Rx3S : l’aventure par la route
Avec son moteur bicylindre (une première pour une aventurière Zongshen) de 380 cm3 refroidi par eau, la Rx3S est un petit trail routier taillé pour l’aventure. Dotée d’une bonne allonge et d’une partie-cycle maniable et cohérente, l’asphalte est son terrain de prédilection. Les suspensions peuvent cependant créer des rebonds dans les virolos de montagne et manquent de débattement dans les portions off-road. La boîte de vitesses est perfectible
•
Ergonomie et équipement : la Rx3S est une moto confortable et agréable pour voyager. Malgré sa selle basse (790 mm) qui sécurise, le conducteur de taille moyenne ne souffre pas de la position. La moto offre ABS, injection, valises latérales et top-case aluminium, prises allume-cigare et USB, protection tubulaire intégrale... de quoi voyager en toute sérénité. Seuls manquent la béquille centrale, les protège-mains et le sabot moteur. La moto existe avec des roues à bâtons ou à rayons
• Consommation : entre 3,8 litres/100 km (donnée constructeur) et 4,8 litres/100 km (moyenne sur la durée du test)
• Budget : de 3 500 € à 4 200 € en Chine selon le modèle
• Commercialisation : en Chine depuis début 2018. Pas d’importation prévue en France
de pointe qui approche les 160 km/h (dans la zone rouge qui démarre à 9 000 tours/minute), malgré les valises latérales et bien que la vitesse soit limitée à 120 km/h. Si la bande d’arrêt d’urgence est une voie relativement « sûre » pour doubler (par la droite) étant donné le trafic dense et erratique, elle peut aussi servir pour une pause pipi, fumer une clope ou attendre les copains... à l’ancienne quoi ! Les autoroutes sont cependant interdites aux motos dans le pays et nous franchissions les péages en contournant les barrières et parfois même les péagistes qui viennent nous faire barrage. Il arrive aussi que nous nous fassions interpeller par la police et escorter jusqu’à la sortie. Nous arrivons au Gudou Hot Spring Resort où nous participons à un salon deux-roues. Notre arrivée en meute sur des motos qui ne sont pas encore commercialisées en Chine est un véritable événement. Comme tous les motards présents, nous dédicaçons le grand mur prévu à cet effet avant d’aller fièrement nous garer devant le stand Zongshen/Cyclone où les visiteurs défilent pour être pris en photos sur ces nouveaux modèles très attendus. Seuls Occidentaux avec Steven, nous sommes fréquemment réquisitionnés pour les photos. Nos montures offrent une alternative crédible et nationale aux V-Strom 250 cm3 et Versys 300 cm3 dont les prix sont plus élevés. L’ambiance sur place est bon enfant : tests de motos, stunt, hôtesses qui défilent... Les cylindrées exposées dépassent rarement 600 cm3 sauf pour les quelques BMW R 1200 GS présentes, reine des aventurières pour les motards les mieux lotis. Je comprends mieux pourquoi les lignes et la double optique de la Rx4 rappellent celles de la célèbre aventurière teutonne. Certains clients Zongshen poussent même le vice jusqu’à parer leur Rx3 (monocylindre de 250 cm3 sorti en
2013) d’un kit d’autocollants aux couleurs et aux initiales des BMW GS. Une ressemblance « made in China » troublante et parfois trompeuse. Les accessoires sur les différentes machines sont pléthoriques (porte-bidon obligatoire) et les valises alu de marque Loboo ou Tourfella (celles qui équipent les Rx3S et Rx4) sont même installées sur des routières. La journée se termine par un feu d’artifice « sauvage » tiré au-dessus de nos bécanes avant de reprendre la route pour la ville de Xiamen, située à proximité de l’île de Taïwan, laquelle est considérée par la Chine comme une extension de son territoire. La zone est sensible et, en tant qu’Occidental, je suis logé dans un hôtel différent de celui du groupe et qui accepte les étrangers. Aujourd’hui, un événement est organisé par le concessionnaire Zongshen local. Nous sommes accueillis par une soixantaine de fans venus tester les machines dans la bonne humeur et