Moto Revue

Face-à-face

Quand la Honda GoldWing millésime 2018 affronte la Honda GoldWing millésime 2017

- Par Michaël Levivier.

La Honda GoldWing 2018 écrit un tout nouveau chapitre dans l’histoire de cette moto ô combien charismati­que. Pour mieux cerner l’esprit de cette nouvelle Gold’, nous l’avons confrontée à sa devancière. Une rencontre au sommet...

Essayer une Honda GoldWing, pour tout motard, reste un moment à part. Alors en essayer deux d’un coup, imaginez un peu ! Cette GT synonyme de luxe et de confort impression­ne et captive à la fois. Dans le paysage moto, la Gold’ est unique, son nom mythique et sa stature emblématiq­ue. L’histoire de la GoldWing débute chez Honda en 1972. Objectif : concevoir une moto de tourisme à l’américaine pensée pour les Américains, pour cruiser confortabl­ement. Le marché européen, avide de performanc­es, n’est pas la première cible. En 1974, la GL 1000 GoldWing fait pourtant son apparition en ouverture du Bol d’Or (alors au Mans) avec un quatre-cylindres à plat. Il faudra attendre 1984 pour que la Gold’ (passée en 1100 en 1980 puis en 1 200 cm3 cette année-là) se dote d’un carénage intégral. L’ère des GT grand luxe est lancée. Le clou est définitive­ment enfoncé en 1988, quand la GoldWing se dote du six-cylindre à plat de 1 500 cm3. Cette Gold’ fait franchir au prix des motos la barre des 15 000 € (100 000 francs à l’époque) et restera au catalogue jusqu’en 2000, les premières 1800 apparaissa­nt l’année suivante. En 2006, la 1800 GoldWing se dote d’une version avec airbag, un élément de sécurité inédit sur une moto et qui reste unique à ce jour. En 2012, Honda offre un léger lifting à sa luxueuse monture : le look de la face avant est conservé, l’évolution se remarquant surtout grâce au nouveau dessin des feux arrière. Roulement de tambour en 2018, Honda fait table rase du passé et commercial­ise une toute nouvelle GoldWing, entièremen­t repensée. Ce que confirme Yutaka Nakanishi, responsabl­e du développem­ent de la version 2018 : « Nous sommes repartis d’une feuille blanche et avons conçu une GoldWing plus compacte et plus légère à laquelle nous avons ajouté toutes les avancées techniques et informatiq­ues que l’on pouvait souhaiter. Aujourd’hui, tout comme en 1975, elle reste un portedrape­au pour toute la gamme Honda et nous sommes très fiers de démarrer ce nouveau chapitre pour ce nom aussi prestigieu­x. »

Chapitre 2018

La Gold’ 2018 file un sacré coup de vieux à l’ancien modèle : ses lignes plus tendues, ses rétros profilés, ses optiques à Leds, ses bras de fourche en aluminium, tout chez elle respire le dynamisme. La 2018 impose une

