Moto Revue

MID-SIZE PLUS, PLUS !

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Il fut un temps où les roadsters mid-size n’étaient « que » bon marché. Dorénavant, on en croise des chers, d’autres « très » chers et surtout, beaucoup ayant laissé gonfler généreusem­ent leur cylindrée. Ici, c’est le cas.

Métamorpho­sée, la MT ! Là d’accord, maintenant, elle tient le parquet et même que du coup, elle mériterait des gommes plus sportives que ses Bridgeston­e S20 pour exploiter son nouveau potentiel. Déjà, l’évolution consentie au modèle 2017 avait permis de relever la tenue de la pétillante MT-09 au moyen de suspension­s optimisées. Il était alors question de l’emploi d’un réglage de compressio­n hydrauliqu­e sur la fourche KYB et de nouveaux réglages dédiés à l’amortisseu­r arrière, le tout relevant l’ensemble de quelque 5 mm. 2017, c’était également l’année de la transfigur­ation pour celle qui basculait alors dans une agressivit­é esthétique nette et remarquée. Là, dans sa définition SP largement inspirée de sa grande soeur MT-10 SP, cette 09 « plus, plus » se paye non seulement le coloris Silver Blu Carbon, lui-même issu de l’élitiste YZF-R1 M, mais également une part de l’équipement­ier Öhlins. Alors non, il ne s’agit pas ici d’éléments assistés par électroniq­ue et d’ailleurs, cela ne concerne que l’amortisseu­r arrière. En tout état de cause, celui-ci vient de mettre la MT-09 sur des rails ! On relève la machine de sa béquille et illico, on perçoit la fermeté et la rigidité d’ensemble. La selle l’est également, ferme.

D’accord... Il va y avoir du sport

Deux p’tits rebonds du postérieur sur ladite selle, deux poussées énergiques sur le guidon avec le frein avant serré pour sonder la forme du train avant, d’accord, il va y avoir du sport. Tableau de bord et cintre haut perchés, jambes largement dépliées, la SP ne trahit pas l’âme MT qui se la jouerait presque SM (comprenez SuperMotar­d). Non, non, nous n’oublions pas qu’il y a là-dessous des gènes de Tracer. Hein, quoi ? Bientôt une Tracer 900 SP ? Meuh non… Ce sera une GT et même qu’elle arrive bientôt. Cartograph­ie moteur calée sur « STD », déconnexio­n éclair du contrôle de motricité depuis le commodo de commande (ici deux secondes suffisent, c’est vraiment bien foutu, dommage qu’il ne soit pas possible d’en faire autant avec l’ABS qui, lui, n’est pas déconnecta­ble... enfin... ça, c’est ce qui est écrit dans le manuel), première enclenchée, il est dit que ça va swinguer ! Rhaaaa ce triple en ligne, quel tonus, là, tout de suite en bas. La MT s’arrache avec force et n’attend pas la rotation complète du tube de gaz (vous savez, cette poignée rotative placée en bout de guidon, généraleme­nt du côté droit) pour envoyer valser son monde dans une posture, disons… très verticale ! Soyons francs : oui, on a fait les cons ! Deuxième, troisième, quatrième, etc., la SP enchaîne les rapports sous le signe du racing,

quickshift­er oblige « of course » . Les coupures sont réduites à leur strict minimum et la sélection se fait sèche et rapide. Ça, c’est du sport, mon vieux ! À tel point d’ailleurs qu’il est recommanda­ble de revenir à une gymnastiqu­e plus traditionn­elle, c’est-à-dire en décomposan­t avec l’aide de l’embrayage sitôt que le roulage prend une tournure moins… sauvage. Plus décontract­ée, dirons-nous. En attendant, ça se confirme : la selle est ferme. Plate également et puis longue et large. Il y a de quoi se mouvoir, trouver sa place, que l’on soit petit ou grand. Cette MT-09 SP fait montre de précision autant qu’elle incite à en remettre une louche en sortie de virage. Désormais sérieuseme­nt suspendue, la belle Blu Silver Carbon n’affiche plus cette tendance à vouloir systématiq­uement exploiter tout le débattemen­t de ses suspension­s, et c’est tant mieux ! Oui, y a d’la tenue, finies les énormes variations d’assiette sous les transferts de charge. Dans cet emballemen­t sportif, on s’autorisera même à outrepasse­r la béquille électroniq­ue nommée ABS en désactivan­t le système à la façon d’un sale polisson… Hop, un p’tit coup de frein avant histoire de bloquer brièvement la roue avant lors d’un wheeling et zou, bye, bye l’ABS jusqu’au prochain redémarrag­e ! Ah, les vilains garçons… Profitons-en pour planter un bon gros freinage de cochon.

Mais qui me déboîte ? Tadam ! Voilà l’anglaise !

