Essai dynamique TOUS MORS DEHORS
Ces braves petits roadsters nous invitent bien volontiers à fredonner un p’tit air détendu tandis que défilent les routes de la contrée traversée. Tout comme ils nous incitent, coquins qu’ils sont, à sortir de nos gonds. Or, s’il est un de nos hobbies préférés, c’est bien celui-là !
Si elles n’inspirent pas nécessairement l’arsouille, ces trois-là n’en sont pas moins friandes ! Avec leur poids contenu, leur belle facilité de prise en main, leur inertie limitée et leurs mécaniques vivantes, on se dit que tôt ou tard, on va leur rentrer dedans, par curiosité peut-être, par envie surtout ! Ces trois twins présentent trois approches différentes : le twin parallèle de la Kawasaki Z 650 se veut le plus classique du lot, avec son vilebrequin aux manetons décalés de 180°. Sur le papier, il est celui qui sera le plus prompt à s’envoler dans les tours à la manière d’un moteur calé façon « screamer » (hurleur). C’était d’ailleurs l’une des caractéristiques marquantes de l’ER-6, qui savait se montrer particulièrement à l’aise dans l’exercice des hauts régimes et avec cette séduisante faculté à allonger sa foulée jusque dans le fond de la zone rouge. À compter du millésime 2017 – année de naissance de cette Z 650 mais également synonyme de passage à Euro 4 –, Kawasaki s’est appliqué à revisiter sa mécanique avec pour objectif d’en optimiser le remplissage dans la plage des 3 000-6 000 tr/min.
Alors oui, c’est assez exigu, là dans le cockpit...
Au final, sa puissance maxi a chuté de 72 à 68 chevaux alors que sa courbe de couple s’est renforcée sans trop calmer la rage du bouilleur dans les hauteurs du compte-tours. Globalement donc, on retrouve le tempérament caractéristique et ludique de ce petit bloc en ligne, ouf ! En revanche, il renvoie toujours cette sonorité moyennement flatteuse, si ce n’est à l’approche des 10 000 tr/min où son hurlement monte dans des notes assez sportives. Reste qu’avec un gain de 18 kilos sur la balance, la Z 650 se révèle évidemment plus vive que son aïeule, l’ER-6. Il suffit d’ailleurs de s’encastrer dans le poste de pilotage, d’enclencher le premier rapport et de lancer la machine pour s’apercevoir que la Z 650 a tout de tonique en elle. Alors oui, c’est relativement exigu, là dans le cockpit, la place à bord étant comptée pour mon mètre soixante-dix-sept. Mes fesses butent dans la selle passager qui, pour l’occasion, me sert de dosseret. Le guidon est étroit, le réservoir rondouillard, l’endroit demande donc quelques
secondes d’accoutumance et puis très rapidement, tout s’enchaîne comme dans un cocon. La commande d’embrayage (la seule avec réglage d’écartement du levier) est ultra-douce et précise. Le twin renvoie un fonctionnement très rond et étale sa douceur autant que sa force sitôt que les disques d’embrayage entraînent la transmission primaire. La Z décolle comme qui rigole et n’exige pas plus de 50 mètres pour mettre son pilote en confiance. Précision du train avant, équilibre des suspensions, franchise du freinage, la p’tite guerrière aux allures de Ninja apparaît comme tout à fait préparée à l’affrontement. L’assise est confortable. Prudence toutefois car sans mécanisme de progressivité chargé d’actionner la suspension, ça peut taper derrière, surtout pour le passager. L’ensemble, relativement souple, permet de booster un peu le grip des pauvres Dunlop D214 de première monte. Ce sont donc bien les suspensions, la géométrie et la répartition des masses qui rendent la Z 650 super homogène.
