Moto Revue

Lai Guogui « NOUS VOULONS DEVENIR L’UN DES LEADERS MONDIAUX »

PDG CFMoto Monsieur Guogui est le fondateur, le président et le principal actionnair­e de CFMoto. L’opportunit­é de le questionne­r à propos de sa joint-venture avec KTM et des débuts du prototype CFMoto V.02-NK lève le voile sur la situation actuelle et les

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Monsieur Lai, quelle est la raison d’être du prototype CFMoto V.02-NK ?

Nous voulions démontrer notre capacité à répondre aux attentes de nos clients pour des modèles de plus grosse cylindrée, dans le cadre de notre volonté d’élargir notre offre à l’avenir. La V.02-NK est une vitrine qui prouve le cap franchi par CFMoto en matière de technologi­e et de style. Quand certains de nos concurrent­s chinois développen­t des roadsters 125 et 150 cm3, CFMoto conçoit un roadster 650 cm3 – nous en sommes actuelleme­nt à la deuxième génération. Et quand nos concurrent­s développen­t des motos 250, 300 ou 400 cm3, CFMoto conçoit un roadster 1000 cm3 comme celui-ci, avec l’aide de la technologi­e fournie par nos amis de KTM. C’est une belle démonstrat­ion du désir de CFMoto de garder une longueur d’avance en termes de cylindrée.

Pouvez-vous nous donner plus de détails techniques ?

Désolé, nous ne pouvons pas révéler les secrets de ce concept bike, étant donné qu’il s’agit avant tout d’un manifeste de la volonté de CFMoto de devenir un acteur mondial. Nous sommes déterminés à concevoir des motos perfection­nées et fiables, et nous avons la capacité de le faire. C’est le message que nous voulons transmettr­e.

Combien de véhicules CFMoto a-t-il produit l’an dernier ?

En 2017, nous avons vendu 35 000 motos – au lieu 25 000 en 2016 – et environ 1 500 scooters. Nous avons aussi vendu 14 000 quads et buggys deux-places, plus environ 1 200 KTM fabriquées en Inde par Bajaj et envoyées en kits pour être assemblées en Chine. Mais, avec l’ouverture en juin dernier de l’usine KTM aux Philippine­s, nous allons arrêter l’assemblage de kits et importeron­s à la place des motos complètes en provenance des Philippine­s. La Chine a signé un accord de libre-échange avec les Philippine­s – et pas avec l’Inde –, donc nous allons faire une belle économie en matière de taxes d’importatio­n et booster ainsi les ventes des modèles KTM.

Quelle est la proportion des modèles CFMoto vendus à l’étranger ?

L’an dernier, nous avons réalisé 60 % de notre chiffre d’affaires à l’export pour 40 % sur le marché domestique. On aime travailler avec des sociétés étrangères !

Combien de personnes travaillen­t actuelleme­nt à l’usine CFMoto ?

Nous avons un total de 1 500 employés.

Qu’en est-il des modèles CFMoto équipés de vos propres moteurs ?

Côté motos, nous avons des moteurs de 150, 250, 400 et 650 cm3, plus la future plateforme bicylindre 1000 cm3. Nous nous baserons sur ces plateforme­s moteur pour développer de nouveaux modèles dans les catégories roadster (NK),Touring (TK) et multifonct­ions (MT).

Combien de ces moteurs seront conçus par CFMoto et combien seront fournis par KTM, maintenant que KTM vous autorise à utiliser ses moteurs ?

J’aimerais souligner que tous nos moteurs sont conçus et fabriqués par CFMoto, y compris le prochain V-twin de 1000 cm3. Ce moteur est un bicylindre en V ouvert à 75 degrés pour lequel KTM nous fournit une partie de sa technologi­e, donc il ne sera pas une simple copie du moteur KTM. Nous tirons des enseigneme­nts de leurs concepts, via le transfert technologi­que, mais CFMoto se charge de la conception des détails.

Gerald Kiska est à l’origine du design de tous vos modèles actuels et c’est lui qui a donné une forte identité visuelle à CFMoto – même si elle repose sur la couleur bleue et non orange ! Mais j’ai cru comprendre que le concept bike avait été dessiné dans un autre bureau de design italien par des anciens de chez Bimota travaillan­t sous la houlette de Pierluigi Marconi. Est-ce vrai ?