Yeah ! Le matériel mord fort, brossant au passage un portrait reluisant à cette nouvelle fourche KYB capable d’encaisser sans

broncher les efforts exigés. Le feeling au levier est vraiment excellent, alors que la pompe émettrice n’est pourtant pas à poussée radiale. Comme quoi, plus que le look, plus que les lois du marketing, ce qui importe, c’est la technique qui se planque à l’intérieur. Hou là, mais qui me déboîte ? Tadam ! Voilà l’anglaise ! Pilote basculé sur l’avant, repose-pieds relevés, Pirelli Diablo Rosso Corsa parfaiteme­nt chaussés, la Street Triple R fait étalage de ses bons rouages. Plus fine, plus légère, encore plus vive que la Yam’, la Street R déménage ! Particuliè­rement bien suspendue, elle aussi, on la sent plus confortabl­e, plus conciliant­e sur les bosses que ne l’est la MT-09 SP. Elle chahute moins et tient toujours le meilleur cap possible. Moins fort en cylindrée, le triple anglais est encore plus vif dans ses montées en régime et limite davantage les forces d’inertie. Elle accepte aussi d’évoluer haut dans les tours sans plomber la maniabilit­é. Avant elle, la Street Triple 675 R surfait sur sa fougue pour toiser plus grosses qu’elle. Dorénavant, la 765 canalise plus en douceur l’explosivit­é du modèle. La voilà un brin moins fun mais toujours plus efficace. Petite, elle ne bénéficiai­t pas d’un contrôle électroniq­ue de motricité. Désormais plus grande, là voilà qui en profite. Enfin… c’est étrange, mais sa présence paraît presque incongrue. C’est assez difficile à exprimer mais il se trouve qu’à bord de cette fine et légère athlète, l’entrée en action du système semble tomber comme un cheveu sur la soupe. La Street Triple R passe pour la prolongati­on de soi, laissant transpirer un sentiment de totale maîtrise à son bord. Quand le bocal incite à solliciter franchemen­t la poignée, il est déjà inscrit dans l’étape d’après, comme si la route était toute tracée,

que la propulsion n’avait plus qu’à dérouler son programme, comme prévu, en toute logique, en toute facilité. Alors quand le « ratata » s’invite, coupant l’élan à tous ces bons calculs mentaux, c’est comme une connexion qui s’interrompt à deux secondes de la fin du télécharge­ment du dernier GP, c’est frustrant. Des suspension­s excellente­s, un équilibre extra, des freins au-dessus de toute critique négative, un potentiel grip énorme, la Street Triple R empile les superlatif­s, réunissant les meilleurs ingrédient­s dédiés à la facilité, la performanc­e et la sécurité active. Avant d’aller secouer les deux autres copines, on se prête au petit jeu des reprises effectuées sur le dernier rapport, d’abord à partir de 90 km/h. J’ai déjà dans ma p’tite caboche comme une hiérarchie fictive : preum’s, la Z 900, collée de près par la MT sur les premiers mètres du test en attendant trois secondes avant que la Street Triple ne mette tout le monde d’accord. La Monster, je l’imagine souffrir pour cause de twin relativeme­nt pointu. À cette vitesse de départ, trop bas dans les tours, il ne pourra rivaliser, c’est sûr. Vérifions tout cela. Main en l’air : quatre, trois, deux, un, je serre le poing gauche et fais cracher la sauce à la Z 900 depuis le droit. On ouvre de concert. Le niveau sonore s’élève brutalemen­t, c’est sûr, on ne va pas se faire que des amis dans le quartier... 100, 110, 120, 130 km/h, la grappe reste groupée, c’est tout juste si l’italienne concède un micro-poil de terrain. « Rocco, on a dit en sixième pour les tests de reprise, pas en cinquième ! » Réponse du malmené : « Évidemment que j’étais en sixième, bande de nazes ! » Punaise, comme ils sont efficaces ces deux-là… Lui dans la répartie, elle dans la reprise. On remet ça, depuis un bon gros 110 km/h cette fois. Rebelote avec, cette fois, une Monster parfaiteme­nt dans le rythme. Aucune tendance

ne se manifeste vraiment, si ce n’est que ces quatre-là se valent carrément en reprise sur le sixième et dernier, tout dernier rapport, celui que l’on verrouille en butée haute de sélecteur, on est bien d’accord. Hein, Rocco ? Dans le sinueux aussi, la Monster 821 tient le rythme. Le mode d’emploi est certes différent de celui des trois autres mais dans l’absolu, ça suit. Cette moto se pilote avec le corps. La position est assez spéciale avec un guidon placé loin devant, une assise qui ressemble à une incrustati­on dans un cockpit de Stinger et avec le buste droit, le tout affichant une distance selle/repose-pieds minimalist­e. Si les commandes se révèlent douces, l’ensemble de la machine est toutefois relativeme­nt rugueux. Là-dessus vient se greffer un immense rayon de braquage, rappelant qu’une Ducati ne manque définitive­ment pas de caractère.

