Objective lune
Pas de Tintin là-dedans, ou alors pas le héros de bande dessinée, mais bien l’expression, celle que l’on comprend dans le sens de « nada », « rien », « que dalle »... Tintin comme ce qu’on est prêt à abandonner, nous autres journalistes, sur l’autel de l’arrangement, comme du compromis, avec les marques. Je sais bien qu’actuellement, une défiance entoure le métier de journaliste, défiance entretenue par la mitraille des réseaux sociaux, cette prétendue connivence avec le pouvoir dont je sais tintin (on y revient) au niveau politique générale, mais dont je peux vous assurer que, contrairement à ce qui est trop souvent entendu, pour l’essentiel des médias qui font la presse écrite moto, cette connivence n’existe pas. Des relations, oui. Des discussions, oui. Des actions communes, parfois. Mais avec, toujours chevillé au corps – et au clavier –, l’attachement à notre libre arbitre, à notre liberté de parole et de ton, à notre volonté première de mettre en avant notre objectivité. Rester objectif, voilà ce que l’on pourrait penser difficile quand la part prise par les sensations, faisant référence à des sentiments par nature subjectifs, est à ce point prégnante dans un métier de journaliste, surtout quand celui-ci est assis derrière un guidon... C’est exactement ce que je me disais en faisant racler de droite à gauche ce qui dépassait de ma Harley-Davidson (voir essai page 56) après être entré dans une enfilade de virages, mollement ralenti par des freins aux performances insuffisantes... Si, personnellement, je trouvais cette addition de défauts comportementaux franchement sympathique, soulignant le caractère atypique – et à mes yeux attachant – de cet ensemble mobile made in Milwaukee, je mesurais en même temps la nécessité d’informer au préalable sur le côté décalé de ce modèle, en retrait d’un point de vue objectif en termes de performances générales. Une évaluation objective initiale comme postulat de départ juste avant d’y glisser des sentiments subjectifs. Pas évident le mariage des deux ? En fait si, tout est une histoire de méthode. Alors, bien sûr, on parle ici d’un monde moto passionnant, passionné, souvent déraisonnable et même quelque peu irrationnel. Une pratique de la moto qui, au-delà du danger induit par la nature même d’un engin à l’équilibre intrinsèquement précaire, est le plus souvent inconfortable, accompagnée de (trop) chaud ou de (trop) froid, de pluie, de verglas, de gravillons, de trous, de bosses, de conditions de circulation difficiles... Rester objectif dans un univers irrationnel, donc ? Oui, possible. Nécessaire, même. Et pas besoin de chercher dans les étoiles, objectivement, Tintin ou pas, on s’arrachera toujours pour tenter de vous décrocher la lune.