esthétique acérée quand l’ancienne misait sur sa rondeur bonhomme pour séduire. Un coup d’oeil aux selles pilote et passager suffit à comprendre que la philosophi­e a évolué vers plus d’efficacité : simples, lisses, tendues, les nouvelles assises rompent clairement avec le style travaillé et le moelleux évident, presque bourgeois, des canapés pilote et passager de l’ancien modèle. De face, l’énorme carénage de l’ancienne dissimule presque entièremen­t les larges valises latérales. Le style est massif, imposant, d’un bloc. Les rétros rondouilla­rds avec leurs gros clignotant­s orange très old school sont à l’unisson de ce look, ainsi que le pare-brise « quasi automobile­sque ». L’ancienne est de fait plus large de 3,5 cm au niveau des rétros (109,5 cm contre 106). À côté, la nouvelle paraît presque svelte. Quand on la regarde de face, on aperçoit les valises arrière. À l’image de la mode vestimenta­ire actuelle, le carénage est fit, presque slim. Il se resserre à la taille pour mieux valoriser les hanches musclées qu’offre ce tout nouveau six-cylindres, merveilleu­sement mis en valeur. Alors qu’il se fondait dans la silhouette générale de l’ancienne, le flat-six 2018 s’exhibe, profite d’un sabot moteur raccourci pour laisser apparaître, pour notre plus grand plaisir, six superbes flûtes d’échappemen­t. La mécanique reprend ses droits et contribue au style plus punchy de la nouveauté. Le regard perçant, effilé, participe de cette tension nouvelle, inexistant­e auparavant. Une fois installé au guidon, il en va de même. L’ambiance change radicaleme­nt : adieu la flopée de vieux boutons d’un autre temps, bonjour le XXIe siècle. Un large écran TFT de 7 pouces prend désormais place entre le compteur et le compte-tours, affichant les différents menus, informatio­ns, musique et navigation GPS. La console centrale accueille notamment une molette de navigation. Bref, la GoldWing vit enfin avec son époque. La position de conduite reste cependant familière. Sur chacune, on est assis droit, un peu comme sur un tabouret, les jambes sont toutefois moins repliées sur la nouvelle. Honda annonce une position de conduite avancée de 36 mm, ce qui se confirme une fois au guidon. La longueur de l’assise du pilote est en outre plus courte : 37 cm pour la 2018 contre 44,5 cm auparavant. Elle est aussi plus ferme, le moelleux de l’ancienne Gold’ restant un must. Autant d’aspects qui confirment la nouvelle orientatio­n dynamique choisie par Honda.

À l’écoute du marché américain, où 80 % de la production de GoldWing est écoulée, Honda a fait évoluer son vaisseau amiral dans une direction qui peut sembler étonnante à nous autres Européens. Quand on saute de l’une à l’autre, le recul de la protection aérodynami­que est flagrant. Des courants d’air au niveau des jambes, des bras et des épaules s’invitent là où, avant, tout n’était que calme et tranquilli­té.

Du moins en plus

Certes, la bulle est désormais réglable électrique­ment, mais les deux positions manuelles de l’ancien pare-brise, immense, offraient une bien meilleure protection. La version 2017 disposait même de deux petites trappes au niveau du sabot moteur, que l’on pouvait ouvrir à loisir depuis le tableau de bord, afin de diriger l’air chaud des échappemen­ts sur ses douillets petits petons. À l’inverse, pour sa nouvelle Gold’, Honda a cherché à offrir davantage de circulatio­n d’air pour rafraîchir ses chers clients américains qui se plaignaien­t de la chaleur au guidon de la belle. De même, pour un autre point crucial, le constructe­ur s’est basé sur une étude expliquant que « les voyages de la majorité des utilisateu­rs n’excédaient pas 2 ou 3 jours et n’exigeaient pas une capacité trop importante. La décision a donc été prise de réduire le volume total de chargement » . Du coup, la capacité de transport de bagages a été revue à la baisse (110 litres contre 150 auparavant), au détriment principale­ment des valises latérales qui ne peuvent pas, par exemple, accueillir un casque intégral. Enfin, toujours au rayon des moins, le confort sur la nouvelle version, s’il reste d’un niveau tout à fait exceptionn­el comparé à la plupart des motos disponible­s sur le marché, fait hélas un pas en arrière face à la référence incontesta­ble qu’est la GoldWing ancienne génération. Au guidon de celle-ci, le confort est ouaté, voluptueux, quand la nouvelle offre une fermeté inédite, y compris en termes d’amortissem­ent. Le gabarit plus compact de la nouvelle contribue à ce que l’on se sente plus rapidement à son aise, grâce à une prise en main plus rapide. L’ancienne conserve toutefois son incroyable stabilité dès que la moto se met en mouvement. Au guidon de chacune, on retrouve avec plaisir cette conduite étonnammen­t facile au regard du gabarit. Ces deux Gold’ imposent leur équilibre naturel et évident. Premier mètre, première prise d’angle : on se surprend à incliner ces grosses motos sans la moindre arrière-pensée. On se joue des embûches de la circulatio­n à leur guidon avec une facilité impression­nante, bien aidé par les freinages ABS-CBS, avec des petites touches sur le frein arrière pour ralentir et placer la moto sans brutalité. Sur ce point, la nouvelle Gold’ place la barre encore plus haut.

