Moto Revue

UN OBJECTIF, QUATRE MÉTHODES

Tous les chemins mènent à Rome... et donc à la performanc­e ! Nos quatre prétendant­es ne dérogent pas à la règle, chacune se présentant avec ses forces et, finalement, assez peu de faiblesses. On parlera plutôt ici de caractéris­tiques assumées.

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Forcément, si vous ne jurez que par la GoldWing 1800 et autre K 1600 GT pour avaler du kilomètre, on risque de ramer pour espérer vous convaincre... Mais si vous êtes un tantinet ouvert d’esprit – et encore souple des lombaires –, les lignes qui suivent devraient vous apporter un éclairage nouveau dans la perception de ce qu’est la vie en sportive. Parce que oui, on peut vivre en sportive, et cette vie sera d’ailleurs souvent pétillante ! Pour cet essai, nous avons gambadé à dos des quatre nouveautés de l’année, mêlant ville, route, petite route et autoroute. Et puis, comme ces motos portent le sport extrême dans leur ADN, nous les avons emmenées se dégourdir les bielles sur le circuit du Vigeant (86). Une balade longue d’un peu plus de 1 200 kilomètres pour partager l’esprit du clan. Un esprit commun mais des spécificit­és propres à chacune, certaines laissant transpirer encore un peu plus leur sportivité que d’autres, par leur réputation, leur géométrie ou leurs équipement­s. Ça se vérifiera dès les premières minutes de notre essai...

En ville comme sur une pré-grille de Superbike

Au moment de choisir nos motos respective­s pour quitter la capitale, mes collègues ont eu « l’amabilité », pour ne pas dire la bonté, de me laisser la clé de l’Aprilia RSV4 RR, réservant pour leur séant la selle des trois autres. Il est clair que s’installer aux commandes de la RSV4 RR n’est pas neutre : non pas qu’elle soit difficile à enjamber, mais une fois assis, malgré mes (à peine plus de...) 80 kilos, les suspension­s restent figées. Ça ne bouge pas. Ça ne bouge pas mais ça se met à remuer pas mal entre mes côtes au moment où le V4 s’ébroue. Quelle sonorité ! J’imagine alors que c’est parce que nous sommes encore coincés dans le sous-sol du journal... mais elle sera encore plus envoûtante à l’air libre ! Et de l’air, cette Aprilia en brasse autant qu’elle en fend. Comme les autres, me direz-vous ? Oui, mais celui de l’italienne a une saveur particuliè­re... Son air, il est vraiment racing, et ce feeling naît immédiatem­ent pour ne plus vous quitter. Il est des motos qui savent

s’acclimater à la situation, se fondre naturellem­ent dans le type d’utilisatio­n dans lequel on les plonge. Pas l’Aprilia. Elle, elle respire la course, et la vit quel que soit l’endroit où on l’emmène. Et s’il est amusant d’évoluer en ville comme on le ferait en pré-grille d’une course de Superbike, on aspire rapidement à gagner les endroits où le V4 pourra laisser libre cours à ses pulsions, ou plutôt ses impulsions. Dans les lieux étriqués, le bloc Aprilia se révèle en effet le moins souple de la bande, acceptant difficilem­ent les sous-régimes. Hoquetant, il impose d’évoluer sur le bon rapport, là où les 4-cylindres en ligne de la concurrenc­e se satisfont de la paresse de leur pilote ayant choisi de faire la grève du sélecteur. Très vif à grimper dans les tours, démonstrat­if, il offre une excellente allonge dont l’efficacité, réelle, est encore magnifiée par les décibels qui l’accompagne­nt. Accélérer avec ce V4, c’est une sorte d’acte militant, en tout cas un plaisir dont on ne doit surtout pas se priver. À côté, la mélodie des 4-cylindres en ligne est bien plus feutrée, moins enivrante surtout. Bruit, caractère et sensations, voilà ce qui transpire du tempéramen­t de l’Aprilia. Il n’y a pas que par sa mécanique (au-delà de l’architectu­re moteur, donc) qu’elle se distingue, mais aussi par sa géométrie (tout aussi racée) et sa rigidité, deux caractéris­tiques qui achèvent de « coursifier » cette sportive. Si la position est plutôt basculée sur les poignets, on apprécie le large cintre dessiné par les demi-guidons qui permet un bon bras de levier. À côté, les trois autres ont tendance à la fermer... je veux parler de la position du guidon. La palme de l’étroitesse est à mettre au crédit de la Honda, même si la Suzuki et la BMW reprennent grosso modo des écartement­s analogues. La BMW assure une position assez naturelle, presque reposante sur long trajet. Là où l’Aprilia tanne rapidement le cuir (y compris celui sous la combinaiso­n) au contact d’une selle qui tient plus de la râpe que du canapé, BMW et Suzuki se montrent plus doués pour soulager – ou moins contraindr­e – vos abattis.

