Si les Ricains n’étaient pas là
Ah, je viens de lire votre interview de Kevin Schwantz dans le Moto Revue du 21 juin, oui, le jour de l’été, le jour le plus long de l’année... Le jour le plus long, ça fait penser au Débarquement du 6 juin 1944, et on peut faire l’analogie avec l’arrivée d’abord timide puis massive des pilotes américains en Grands Prix, eux qui ont totalement dominé la vitesse mondiale pendant une bonne quinzaine d’années, comme vous le rappelez. Schwantz faisait partie de ces Ricains qui ont fait régner l’ordre et la loi, leur loi, sur les championnats du monde, et qui ont aussi amené dans leurs valises une toute nouvelle façon de piloter des motos de GP, en les faisant glisser de plus en plus fort, une façon de prendre plus vite les virages et de gérer la puissance en hausse permanente de leurs motos. Kenny Roberts (premier du nom) avait été le premier à faire étalage de ce talent particulier et inédit en Europe jusque-là, les autres ont suivi et encore amélioré le truc : Randy Mamola, Eddie Lawson, Freddie Spencer, Wayne Rainey, Kevin Schwantz donc, mais aussi les Australiens Wayne Gardner, Kevin Magee et bien sûr Mick Doohan, tous en glisse, tous déhanchés à mort et le genou par terre, tous agrippés au guidon pour survivre comme ledit Schwantz aux ruades de leur machine, mais tous régulièrement victimes de ces highsides fréquents à l’époque... Ce don de la glisse leur venait de leur pratique du dirt-track où c’est la seule façon de rouler, ils l’ont adapté (et comment !) aux 500 deux-temps de Grands Prix, et il fallait avoir beaucoup de talent (et de courage) pour cela. Aujourd’hui, tout est réglé par l’électronique qui tient en laisse la puissance phénoménale des motos actuelles et les pilotes posent non seulement les genoux mais aussi les coudes et peut-être bientôt les épaules par terre, mais sans les Ricains, qui sait où nous en serions aujourd’hui ? Thierry (email)