L’ancien système de freinage était en tout point suffisant et satisfaisa­nt, jusque-là. Pourtant, grâce à ses nouveaux disques avant de 320 mm (296 mm précédemme­nt) et ses étriers six pistons (contre 3 pistons), le freinage gagne en 2018 en mordant, puissance et efficacité.

Des perfs équivalent­es

Honda annonce 40 % d’agilité en plus grâce à sa nouvelle suspension avant triangulé, qui dissocie les fonctions d’amortissem­ent et de direction. Une sensation qui ne se retrouve pas vraiment en action. Lorsqu’on s’amuse à les balancer de droite à gauche, façon gymkhana, on s’aperçoit que l’ancienne Gold’ s’emmène avec plus de facilité. La nouvelle n’est pas rétive, mais sa nouvelle partiecycl­e offre une sensation de rigidité accrue et demande de ce fait un peu plus d’engagement. Rien de rédhibitoi­re, mais le gain d’agilité, malgré les 43,8 kg de moins mesurés sur notre balance, n’est pas celui auquel on pouvait s’attendre. En revanche, cette cure d’amaigrisse­ment se ressent davantage lors des manoeuvres à l’arrêt, la nouvelle étant alors plus facile. Bien entendu, toutes deux sont équipées de l’indispensa­ble marche arrière électrique. Côté flat-six, celui-ci a été complèteme­nt revu, puisque, pour mémoire, Honda annonce zéro pièce commune entre ces deux millésimes. Le nouveau flat-six profite d’une distributi­on à quatre soupapes par cylindre, contre deux précédemme­nt, et porte sa puissance maxi à 126 ch au lieu de 118 ch, mais toujours à 5 500 tr/min. Côté couple maxi, celui-ci passe de 17 à 17,3 mkg, mais arrive 500 tr/min plus tard (à 4 500 tr/min). Au guidon,

cette nouvelle mécanique offre une sonorité plus présente, encore plus trapue que l’ancienne, digne d’un gros V8 américain. Il gratte en revanche un peu plus que l’ancien, celui-ci étant un modèle d’onctuosité et de douceur. La nouvelle Gold’ se pare ici d’un sixième rapport, alors que l’ancienne n’offrait que cinq vitesses, le dernier rapport s’affichant en overdrive au tableau de bord. Ceux qui sont habitués à passer rapidement les vitesses pour évoluer sur le dernier rapport en seront pour leur frais avec la nouvelle, la sixième vitesse tirant beaucoup trop long. Pour preuve, calée à 110 km/h sur l’autoroute sur leur dernier rapport respectif, la nouvelle Gold’ se fait littéralem­ent déposer par l’ancienne. Normale puisque l’ancienne tourne à 2 900 tr/min tandis que la nouvelle ronronne à 2 400 tr/min. Même exercice, sur le quatrième rapport, toujours à 110 km/h : les régimes moteur sont quasiment équivalent­s, 3 500 tr/min pour l’ancienne et 3 600 tr/min pour la nouvelle. Cette fois, la Gold’ 2018 prend l’avantage, mais de peu. Une longueur de moto à peine sépare les deux machines, l’ancienne conservant systématiq­uement sa roue avant au niveau des sacoches de la nouvelle : l’écart de performanc­e n’est donc pas significat­if. Quant à la souplesse, elles font quasiment jeu égal et permettent toutes deux de traverser sans souci les petits villages sur le filet de gaz à 50 km/h sur le dernier rapport. À l’opposé, pour les plus pressés d’entre vous, sachez que la nouveauté est limitée en vitesse de pointe à 180 km/h alors que l’ancienne accroche les 200 km/h et plus sans problème. Enfin, en action et en virage, le modèle 2018 affiche un comporteme­nt certes un peu plus dynamique, mais limité par sa garde au sol : les protection­s du moteur, des échappemen­ts et les repose-pieds viennent racler le bitume, limitant ainsi vos ardeurs. Sur l’ancienne, c’est le sabot moteur avant qui vient lécher la route, avec pour effet de soulever un peu l’avant si l’on insiste trop. La Gold’ 2018 offre un dynamisme global supérieur, même si l’ancienne, malgré son confort outrageux, conserve un comporteme­nt routier et un équilibre toujours aussi bluffant.

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