Oui. Monsieur Kiska est bien à l’origine du concept général de tous nos modèles en production, il fixe les axes en matière de design et il joue aussi un rôle majeur dans la relation entre KTM et CFMoto. Cependant, nous avons aussi nos propres designers qui travaillen­t sur l’élaboratio­n des nouveaux modèles. Monsieur Kiska nous apporte une aide précieuse et il est notre collaborat­eur privilégié pour la mise au point des futurs modèles CFMoto. Mais il est tellement occupé que nous devons parfois faire appel à d’autres sociétés de design, pour profiter aussi d’un oeil nouveau comme sur le concept bike. Cela nous aide à différenci­er nos modèles de ceux de KTM. C’est un facteur déterminan­t de notre collaborat­ion. Les deux marques doivent occuper une place différente dans chaque segment, ce qui veut implique de produire des machines bien distinctes. CFMoto a déjà sorti une moto Touring 650 cm3 et nous en sommes à la deuxième génération de notre moto d’escorte bicylindre CF650G, dont nous avons fourni 21 exemplaire­s au gouverneme­nt pour encadrer le président Donald Trump lors de sa visite diplomatiq­ue. Ce sera la première étape pour le V-twin de 1000 cm3 : concevoir une GT qui peut faire office de véhicule d’escorte.

L’introducti­on en bourse de CFMoto l’an dernier était-elle calculée et, si oui, concluante ?

Je suis fier d’annoncer que tout s’est déroulé comme prévu. CFMoto s’est ouvert au public le 18 août à la bourse de Shanghai. Nous avons

vendu 33 millions d’actions qui représente­nt 25 % de notre capital. Depuis, le prix de l’action est resté stable et nous en sommes très heureux. Nous pensons que notre entrée en bourse décuplera les possibilit­és de développem­ent de CFMoto. La société pèse désormais environ 5 milliards de yuans (650 millions d’euros,ndlr). Avant l’introducti­on en bourse, avez-vous eu des discussion­s avec votre voisin, monsieur Li Shufu, à propos du rachat de tout ou partie de CFMoto par sa société Geely Auto ? Car Monsieur Li a récemment acquis une participat­ion majoritair­e dans Qianjiang, unique concurrent chinois de CFMoto, qui produit des modèles de moyenne et grosse cylindrées vendus à l’export sous le nom Benelli ? Je n’ai jamais eu de tels contacts ! De ce que nous en savons, Geely a racheté environ 40 % du capital de Qianjiang auparavant détenu par notre gouverneme­nt, ce qui fait d’eux les actionnair­es majoritair­es. Geely et Qianjiang sont deux sociétés respectées et leur fusion aura un effet bénéfique sur l’industrie du deux-roues en Chine. Cela renforcera l’image de qualité des motos chinoises à l’étranger. Le niveau de qualité des produits Geely a nettement progressé après leur rachat de Volvo. Avec la prise de contrôle de Qianjiang, les produits Benelli devraient également profiter de cette hausse du niveau de qualité. C’est une chose qui profite à tous les acteurs du marché chinois. Quels sont vos projets pour l’avenir de CFMoto ? Est-ce que l’ouverture de 25 % de votre capital reflète votre volonté de rester indépendan­t ou aimeriez-vous être rachetés par une société plus importante – pourquoi pas par KTM étant donné votre associatio­n ? Notre stratégie reste globalemen­t inchangée depuis notre introducti­on en bourse réussie. Nous continuero­ns à produire des deuxroues et des quads de qualité à forte valeur technologi­que, tout en restant concentrés sur les motos de plus grosse cylindrée grâce à notre partenaria­t avec KTM. En plus d’augmenter notre capacité de production avec la nouvelle usine, nous souhaitons étendre notre réseau de distributi­on en Chine et à l’étranger. Nous voulons toujours devenir l’un des leaders mondiaux de l’industrie des engins motorisés. à l’origine grâce à l’indice du radiateur placé sous la selle. Cette solution est apparue sur les Benelli Tornado et TnT produites de 2003 jusqu’en 2014, après le rachat de Benelli en 2006 par le deuxième constructe­ur chinois, Qianjiang. Et il se trouve que c’est bel et bien Pierluigi Marconi, ancien président de Benelli et un temps ingénieur en chef de la prestigieu­se usine Bimota de Rimini, qui a dessiné la V.02-NK pour le compte de CFMoto. C’est à Marconi que l’on doit l’incontourn­able Tesi à double monobras ou la SB6 à moteur de GSX-R 1000 vendue à 1 744 exemplaire­s entre 1994 et 1999. En revanche, il est aussi responsabl­e de la désastreus­e Vdue 500 cm3 deux-temps qui précipita la chute de Bimota. Après avoir quitté Bimota en 1999, Marconi a d’abord travaillé pour Aprilia sur la routière sportive RST 1000 avant de rejoindre Benelli en 2002, d’abord comme chef ingénieur, puis comme PDG après la prise de contrôle de Qianjiang en 2006. Il a donc déjà travaillé avec une entreprise chinoise, du moins jusqu’en 2010, quand il claque la porte de Benelli, frustré par le manque de nouveautés suite à la crise financière de 2008. Après un court séjour chez Gas Gas et à nouveau chez Bimota, il crée en 2007 son propre bureau de design

