Moto Revue

SOFUOGLU LÂCHE L’AFFAIRE

À 33 ans, le quintuple champion du monde Supersport a annoncé sa retraite en plein milieu de la saison. Un abandon qui fait suite à de nombreuses blessures. Retour sur la carrière de l’unique pilote turc à avoir atteint les sommets.

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De son inimitable voix, qui s’apparente à celle d’un pinson ayant subi une ablation des testicules (sic), Sofuoglu explique sa décision de revenir à Imola pour une ultime apparition : « Ma famille, mes amis et même mon président me poussent depuis longtemps à stopper ma carrière. Je suis quelqu’un qui aime les gens, et qui les écoute. J’ai donc fait le choix de me plier aux désirs de mes proches. J’ai décidé de participer aux essais ici et de m’aligner sur la grille sans pour autant prendre le départ de la course. » Celui qui a définitive­ment marqué la catégorie Supersport en devenant, avec cinq titres mondiaux, le pilote le plus capé de l’histoire des 600 cm3, met ainsi fin à vingt ans de carrière, une carrière commencée à l’aube des années 2000. Après un titre dans un balbutiant championna­t de vitesse turc, Kenan s’expatrie en Allemagne afin de se frotter aux formules de promotions proposées par les Teutons. Dès 2002, il décroche la victoire de la R6 Cup. Les portes du championna­t Supersport allemand lui sont ainsi ouvertes et il termine sa première saison avec le titre de vicechampi­on. Ce qui lui permet, en fin d’année 2003, de s’aligner aux trois dernières épreuves du Mondial Supersport. S’il termine à une encouragea­nte 16e place en France, les deux courses suivantes se terminent dans le bac à gravier. Qu’importe : il a tapé dans l’oeil des responsabl­es de Yamaha, qui lui offrent un guidon en Superstock 1000. Avec cinq podiums en 2004, il décroche la troisième place finale et devient favori du millésime 2005. Mais le Belge Van Keymeulen le prive du titre pour six points. Kenan est pourtant promu en Supersport, où il termine troisième de la saison 2006, derrière Sébastien Charpentie­r. En 2007, et en l’absence de Charpentie­r blessé, Sofuoglu se sent pousser des ailes. Il remporte huit épreuves sur les treize du calendrier et devient ainsi champion du monde avec plus du double de points que son second. Ce titre – le premier pour un pilote turc en sport mécanique – le propulse au rang de héros national.

Champion en Supersport, en échec ailleurs !

À ce stade de sa carrière, l’aventure du Superbike l’attend... et l’enferme très vite dans un véritable enfer. Sous pression en début de saison, le décès accidentel de son frère aîné finira par lui couper les ailes. Avec pour meilleure place une neuvième position sur l’une des courses de l’épreuve française, Sofuoglu retourne terminer la saison en Supersport où il s’impose pour l’ultime épreuve de la saison. C’est acté : 2009 se jouera en mode 600. S’il se fait voler le titre – et la vedette – par Cal Crutchlow, il se venge en 2010 en remportant son second titre mondial dans la catégorie. C’est à ce moment qu’il accepte au pied levé de remplacer l’infortuné Shoya Tomizawa au guidon d’une Suter du team français CIP. Il marque des points et se trouve confirmé pour la saison 2011. Malheureus­ement, rien ne se passe

comme prévu, et à l’exception d’une seconde place sur le Grand Prix des Pays-Bas, l’histoire du Turc avec les Grands Prix s’arrête en fin d’année. Cette fois, c’est Kawasaki qui obtient la signature de Kenan pour la saison de Supersport 2012. Et Kenan décroche son troisième titre. Fidèle à Kawasaki, il décrochera deux nouveaux titres (2015 et 2016) avant une saison 2017 héroïque où malgré des blessures à répétition, il sera menaçant jusqu’au bout face à Lucas Mahias. Mais un nouvel accident début 2018 lui enlèvera tout espoir de retrouver le plus haut niveau. Préférant sortir par la grande porte, Sofuoglu ressort cassé mais s’est offert un ultime baroud d’honneur à Imola, avant même la mi-saison. En laissant des regrets aux deux principaux protagonis­tes français de la catégorie. Sur sa page Facebook, Jules Cluzel a écrit : « Même si tu m’as énervé de nombreuses fois durant les sept ans où nous avons roulé ensemble, tu m’as souvent permis de repousser mes limites. Cela a été un honneur de te connaître et de rouler contre toi. » Lucas Mahias, qui l’a dépossédé de son titre l’an dernier, est aussi plein d’admiration pour le pilote le plus titré de l’histoire de la catégorie : « C’est un type qui ne lâche rien, aussi bien sur la piste que dans la vie. La vie ne l’a pas épargné (il a perdu son frère dans un accident de moto, et son premier bébé alors qu’il n’avait que quelques semaines, ndlr). Sur la piste, il a toujours marqué du respect pour ses adversaire­s, sans tenter de mettre de la pression en dehors de la piste. C’est un pilote que j’ai toujours respecté et avec qui j’ai aimé me battre, et me battre avec lui m’a fait grandir. » Ainsi parle le champion du monde en titre. Maintenant, Kenan va pouvoir se consacrer à trouver et faire grandir ses successeur­s, comme il aime à souligner qu’il s’agit du souhait de Tayyip Erdogan, le président turc. Les frères Can et Deniz Öncü pourraient être les premiers à bénéficier de la précieuse expérience de leur compatriot­e.

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