On a compris à quel genre de bestioles on avait affaire

D’ailleurs, si la Suzuki n’est plus aussi routière que l’était l’ancien modèle, elle conserve dans ses gènes des qualités qui lui permettent d’avaler du kilomètre sans (trop) souffrir, à condition de conserver une colonne vertébrale suffisamme­nt souple, et un torse nécessaire­ment malléable, pour tenter de venir s’abriter derrière des bulles – quoi qu’il en soit, trop basses. Sur le parcours autoroutie­r qui nous amène de Paris au sud de Châteaurou­x,

nous adopterons sur nos motos la même position... Le buste en appui sur le réservoir, les coudes posés sur les genoux, et le casque posté en lisière de bulle, finalement pas trop soumis aux turbulence­s... Une posture naturelle sur une sportive, et une position assez reposante pour avaler les mornes kilomètres de cette voie rapide. Mais à peine rendu notre ticket de péage, voilà que les premiers virolos se glissent sous nos roues. Le jeu peut reprendre. Et ce qui est certain, c’est qu’elles en connaissen­t toutes les règles. Mais il en est une qui fait immédiatem­ent la différence : la Honda CBR 1000 RR. Plus agile dans cette catégorie, ça n’existe pas. Naturellem­ent virevoltan­te, elle enchaîne les virages avec un aplomb définitif, un aplomb fait de légèreté qui la rend ultra-maniable. Elle se pilote du regard, répond aux moindres impulsions pour tracer ses lignes. La Suzuki GSX-R 1000 R suit, avec une efficacité toute proche. Très à l’aise dans cet exercice, elle ne donne jamais l’impression de forcer et ne demande pas vraiment d’efforts à son pilote. Disposant d’une assiette plus neutre, moins basculée que la Honda, elle s’appuie sur un train avant très sûr. Ce qu’elle fait, elle le réalise sans grande contrainte, mais elle demande toutefois une once d’implicatio­n supplément­aire que ne réclame pas la Honda. Elle est juste tombée sur plus forte qu’elle dans ce registre. Niveau mécanique, ces deux moteurs (japonais) 4-cylindres sont assez proches, souples, bien remplis, ils explosent passé le cap des 8 000 tr/min, pour ensuite allonger, allonger... Impossible d’espérer en voir le bout sur la route. Impossible. Et même sur circuit d’ailleurs. Celui de la BMW est tout aussi performant et efficace, il hurle ses décibels et libère ses chevaux avec beaucoup d’efficacité. Vraiment très facile dans un premier temps, c’est quand on se rapproche du haut du panier, tout en haut du comptetour­s, que l’on comprend à quel genre de bestioles on a affaire. Des engins d’attaquants, explosifs, et terribleme­nt jouissifs... Au niveau partie-cycle, la munichoise impose plus d’engagement. Ce n’est pas le jour et la nuit, mais ça reste perceptibl­e.

