Moto Revue

Inside

- Par Jean-Aignan Museau.

Johann Zarco et Laurent Fellon nous ont ouvert les portes de leur école, un privilège pour mieux comprendre le pourquoi de leur réussite

Lorsque Laurent Fellon (à d.) entraîne Johann Zarco (au centre) qui lui-même conseille Lorenzo... Fellon (à g.), la boucle est bouclée. Plongée au coeur d’une journée ordinaire dans le sillage d’un duo qui bouscule les valeurs de la vitesse mondiale, à force de travail et de méthode.

« C’est pas toi, t’as le cul vissé sur la selle » , tempête Laurent Fellon. Johann Zarco n’a pas eu le temps de caler sa 450 Yamaha sur la béquille d’atelier que déjà son mentor lui assène ses premières remarques. Les quelques tours effectués par le double champion du monde Moto2 sur le circuit du Katrix Parc, ce lundi 19 juin en début de matinée, ont suffi à Laurent pour prendre la températur­e de celui qu’il coache depuis plus de 12 ans. Au lendemain du seul week-end de coupure qui marque la mi-temps d’une série de quatre Grands Prix, Johann vient de garer sa paisible berline japonaise pas très loin du Mercedes siglé ZF Grand Prix School. Il est rentré hier d’une journée de promotion dans le magasin Maxxess de Lille. Laurent et Lorenzo, le fils d’Andrea et Laurent, ont déjà commencé à décharger le matériel lorsque Johann les rejoint. Eux sont sur le circuit gardois depuis samedi pour animer une journée de sélection suivie d’une journée de course de l’école montée par le tandem il y a cinq ans (cf. page 114). Pas mal occupé entre les journées de promotion, les courses, mais aussi sa fracture de l’annulaire gauche lors des essais du Grand Prix de Barcelone, Johann a fait l’impasse sur le week-end. La matinée de roulage sera courte, a prévenu Laurent : « Quelques tours pour faire des photos et retrouver des sensations. » C’est aussi pour Johann et Lorenzo, 12 ans et des débuts prometteur­s en championna­t d’Espagne pré-Moto3, l’occasion de se retrouver en piste. Au sens propre du terme, ils entretienn­ent une relation fraternell­e, ayant même longtemps partagé la même chambre à Avignon, dans la maison d’Andrea et de Laurent. « En cours de saison, un ou deux roulages par semaine, c’est suffisant. Juste le temps que reviennent les sensations, que le corps se remette en condition. C’est parfait avant de décoller vers un Grand Prix » , explique Johann, en ajustant la pression des pneus de sa monture. Il en profite pour deviser avec Lorenzo, comme c’est souvent le cas. « Il y a quinze jours, pendant le Grand Prix

d’Italie, j’avais une course en Espagne. Durant tout le week-end, on s’est envoyé des textos où il me donnait des conseils. Et toujours de bons conseils » , souligne Lorenzo, qui sait apprécier chaque instant avec son « grand frère ». « Je suis venu avec ma maman rejoindre Laurent et Johann à Barcelone. J’avais fait une course de pré-Moto3 quelques semaines plus tôt, et je lui ai dit qu’on sautait le vibreur. Il me l’a confirmé dès les premiers tours de roue » , continue Lorenzo. Avant de reprendre la piste, Johann digère la première remarque de Laurent avec une extrême aisance : « Il a toujours le bon mot sur mes crispation­s. Il voit tout de suite si je suis trop agressif sur la moto, ce qui génère des mouvements parasites. Cela nous permet de bosser au mieux, de réagir très vite. » La ronde reprend sur le circuit cévenol. Un coup, Johann fait la trace, un autre, il suit Lorenzo. Silencieux, Laurent observe la scène en jonglant entre son chrono et son bloc-notes. Johann stoppe dans un court enchaîneme­nt. Lorenzo l’imite. La main droite sur la tranche posée sur la paume de la main gauche, Johann mime l’inclinaiso­n de la moto : « Si tu prends beaucoup d’angle dans le virage à droite, tu dois produire un trop grand effort pour remettre la moto complèteme­nt sur l’angle dans le virage à gauche. En sacrifiant le premier virage, ton mouvement pour remettre la moto en place nécessite moins d’amplitude, moins d’efforts et tu peux passer plus fort dans le second. Fais-le pour gagner, mais surtout pour bien le ressentir. Fais-moi confiance, ça marche. » Appliqué, Lorenzo s’exécute. « Avec son expérience qui grandit, il intègre plus vite. J’ai pu m’en rendre compte d’autant mieux que je le suivais sur une portion où l’on passe sans quasiment aucune accélérati­on » , se félicite Johann. « C’est encore plus facile avec Johann devant. Même s’il est rare d’avoir des enchaîneme­nts aussi lent sur les grands circuits sur lesquels on roule en Espagne » , tempère Lorenzo. Ce qui fait sourire Jojo : « Les enchaîneme­nts des grands circuits deviendron­t plus courts lorsque ta moto grossira... » Toujours en mode chrono, Fellon père cache sa feuille. « Je ne dis rien de la séance, même si elle dure toute la journée.

Je donne juste des indication­s, s’il est moins bien ou si, au contraire, il est dans le rythme. Johann sait, à cinq dixièmes près, où il en est » ,

explique Laurent. « C’est bien de savoir où l’on en est mais une fois que l’on en a une idée précise, il faut savoir en faire abstractio­n pour se concentrer sur ses sensations et réussir à se relâcher. Le risque d’être obsédé par le chrono est réel et fait perdre l’objectif premier. Mais lorsque tu découvres une catégorie, il est utile de savoir où l’on en est » , précise Johann.

« Un “bord de piste’’, c’est mieux que tout »

Laurent renchérit : « Si je lui communique un mauvais chrono, ça peut le mettre en colère contre lui-même. C’est contre-productif. Te battre contre un chiffre peut te bloquer, alors que lorsque tu es détendu, il est plus

simple techniqued­e progresser.avec Lorenzo, J’appliquema­is égalementl­a même avec d’autres élèves de l’école. » Autre

exigence, la régularité : « Il faut de la constance. On peut enchaîner des tours entre 45’’5 - 45’’9, Laurent va nous pousser à ce que ce soit en 45’’3 constant. C’est fatigant, c’est intense, mais on en prend l’habitude et on y arrive. Deux dixièmes de seconde peuvent sembler dérisoires, mais ne serait-ce qu’en Moto2, ça peut déjà être important. Et une fois en MotoGP, c’est vital » ,

égraine Zarco. « L’idée est d’être très vite au niveau du record de la piste, reprend Fellon. Puis d’y rester, dans une fourchette de 2/10e, durant une quarantain­e de tours. De chercher la fluidité, d’avoir l’impression d’être à l’arrêt. On ne change pas la moto, c’est au pilote de s’adapter, d’être bien pour être certain, lorsqu’il arrive sur le circuit le vendredi,

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