qui nous escortent jusqu’à la piste d’essai. Je fais office de caution occidentale tandis que mes coéquipiers prolongent leur balade sur les charmantes plages locales. Le soir, nous nous retrouvons tous au restaurant autour d’un dîner bien arrosé de bière et de baijiu (célèbre eau-de-vie nationale qui affiche 40° tout de même). Les représentants de la concession et les notables des clubs locaux ont à coeur de trinquer avec chaque membre de notre bande. Un tirage au sort est organisé et nous remettons aux gagnants, qui sont aussi nombreux que les invités, des gilets jaunes (très à la mode en Chine) et autres gadgets. Un scooter est même gagné ! S’ensuit une animation endiablée où un « ninja-cassecou-saltimbanque » chinois enchaîne les performances aussi étranges que dangereuses : il lèche une résistance brûlante, se tape sur le torse avec la lame d’un sabre, s’applique une perceuse tournant à plein régime sur la tempe, et gonfle un gant en latex jusqu’à le faire éclater au travers d’une lance à incendie d’une trentaine de mètres… C’est ici que Steven quitte le groupe et que je me retrouve seul au milieu de mes coéquipiers chinois. Je suis aussi perdu que dans le film Lost in translation, avec Bill Murray et Scarlett Johansson. Durant les pauses, je tente d’anticiper les événements en me renseignant sur les conditions et durées de roulage et m’équipe par précaution avec des vêtements chauds et coupe-vent si la nuit approche.
« Je finis “dépoilé” mais j’ai gagné le respect du groupe »
« Dinosaure », seul motard à parler anglais, est d’une aide précieuse les jours où il conduit ; sinon je dois me débrouiller avec Google Translate ou avec les gestes qui, parfois, suffisent. Toutefois, les plans changent vite et souvent, et je suis pris de court. Comme l’a résumé l’un d’entre eux, « le programme est toujours en retard sur les événements en Chine » .
Alors, j’observe les expressions et je fais appel à mon expérience du voyage à moto pour décrypter des situations qui ont souvent un air de déjà-vu. Les gars sont bienveillants à mon égard et m’intègrent dans leur équipe au fil des kilomètres. Pas la peine de parler, il suffit de conduire. Le top départ m’est généralement donné par un « Go, go, go... » qui résume l’essentiel de ce que l’on comprend mutuellement et qui résonne encore dans mes oreilles. Je n’ai pas de talkie-walkie ou de téléphone local comme eux alors je colle ceux qui ouvrent la voie pour ne pas les perdre. On s’amuse à faire la course sur les routes de campagne où l’on déboule à 120 km/h et parfois à 100 km/h dans les traversées de villages, pour des vitesses respectivement limitées à 80 km/h et 40 km/h. Pour les photos et les visites, il faudra repasser. Les gars ne craignent pas les radars et les caméras qui ne prennent des images que de l’avant. L’exercice est périlleux tant les dépassements, les camions et les
véhicules qui déboîtent ou coupent la route sont nombreux et les différentiels de vitesses importants, sans parler des villages où c’est l’anarchie totale sur la chaussée. Les suspensions de la Rx3S rebondissent dans les courbes des routes de montagne tandis que la Rx4 est plus stable. À l’arrivée, on regarde les traces laissées par le macadam sur les pneus pour féliciter celui qui a le plus penché. Durant la journée maintenance, nous changeons l’huile des motos et montons de nouvelles pièces pour les tester. Une selle plus haute et un nouvel amortisseur sont installés sur ma moto couchée à même le sol en plein milieu d’une voie de circulation pour les besoins de l’opération. Un nouveau programme est également injecté dans l’ECU. Bilan des courses, je gagne en confort, les vitesses sont mieux étagées et les phénomènes de pompage sont gommés. Une bonne opération. Nous approchons de Shanghai mais nous ne pourrons pas entrer dans la ville, les motos y étant interdites. Après une escale touristique à Jiaxing, qui a vu naître en catimini le parti communiste chinois sur une barque au