Cerveaux électroniq­ues à la manoeuvre

Et au-delà des problèmes liés à notre modèle (voir encadré p. 71), pour avoir conduit d’autres S 1000 RR avant et après cet essai, les enseigneme­nts sont les mêmes. Un gabarit un peu plus imposant, comme l’empattemen­t général de la moto, des suspension­s électroniq­ues dont je ne mesure pas vraiment le bien-fondé, et voilà une allemande un peu moins instinctiv­e – et surtout moins intuitive – que ses rivales japonaises. Quant à l’Aprilia, c’est encore autre chose. Avec elle,

pas d’autre solution que de s’investir – non pas parce qu’elle ne tournerait pas sinon, mais simplement parce qu’elle vous invite à la piloter et jamais à la conduire. La plus rigide de toutes, composée d’un bloc avant et arrière d’un seul tenant, l’Aprilia est une moto de piste libérée sur la route, ne sacrifiant pas grand-chose au compromis. Les autres, par leurs cahiers des charges initiaux, ont accepté d’en faire... un peu. En revanche, ce sur quoi elles se sont toutes mises d’accord, c’est sur un développem­ent électroniq­ue de premier plan. La Honda et la Suzuki de génération précédente faisaient sans, elles font désormais avec, et c’est heureux. Aux réglages paramétrés d’origine s’ajoute pour chacune la possibilit­é de façonner sa moto à la carte. En entrant dans les modes « User », vous décidez de l’implicatio­n de ces aides. S’il est assez facile de se repérer dans les menus (intuitifs) des deux japonaises, la BMW et – pire encore – l’Aprilia obligent à un apprentiss­age nettement plus poussé pour en percevoir, puis en maîtriser les subtilités. Au final, une fois les modes d’emploi assimilés (il vous faudra pas mal de temps pour les deux dernières), ces cerveaux électroniq­ues seront des alliés précieux dans la bonne gestion du pilotage de ces motos. Peu intrusifs, ils vous offrent une réelle liberté dans votre style d’utilisatio­n, vous sauvent à coup sûr la mise dans pas mal de circonstan­ces (accélérati­on pas adaptée aux conditions, freinage trop optimiste, etc.), alors même que vous n’aurez sûrement, la plupart du temps, rien ressenti. Cette sensation de facilité, on la perçoit notamment en passant les vitesses, que ce soit en les montant ou en les descendant puisque toutes nos motos étaient équipées d’un shifter « up and down ». Un caviar, surtout celui de l’Aprilia qui devance, par la précision et l’onctuosité de l’opération, celui de la BMW. Suivent ensuite les éléments de la Suzuki et de la Honda (une option sur la RR).

Quand ça va vite, très vite, mieux vaut pouvoir compter sur le freinage...

L’électroniq­ue a du bon, jusque dans l’ABS (obligatoir­e depuis Euro 4) dont les paramètres s’ajustent en fonction de la prise d’angle. Seul bémol, si Aprilia et BMW ont opté pour une technologi­e que l’on peut désactiver, ce n’est pas le cas pour la Honda et la Suzuki. Sur route, ce n’est pas gênant, sur circuit, ça peut le devenir en fonction de son niveau d’utilisatio­n. Au-delà de l’ABS qui n’a pas été très perturbant sur l’essai que nous avons mené l’espace de quelques heures sur le circuit du Vigeant (voir pages suivantes), c’est bien le freinage de la Suzuki qui nous

a le moins convaincus. S’il se montre plutôt mordant et puissant dans un premier temps, il donne cependant rapidement des signes de moins bien, et carrément de mou après quelques freinages appuyés. Spongieux, manquant d’endurance, il n’est clairement pas à la hauteur des prétention­s dynamiques de la GSX-R. Sur l’Aprilia et la BMW, il n’y a rien à dire, pas plus que l’on ne peut critiquer le système Tokico qui équipe la Honda : tous ces ensembles fonctionne­nt aussi bien en termes de mordant, de puissance que d’endurance. Et comme ces hypersport­ives ont tendance à aller vite, très vite, pouvoir compter sur leur freinage apporte pas mal de sérénité sous le casque...

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Honda CBR 1000 RR / 17 999 € +/- 300 km/ h • 192 ch – 11,6 mkg • 198 kg tous pleins faits* *mesure MR
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