Cette midinette flirte avec l’explosivité
Quant à son freinage, il est clairement le meilleur du comparatif, avec un duo mordant/ puissance délicieux, autant que parfaitement dosable. Armée de son twin parallèle calé à 270° et plutôt bien équipée pour son prix, la Yamaha MT-07 semble formée quant à elle aux mêmes techniques de combat. Cela dit, sa selle est plus haute de 15 mm (790 pour la Z et la SV, contre 805 mm la MT) alors logiquement, on se retrouve plus haut perché. Son guidon est positionné plus en hauteur, tout en étant généreusement plus large. C’est net, on profite d’un plus grand espace à bord de la MT-07, l’ensemble laissant croire à une moto moins rikiki que ne l’est la Kawasaki. Le moteur Yamaha est franc, renvoyant une connexion poignée/roue arrière directe. La MT-07 se révèle très réactive sitôt qu’elle quitte son régime de ralenti et sa place de stationnement. Cette midinette aux yeux bridés flirte avec
une certaine explosivité capable de la rendre vraiment excitante ! Quelle santé là, en bas, non mais vraiment, quel peps ! Vive, enjouée et plutôt confortable, cette moto manifeste un lot colossal de promesses jusqu’à ce que sa superbe ne s’évanouisse à l’attaque. En effet, les Bridgestone BT 023 qui la chaussent n’offrent ni un profil, ni un grip extraordinaires alors que son combiné arrière entre assez vite dans de mauvaises fréquences d’amortissement, engendrant du dribble à la tendance désagréable. Fort heureusement, on y gagne en resserrant de quelques clics la vis du réglage hydraulique de détente (la MT-07 étant la seule des trois motos présentes à proposer cette fonction) mais sans non plus enrayer le phénomène. Devant, la fourche aux réglages revisités pour cette version 2018 se comporte bien, encaissant imperfections de la route et gros freinages sans grogner. On reste toutefois vigilants dans l’arsouille après avoir senti poindre quelques réactions sèches dans la direction et sur petites routes au revêtement fripé. Pour en revenir au freinage, s’il sait faire preuve d’une attaque franche à la prise de levier et d’un niveau de puissance convaincant, celui-ci n’est pas un as de la communication. Il est ici question d’hystérésis contenue et qui se manifeste par un rendu de freinage en léger décalage avec la pression que l’on met au levier. Pas de problème : globalement, ça freine efficacement mais question feeling, ça n’est pas franchement extra. Ceci d’autant plus que le levier, même réglé au minimum de son écartement, reste très éloigné du guidon. Ce que les petites mains détesteront, c’est sûr. Tout en longueur et offrant une paire de bracelets à son pilote, la Suzuki SV 650 X dégage pour sa part une bonne dose de sportivité. Contrairement à la Z 650, il y a de la place ici pour s’y loger à l’aise. À tel point d’ailleurs qu’il fait bon être grand et surtout « pas court en bras » – rapport au fait que les demi-guidons se trouvent assez bas et loin devant. Des demi-guidons qui imposent en effet une position bien basculée sur l’avant et avec l’appui sur les poignets auxquels nous pouvions nous attendre. Une posture pouvant
se révéler aussi détestable en agglomération que délectable sur départementales sinueuses ! Lorsqu’elle est « dé-préchargée » devant, la SV 650 X manifeste de la stabilité. Oui, c’est sympa de la part de Suzuki de proposer sa X avec des bouchons de fourche équipés de vis de précharge des ressorts mais attention de ne pas faire n’importe quoi avec. Il faut vraiment garder de la course morte, là, devant, et éviter de trop lui relever ce nez qui ne demanderait alors qu’à renvoyer exagérément du mouvement sur l’arrière. Au niveau des suspensions toujours, on note un flagrant manque de retenue hydraulique dans l’ensemble mais grâce à son long empattement de 1 445 mm (1 410 et 1 400 mm pour la Z 650 et la MT-07) et surtout, sa grosse valeur de chasse au sol (104 contre 100 mm pour la Z 650, 90 mm pour la MT-07) doublée de l’angle de colonne le plus ouvert (25° contre 24° et 24,5°, toujours dans le même ordre), l’X de chez Suzuki sait rester en ligne et tenir son avant au sol. Là-dessus s’ajoute l’atout pneus, à savoir les Dunlop Roadsmart III. Désignée comme la meilleure du comparatif, cette monte pneumatique profite bien à la SV 650 X. Certes, l’avant n’est pas spécialement vif mais au moins, le niveau de grip de ces enveloppes est bon. À condition toutefois de les monter en température puisqu’à froid, elles rendent la moto floue et fuyante. En ayant les bras fléchis, le tronc basculé en avant et le casque au-dessus du réservoir côté colonne direction, l’emplacement se veut idéal pour offrir à nos oreilles le gros son d’admission produit par le V-twin maison.
Ce bon V-twin fait preuve de disponibilité à tous les régimes
Oui, la boîte à air respire juste là-dessous et l’acoustique ne passe pas inaperçu quand on ouvre en grand les gaz ! Une particularité auditive d’ailleurs complètement occultée
par les deux autres, dommage pour elles. Ce bon V-twin fait preuve d’une disponibilité appréciable à tous les régimes mais c’est au cap des 7 000 tr/min qu’il se révèle vraiment, entamant alors un vif galop jusque dans le fond du compte-tours. Les 76 chevaux s’expriment joyeusement tout en produisant quelques vibrations à l’approche de la zone à cinq chiffres. Du coup, on ne peut s’empêcher de penser qu’en raccourcissant le braquet final, le « vieux » V-twin Suzuki n’en serait que meilleur encore. Pour ce qui est des fâcheries, signalons le cruel manque de mordant et de puissance du freinage avant.