Essai dynamique CARRÉMENT BIEN RÉUSSIE
Proprette, sans esbroufe, pas compliquée, facile à vivre... La CBR 500 R est toute simple, mais elle n’a pas oublié d’être amusante et jolie. Cette somme de bons points lui donne un vrai relief : de quoi en faire la compagne idéale ?
Vous avez peut-être remarqué qu’on pensait aussi à vous, qui êtes en passe ou venez d’obtenir le permis A2. La preuve, à peine revenu de notre comparatif routier d’hypersportives 1000 (voir p. 60), j’ai sauté sur la plus grosse cylindrée sportive A2 non bridée : la CBR Honda CBR 500 R. Sentirais-je naître en vous une pointe de déception relevée d’un zeste d’ironie ? C’est qu’au catalogue Honda, la CBR 500 R se classe dans la même catégorie que la prestigieuse CBR 1000 RR SP2 ! Ça mérite son pesant de graviers, non ? Certes, elle ne fait pas 50 ch, elle n’est pas bridée et son cadre est identique à celui de la basique CB 500 F : je ne vous en voudrais donc pas d’être dubitatifs, mais n’oubliez pas que sous des airs d’utilitaires, les Honda CB 500 donnèrent naissance à la Honda CB 500 Cup (parlez-en à Sébastien Charpentier), qu’elles furent les machines à battre en Promosport 500 (où Louis Bulle et Nicolas Salchaud firent leurs armes)... Et que la CBR 500 R fut pendant deux ans la moto de l’European Junior Cup en Mondial Superbike avant de faire la joie des pilotes français de Honda CBR 500 R Cup (voir encadré). J’annonce les chronos ?
16,7 + 3,4 = ?
Comme vous aimez les chiffres, la lecture – même distraite – du dossier de presse en fait ressortir deux pour qui cherche prétexte à une belle balade : 3,4 et 16,7. Le premier indique la consommation aux 100 km revendiquée par le constructeur, l’autre la contenance du nouveau réservoir ; j’ai donc enfilé le cuir pour avaler les 397 km promis (pour les matheux, le constructeur annonce 3,2 litres de réserve et je n’envisageais pas tenter les 490 km pour pouvoir pousser la moto). En selle, tout paraît bien pensé : demi-guidons ouverts, léger appui sur les poignets, bulle un peu basse mais large, repose-pieds pas trop perchés, selle large et plate, tableau de bord plutôt lisible même si l’indicateur de rapport engagé brille par son absence, généreux rétroviseurs judicieusement implantés sur la tête de fourche, réservoir étroit ; en fait, chaque détail fleure bon l’homogénéité, ce dont on ne va pas se plaindre avec 397 km à parcourir d’une traite. La mise en route du petit twin Honda ne constitue pas une expérience inoubliable même si sa sonorité feutrée n’a rien de déplaisant. Première enclenchée, comme dans du beurre et sans effort au levier gauche, le décollage s’effectue tout en douceur, sans à-coup. Puis les rapports s’empilent, toujours comme dans du beurre, à tel point qu’on se retrouve à 50 km/h, en sixième, à 2 200 tours/minute : à ce régime, le moteur reprend sans soucis, ni hoquet. Sa souplesse est assez phénoménale. Bien sûr, il n’est pas très vigoureux en sousrégime mais il ronronne tranquillement, sur
le bon rapport, il change de visage et tracte allègrement à partir de 3 500 tr/min, avant de gronder à partir de 5 000 puis de rugir jusqu’au limiteur fixé à 8 500 tr/min. On s’amuse en le cravachant au-dessus de 6 000 tr/min dans une sonorité plutôt excitante ! Les vitesses atteintes et les reprises sont largement suffisantes sur routes et autoroutes, en solo et sans bagages (il en serait peut-être différent en duo). La partie-cycle s’accorde bien à l’esprit du moteur. Des petites machines pas chères, on n’attend pas forcément une grande rigueur mais la CBR donne tout de suite une impression de sérieux : elle ne se désunit jamais, sa direction neutre ne se montre ni trop facile, ni trop lourde, la moto semble légère à conduire tout en se montrant à la fois stable et agile. En solo et sans bagages, le frein avant offre un mordant initial rassurant puis suffisamment de puissance à condition de tirer fort sur le levier ; quant à l’arrière, si la pédale tombe parfaitement bien sous la botte droite, celui de notre moto d’essai était peu efficace, tout juste bon à resserrer une trajectoire en courbe.
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Alors qu’il s’agit d’une moto toute simple, presque utilitaire, la CBR 500 R nous a tellement bluffés que nous sommes allés la pousser sur le circuit Carole, sa parabolique exigeante pour les suspensions et son tracé redouté par les freins. Sur les 2 055 mètres du tracé francilien, la qualité de la partie-cycle achève de se révéler, la moto est toujours aussi précise, d’un bloc, le freinage est étonnamment endurant, les suspensions s’acquittent honnêtement de la tâche sans trop pomper. Finalement, les Dunlop D222 d’origine empêchent de trop solliciter l’avant (mais ils glissent de manière ultra-progressive, si on va trop loin) et le manque de garde au sol limite les prises d’angle, mais il y a déjà de quoi largement s’amuser. C’est dans ces conditions, confronté à des motos largement plus puissantes, qu’on sent le plus le manque de moteur mais l’idée est de se refaire au freinage et dans les parties les plus sinueuses et surtout, de soigner les trajectoires... N’estce pas idéal pour apprendre ? D’ailleurs, on se prend vite à rêver de pneus racing, de commandes reculées, de bracelets déplacés sous le té supérieur et d’un braquet adapté à cette piste. Mais pardonnez cette entorse sportive aux règles du théâtre classique, nous n’avons pas tout vécu le même jour. Pour l’heure, il s’agit d’additionner les kilomètres de petites routes pour éliminer les baregraphes de la jauge de carburant. Les suspensions basiques réagissent parfois sèchement aux imperfections du bitume mais globalement, elles préservent le confort : malgré la selle ferme, le mal aux fesses ne se manifeste pas. La bulle basse offre une protection correcte, le casque est soumis au flux d’air (c’est souvent le cas quand on mesure 1 m 85) mais le haut du corps reste plutôt bien protégé ; seule l’étroitesse de la moto impose quelques efforts aux adducteurs en exposant l’intérieur des jambes. Ça y est, la jauge à essence est amputée de moitié, l’écran est constellé de moucherons, nous avons atteint Coursonles-Carrières, dans l’Yonne, l’un des partiels affiche 216 km, il est temps de faire demi-tour ! Synonyme de passage en réserve, la jauge se mettra à clignoter 100 km plus tard et j’aurai parcouru 321 km avant de remettre 14,5 litres de sans-plomb (la consommation descendra même par la suite à 3,7 litres/100 km, un autre jour, ce sera 370 km avant passage à la pompe). De prétexte initial pour s’enfuir du bureau, cette vérification de l’autonomie s’est transformée en moment hors du temps sur les routes de campagne, flânerie bucolique entrecoupée d’instants à « trajecter » sur circuit ou ailleurs, tout ça sans fatigue et sans mauvaise surprise. À tel point que vers la fin des cinquante monotones et incontournables kilomètres d’autoroute du retour vers la capitale, notre triste lot de Parisiens, l’idée a jailli tel un flash : et si l’acronyme CBR signifiait en fait « Carrément Bien Réussie » ?