accélération mais aussi au freinage.
La plupart de vos adversaires utilisent tous une nouvelle version de carénage avec des ailerons habillés ou des sortes de tuyères pour améliorer l’appui aérodynamique. Comment se fait-il que vous n’ayez encore rien sorti alors que vous étiez l’an dernier les leaders dans ce domaine ?
Tout simplement parce que nous ne sommes pas prêts. Nous travaillons sur un nouveau carénage, mais nous devons encore l’améliorer avant de le mettre en service. Nous n’avons droit qu’à une seule évolution en cours de saison et nous attendons donc d’être au point. J’espère que nous pourrons l’utiliser à la reprise au mois d’août.
Depuis que Dovi a gagné en Italie et à Barcelone, certaines mauvaises langues laissent entendre que Michelin travaille avant tout pour Ducati...
C’est stupide de penser ça. Qui a demandé un nouveau pneu avant ? Aucun de nos pilotes. Quand on nous a demandé notre avis, nous étions d’ailleurs de ceux qui auraient préféré conserver l’architecture moins rigide.
Vous avez recruté Jorge Lorenzo à grands frais. Or, pour l’instant, il est loin de faire aussi bien que Dovizioso. Tu n’es pas déçu ?
Non, pas du tout. Si notre moto a progressé ces derniers temps, c’est aussi parce que Jorge participe à son développement. Son expérience et son implication nous sont utiles. Bien sûr, je ne suis pas satisfait de ses résultats, mais il ne l’est pas non plus. Il faut qu’on continue à travailler pour l’aider à figurer à sa vraie place. Jorge est quintuple champion du monde et il reste aujourd’hui l’un des meilleurs pilotes du plateau.
Depuis ses débuts chez Ducati, ses commentaires divergent. Un jour, il explique qu’il doit s’adapter à la moto, un autre qu’il faut que vous travailliez pour lui permettre de rouler comme il sait le faire...
Il faut que l’on trouve un compromis entre son style de pilotage et celui de la moto. Il doit apprendre à mieux utiliser les points forts de sa machine et de notre côté, nous devons essayer d’adapter la moto à ses particularités. C’est un processus qui prend du temps, surtout avec un pilote qui a passé neuf saisons sur une moto très différente de la nôtre.
Tu vois des progrès ?
Oui, bien sûr. Et tout le monde peut les voir. À Barcelone, il termine quand même quatrième après avoir fait une très bonne première partie de course et une excellente fin. Il a malheureusement eu des problèmes entre les deux, et cela lui a coûté cher.
Que s’est-il passé ?
Ça n’est pas facile de décrire toutes les situations qui peuvent se produire sur la durée d’une course...
Tu es satisfait de son attitude ?
Oui, elle est toujours positive. Jorge veut y arriver.