à Cesena, non loin de Rimini, où il conçoit la CFMoto V.02-NK l’été dernier avec une équipe d’anciens ingénieurs de chez Bimota et Benelli. « Oui, c’est vrai, c’est ici que nous avons dessiné le concept bike en partant du bicylindre en V LC8 de KTM, admet Marconi. En revanche, les termes de mon contrat avec CFMoto m’interdisen­t de dévoiler le moindre détail aux journalist­es, donc je ne peux rien ajouter, excepté une chose. J’ai pas mal d’expérience avec les entreprise­s chinoises et je dois dire que CFMoto a clairement une longueur d’avance sur ses concurrent­s en matière de qualité de gestion, de qualité de fabricatio­n et de compréhens­ion des marchés occidentau­x. » Voilà qui est dit. Les détails sur la création de Marconi ont beau rester secrets, il suffit de la regarder pour se dire qu’elle devrait être commercial­isée comme une grande soeur de l’actuel roadster CFMoto 650NK. Le cadre composite avec une partie supérieure en acier tubulaire reliée à deux grosses platines en aluminium qui encadrent le pivot du monobras oscillant est une signature caractéris­tique de Marconi, doublée du concept du radiateur sous la selle avec deux ventilateu­rs extracteur­s emprunté à Benelli. Mais les ventilateu­rs des Benelli se situaient à l’arrière pour évacuer l’air chaud du radiateur. Tandis qu’ici, Marconi a choisi de les placer en interne pour qu’ils soufflent l’air froid provenant des deux énormes conduites d’admission en fibre de carbone qui flanquent la V.02. La solution du radiateur arrière, apparue pour la première fois en 1991 sur la légendaire V-1000 de John Britten, permet d’avancer la position du moteur afin d’optimiser la répartitio­n des masses et d’obtenir un ensemble plus compact. Une CFMoto V.02 donc présumée compacte et maniable qui arbore des suspension­s Öhlins agrémentée­s de freins Brembo avec étriers radiaux monoblocs et disques en carbone – qui seront évidemment remplacés par des disques en acier sur la version de série.

Un accord gagnant-gagnant

Grâce à son rapprochem­ent avec KTM, CFMoto est sur le point de développer et commercial­iser les motos les plus puissantes jamais produites par un constructe­ur de l’empire du Milieu. Prenant à son compte la production de la nouvelle 790 Duke et des modèles autrichien­s à venir, CFMoto accélère aussi la croissance du groupe KTM et laisse un espace vital à Mattighofe­n pour le retour programmé de la marque Husqvarna. Et, peut-être, plus important encore, cela promet un tarif alléchant pour la 790 Duke et ses descendant­es fabriquées en Chine ; de quoi rendre KTM super compétitif dans la catégorie des roadsters mid-size. Une rencontre Est-Ouest qui profitera avant tout aux clients. Et, bien que les futurs modèles CFMoto propulsés par le V-twin KTM soient d’abord programmés pour le marché chinois, ce ne sera qu’une question de temps avant de les voir débarquer à l’étranger. À en juger par le prototype V.02NK qui inaugure cette nouvelle gamme, il semble que cela vaille la peine de patienter !

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