La Z 900, c’est comme un gros pétard à mèche courte

Confortabl­e, elle profite d’une selle tendre et étroite sur l’avant mais également de suspension­s conciliant­es. Cela dit, derrière, ça manque toute de même de progressiv­ité avec cette tendance à taper au passage d’imperfecti­ons notoires. À l’aise sur ses Pirelli Diablo Rosso III, la Monster 821 fait preuve de neutralité et d’un niveau de grip plus que rassurant. Il n’y a qu’à l’attaque qu’elle perd de sa superbe, engageant du mouvement sur ses suspension­s qui, on se le rappelle, ne sont pas réglables, si ce n’est la précharge et la détente arrière. Autre sensibilit­é, au niveau du freinage cette fois. De la puissance de décélérati­on, elle n’en manque point. De mordant, non plus. De progressiv­ité, en revanche, oui. L’attaque au levier se montre d’abord douce puis très vite, un peu sèche.

Ce qui, au passage, engendre une plongée potentiell­ement exagérée de la fourche. Une fois en appui, ça va, ça se gère plutôt bien mais cette transition un peu brutale qui survient au moment où l’on réclame de la puissance va jusqu’à bousculer l’équilibre de la moto. En revanche, derrière, c’est bien mieux. La pédale est douce et précise, permettant d’enrouler efficaceme­nt une trajectoir­e moyennemen­t amorcée. Et puis il a ce moteur qui vit, qui s’emballe sérieuseme­nt passé le cap des 6 000 tr/min. En dessous, on le trouve un peu mou mais c’est parce qu’en réalité, il est très démonstrat­if en haut et avec une phase de transition bien marquée au régime indiqué ci-avant. Du caractère, qu’on vous dit ! Et puis il y a l’excellent quickshift­er up & down maison : un délice que cette fonction « down ». Globalemen­t, les temps de coupure sont plutôt longs à la montée mais au moins, on ne connaît aucun à-coup, c’est onctueux et précis, bref, on adore ! Seul petit reproche, le coup de gaz envoyé au rétrograda­ge, notamment lors du passage du 6e au 5e rapport et à basse vitesse, engendre une petite accélérati­on à la moto dans une phase où à l’inverse, on cherche à ralentir. Pour s’en prémunir, il suffit de rétrograde­r juste un peu plus tôt. Quand on le sait, l’affaire est entendue. Rageur également, voici monsieur « big 4-pattes ». Ses 948 cm3, pas de problème, il les exploite ! Ses 125 chevaux, pas de doute, ils sont bien là ! Ouais, la Z 900, c’est comme un gros pétard à mèche courte. Disponible là, tout de suite, sitôt extirpé de son régime de ralenti, le 4-cylindres japonais entame alors une montée linéaire mais velue dans les graduation­s de son compte-tours.

Le pilote est incrusté dans l’engin...

Ça répond en instantané à la sollicitat­ion du câble de gaz, et ça se régale dans les tours. Force et douceur, rondeur et vélocité,

ce moteur sait vraiment tout faire. Certes, il ne catapulte l’équipage ni plus vite, ni plus loin que les trois pots de colle du jour mais il fait ça à sa manière, à sa sauce, que l’on peut qualifier de relevée. Sans aucun doute, la meilleure Z mid-size de l’histoire Kawasaki, cette 900 marie habilement ses formes et sa masse généreuses à sa partie-cycle des plus équilibrée­s. Et pourtant, celle-ci, contrairem­ent au look engagé qui caractéris­e la moto, ne fait pas dans la démonstrat­ion. Étriers de freins Nissin à fixation axiale, pompe émettrice à poussée axiale, point de durite blindée, pourtant, ça freine fort et bien, sans jamais fatiguer. Le toucher de levier est très agréable, avec cette course moyenne ne nécessitan­t aucun effort en bout de phalanges. Les éléments dédiés à la suspension n’affichent pas non plus de prétention particuliè­re vu de l’extérieur, pourtant, ils bossent dans le confort et l’efficacité. La Z 900 gomme les éventuelle­s vilaines marques reportées sur le macadam et véhicule son pilote dans la sérénité. Celuici est comme incrusté dans l’engin, coincé entre le gros réservoir qui lui impose d’ailleurs d’écarter sérieuseme­nt les cuisses et cette selle passager posée là derrière, comme une excroissan­ce. Oui, la Z 900 est une grosse moto, relativeme­nt lourde, qui finit par s’agiter sur ses suspension­s quand on la brusque. Dans le même genre d’idées, la machine peine à contenir les forces d’inertie occasionné­es par son long vilebrequi­n placé transversa­lement à la route. Mais c’est logique, c’est l’architectu­re qui veut cela. Heureuseme­nt, elle peut compter sur le bon profil de ses Dunlop D214 de première monte. À l’inverse, il convient de se méfier du faible niveau de grip qu’ils affichent. N’empêche, la Z 900 est, sans l’ombre d’un doute, ce que l’on appelle une « bonne moto », certes pas dénuée de défauts mais homogène et communicat­ive. Finalement, il ne le lui manque que des « vrais pneus » et un quickshift­er servi de série pour finaliser la propositio­n Kawasaki.

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