beau milieu du lac local en 1921, nous prenons cap à l’Ouest, en direction de Chongqing, destination finale où se situent les usines Zongshen (voir Moto Revue n° 4068 du 17 janvier 2018). Au fur et à mesure que nous progressons vers l’intérieur du pays, le froid nous gagne, les couches s’empilent et la fatigue commence à se faire sentir mais la solidarité et la soif d’aventure de ces motards aguerris restent intactes. J’apprends à connaître mes coéquipiers : ils viennent des quatre coins du pays et exercent des professions variées mais ils sont tous réunis par la même passion du voyage à moto. Les prénoms sont compliqués à retenir alors je les appelle par leur métier ou ce qui les caractérise le mieux : « tatoueur », « sergent », « vieil homme », « Dinosaure », « grand/gros gars », « la fille » et « casque jaune ». Ils en font de même avec moi et me trouvent un surnom : Bertrand est transformé en « Baitang », qui signifie « sucre blanc ». Toujours en train de blaguer, les gars s’amusent de temps en temps à m’appeler « Honey » par référence à mon surnom, ce qui les fait beaucoup rire. Bon nombre d’entre eux se connaissaient avant le départ pour avoir participé à de précédentes éditions de test ride Zongshen. Parmi eux,
« Dinosaure » détonne pour avoir parcouru à moto la totalité de la Chine par ses frontières, soit 27 000 km en 90 jours. Au cours d’une après-midi, je me sens en confiance et d’humeur joueuse dans ces petites routes de montagne reculées et dans lesquelles je ne risque pas de me perdre. Je me lance alors dans un run viril avec les hommes de tête. La piste arrive et mon âme d’enduriste prend le dessus. J’attaque pleine balle et je prends la tête des échappés. Les débattements de ma Rx3S sont trop justes et les vibrations mettent à rude épreuve les équipements qui se dévissent (gardeboue, échappement, pare-brise et valises). Les principaux organes ne faillissent pas et me permettent de me régaler dans ce tronçon que j’attendais depuis longtemps. C’est bien là l’essentiel ! Je finis la journée « dépoilé » de mes attributs mais j’ai gagné le respect du groupe et je fais désormais partie des leurs ! Nous poursuivons notre tournée des concessionnaires Zongshen et des moto-clubs. Un cochon est même égorgé à l’occasion de notre visite et servi quelques heures plus tard comme pitance. Faut dire que la nourriture fait partie intégrante de ce tour tant elle change d’une région traversée à l’autre. À chaque repas, des spécialités locales différentes et difficiles à identifier défilent sur le plateau central de la table, autour de laquelle une dizaine de motards affamés et le staff prennent place. Il faut alors jouer de la baguette pour se sustenter, sous l’oeil amusé et bienveillant de mes camarades.
10 000 km en 43 jours
Guidés par le fleuve Yang-Tsé-Kiang, nous entrons enfin dans la ville de Chongqing réputée pour sa gastronomie épicée et ses « hotpots » aussi appelés fondues chinoises. L’équipage retrouve les quartiers généraux de Zongshen d’où il est parti 43 jours et 10 000 km plus tôt. C’est la fin du périple et le débrief avec les ingénieurs du département R&D, qui sont avides de connaître nos impressions sur les motos. Plus d’une quarantaine de personnes sont réunies dans une même salle où tout est passé en revue pendant plusieurs heures : moteur, injection, boîte de vitesses, cadre, suspensions, freins et ABS, comportement général, confort, fiabilité, pneumatiques, éclairage... C’est avec l’expérience que se forge le voyageur et, de la même manière, que se met au point une bonne aventurière. Zongshen l’a bien compris et se donne les moyens d’y parvenir au travers notamment de ces tests grandeur nature et sans égal. Si les Rx3S et Rx4 ne disposent pas des dernières technologies des références européennes et japonaises en la matière, elles offrent cependant une simplicité devenue rare aujourd’hui sur le marché et finalement un retour aux origines de l’aventure à moto qui fait du bien !