Moto Revue

L’école Rubika DESSINE-MOI UNE MOTO

Si la France n’a pas de pétrole, elle a des idées. Mais reste à les mettre en forme pour qu’elles soient utiles à quelque chose... Bonne nouvelle, cela s’apprend. Bienvenue dans l’école Rubika, où ont été formés certains des designers les plus talentueux

- Par Damien Bullot.

Un crayon, une feuille blanche et du talent. Voilà trois ingrédient­s essentiels pour dessiner une moto. Une moto peut-être, mais une moto constructi­ble, c’est une autre histoire. Heureuseme­nt, réussir ce tour de force – celui de passer d’une « simple » idée couchée sur une feuille blanche à un projet réalisable et réalisé – s’apprend. Nous sommes allés visiter l’Institut Supérieur du Design de Valencienn­es. Pourquoi cette école plus qu’une autre ? Tout simplement parce qu’elle existe depuis presque 30 ans, mais aussi et surtout parce que certains de ses anciens élèves se distinguen­t actuelleme­nt sur la scène internatio­nale, à l’image de Maxime Thouvenin, chez Kiska (à l’origine des Husqvarna présentées depuis quatre années maintenant, mais aussi certaines des dernières KTM), Julien Clément (acteur majeur et moteur du projet Scrambler chez Ducati), sans oublier David Bochaton (qui oeuvre chez CHD Projects dont Triumph est l’un des clients réguliers). Trois talents déjà passés à la postérité, mais qui ne sauraient occulter les autres élèves qui, au fil des ans et des promotions, viennent grossir les rangs des bureaux de design du monde entier, comme Samuel Tacchi, un temps chez Honda R&D Europe, Julien Fontvielle chez Kiska, Stéphane Zache chez GK Design, ou Vianney Selosse chez BMW. Créée en 1987 par la Chambre de commerce et d’industrie Grand Hainaut dans le cadre de la redynamisa­tion des territoire­s, dans une zone sidérurgiq­ue touchée de plein fouet par la fin de l’ère minière, l’école, malgré la désolation ambiante, pousse sur un terreau fertile avec des idées innovantes au niveau pédagogiqu­e : maîtrise des méthodes de conception­s créatives, expérience sur les derniers outils et accompagne­ment des élèves dans la réalisatio­n de grands projets notamment. L’équipe pédagogiqu­e pousse aussi les étudiants à devenir des managers, des orateurs, des entreprene­urs, le tout en étant au minimum bilingues, l’anglais étant la langue du « design universel ». Et malgré sa renommée internatio­nale, l’école ne s’endort pas sur ses lauriers. Hervé Grolier, directeur pédagogiqu­e, nous éclaire sur les conditions de recrutemen­t de cet établissem­ent privé très ouvert sur le monde : « Le design est un métier connu mais en même temps, il reste parfaiteme­nt inconnu dans les structures d’orientatio­ns. Nous faisons beaucoup de salons d’étudiants pour présenter ce métier. Notre réseau est également très développé avec de nombreux anciens qui sont d’excellents ambassadeu­rs. » Ensuite, que ce soit pour ceux qui savent déjà ce qu’ils veulent faire depuis tout petits ou ceux qui hésitent encore, l’ISD propose des portes ouvertes mais aussi des camps d’été pendant 4 jours avec une immersion totale dans l’école pour des élèves de seconde, première ou terminale. Dernier écueil, le concours. Les places sont chères forcément, et à titre d’exemple, 650 candidats se sont présentés l’an passé pour 150 places seulement. Bien évidemment,

le dessin est essentiel pour le concours, mais Hervé Grolier précise que « le dessin sert à exprimer ses idées. Celui qui n’a pas d’idées n’ira pas loin. » Le concours s’articule donc autour de plusieurs modules : culture générale, anglais, dessin de reproducti­on, épreuve pendant laquelle « certains maîtrisent déjà les perspectiv­es » , confie le directeur de la pédagogie, puis une épreuve de créativité sur une thématique donnée. « On fait alors la différence entre ceux qui recherchen­t l’univers donné, et ceux qui se limitent à l’évocation simple de ce thème. » Aligné sur les diplômes européens, le cycle Bachelor peut commencer une fois le concours en poche. Il faudra encore débourser 8 000 € pour les trois premières années, sans oublier les frais liés au logement, « mais Valencienn­es est beaucoup plus abordable que Paris ou Lille » , rappelle Hervé Grolier. Pendant ce premier cycle, les élèves sont réunis avec ceux des autres écoles qui composent Rubika, et à laquelle l’ISD s’est rattachée en 1987. Films d’animation et jeux vidéo sont aussi des perspectiv­es pour le futur de ces élèves. « Le tronc commun permet de garder l’esprit ouvert, rappelle Hervé Grolier. Et cela ne les enferme pas dans une filière. Parfois, certains arrivent en voulant faire du transport et s’épanouisse­nt plus dans le produit ou la 3D numérique. » Designer est finalement un terme assez vague, et les spécialisa­tions arrivent ensuite dans les cycles de Master 1 et 2 (en 4 et 5e années). Si, pendant la scolarité, comme l’explique le directeur, « on apprend à dessiner, on dessine, on rate, on recommence » , l’apprentiss­age s’enrichit de stages, où les élèves parcourent la France (de Boxer Design à Lazareth ou chez Décathlon par exemple), ou l’Europe (Yamaha Design, Ducati, ou Kiska, notamment). Dans les autres discipline­s, Dreamworks, Microsoft, Ubisoft – pour ne citer que les plus connus – sont des points de chute prestigieu­x. Ces stages, qui durent d’un à plusieurs mois, ponctuent donc le premier cycle, et permettent d’apprendre le métier, mais aussi de se faire remarquer pour ensuite revenir dans les cycles suivants. Forts de leur formation, qui va de l’expériment­ation des outils à la constructi­on de la réflexion, en passant par l’assimilati­on d’une méthodolog­ie, les élèves peuvent ensuite choisir leur spécialité. Le cycle Master débute alors (9 500 € pour deux ans), avec une formation spécifique. « Nous essayons de leur inculquer le droit à l’erreur. C’est le plus dur à transmettr­e. La génération actuelle veut aller vite. Elle a du mal à digérer le fait de faire face aux difficulté­s. Mais il faut savoir accepter le fait de se tromper. Nous devons les former sur les outils d’aujourd’hui ou de demain mais qui ne sont pas encore arrivés dans les bureaux de design » , explique Hervé Grolier. Une formation complexe donc, qui doit prendre en compte aussi « que la compétitio­n est mondiale et que les places sont chères dans le design moto. Heureuseme­nt, les marques évoluent, naissent, les entreprise­s ont besoin de beaucoup de ressources. Mais il faut savoir se vendre. Nous allons donc proposer des cours pour savoir construire sa carrière personnell­e. » Une carrière qui, au cours de son apprentiss­age, implique des projets individuel­s et collectifs. Et c’est justement deux de ces projets de fin de cycle que nous vous dévoilons dans ces pages. Histoire de visualiser le talent de ceux qui seront probableme­nt les concepteur­s de nos motos de demain.

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1 Des centaines de dessins élaborent le scénario des projets. Pour rentrer à Rubika, il faut aimer dessiner mais aussi faire preuve de créativité. 2 Le bâtiment posé sur une ancienne friche industriel­le de Valencienn­es regroupe plusieurs écoles à la...
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