Essai dynamique GRANDS ÉCARTS
Ici une tonalité sportive, là-bas un pack classique, plus loin une grosse promesse mécanique. Vous êtes venus indécis ? Lisez ceci, on vous dit tout.
Ciel dégagé mais températures bien basses : dans le Sud, c’est vrai, ils ont le soleil mais à la mi-février, faut pas rêver, ça caille aussi ! Denis appuie sur le starter et voilà qu’il fait vibrer la terre avec ce terrible engin à moteur Boxer. Le flat de la nineT Pure grogne à la première étincelle, manifestant illico son caractéristique couple de renversement comme un retour salvateur à la vie. Ah ça, non, il ne manque pas de présence ce twin à plat, et même si ses ailettes se les gèlent pendant encore quelques secondes, on le sent déjà bien chaud à l’idée de nous balancer ses meilleures vibrations. Sous l’enclenchement de son démarreur, le 4 en ligne Honda ne se fait pas non plus prier longtemps pour enflammer le mélange de gaz bien frais du matin dans ses chambres de combustion. Wraaabrouuuuu. Hey ? Mais elle sort d’où, cette bande-son ? Ben de là, de cette ligne 4 en 2 toute de chrome revêtue et qui nous joue un récital revival on ne peut plus typique. Look, sonorité ; les sources d’inspiration vintage de cette CB 1100 RS s’abattent sur elle tel un torrent historique. Derrière les belles ailettes polies, les chambres d’eau de la culasse Kawasaki amorcent tout juste leur montée en température. Adrien vient d’allumer la mèche de l’unique 4-cylindres liquide du comparo. Par ces deux petits degrés extérieurs, le régime moteur se cale très haut, vers 2 000 tr/min. Ça feule et ça souffle de la vapeur de condensation en sortie de silencieux sans que rien ne bouge, rien ne vibre. Au fil des secondes, le régime s’abaisse petit à petit à mesure que les gouttelettes d’essence injectées se décollent des conduits pour enfin se vaporiser efficacement. 1 500 tr/min, 1 200 tr/min, là, voilà, ça se calme, le comptetours s’apaise, l’aiguille vient maintenant se poser sur le régime de ralenti défini vers un bon gros 1 000 tr/min. Oh ? Ils sont prêts, les cocos, ils ont ajusté leur tour de cou et rentré le maillot dans le pantalon ? Denis, si j’étais toi, à partir de maintenant, je fermerais mon clapet pour ne pas prendre le risque de me geler la glotte. Enfin, je ne suis pas toi...
Facile, tranquille, « easy » cette Kawasaki
Elle est la seule à proposer une commande d’embrayage par câble, pourtant, la Z 900 RS se révèle particulièrement tendre sur ce poste.
Côté gaz, ça se gère tout aussi finement, la Z décolle alors à pas de velours. Avec un guidon large, un réservoir giron, une selle haute et confortable, la 900 RS accueille son pilote dans la générosité. Ici, tout est facile, instinctif et réactif. On pilote la machine à l’oeil sans avoir à se soucier d’un quelconque engagement physique. Facile, tranquille, « easy », cette Kawasaki. L’indicateur de rapport engagé prouve que le bloc est capable d’enrouler en sixième sans sourciller et, apposée juste au-dessus, l’indication KTRC 1 rappelle que l’on évolue sous contrôle électronique de la motricité. Pneus chauds, titillons un poil les volets d’admission pour voir et juger de quel bois ce 4-pattes dégonflé se chauffe. Gaz, p’tit coup de cirette et zou, la Z 900 RS livre ses dessous à l’objectif de Bruno ! Holà... Bon, d’accord, même décomprimé (passant de 11,8 à 1 pour la Z 900 à 10,8 à 1 ici), servi par des levées de soupapes réduites, alourdi au niveau de ses masses de vilebrequin et jugulé par un collecteur rétréci, le bloc de 948 cm3 ne manque pas pour autant de tonus, ça non.
C’est une Honda tout de même !
Pleine de confort et de facilité, la Z 900 RS évolue dans la feutrine, attendant d’être brusquée pour se révéler enfin. Partie-cycle rigide, freinage mordant, moteur vif : y a pas, la sportivité transpire par tous les pores à bord. Attention : étirement, échauffement, expiration profonde, c’est parti pour le premier grand écart de la journée, empoignons maintenant le cintre très étroit de la Honda. Quelle surprise que ce guidon rikiki ! D’ailleurs, vu le poids de la bête (252 kilos tous pleins faits), il y aurait de quoi s’inquiéter des facultés relatives à la maniabilité... C’est qu’à l’arrêt, même le grand Nono ne faisait pas le malin quand il fallait engager la CB 1100 RS dans un demitour sous les ordres de Bruno, notre maître ès photographies. De sa sonorité râpeuse en sortie de silencieux, la CB 1100 RS n’en apparaît pas pour autant rugueuse dans son fonctionnement, c’est une Honda tout de même ! En revanche, elle laisse remonter quelques belles notes grisonnantes dans la pièce qu’elle est en train de nous jouer. Avec ce chant typique en bout de flûtes, cette sélection de boîte avec du gros débattement, un crabotage franc et sonore, un moteur rond et tout plein d’inertie, de faibles régimes d’usage, une petite lenteur à l’inscription et une très légère tendance à engager à faible vitesse, la moelle de ce 4-pattes Honda se laisse délicatement apprécier. Ce petit guidon, on s’y fait vite, surtout que la machine réagit finalement bien aux volontés de son pilote. Vu sa monte pneumatique spécifique, bien plus large que celle adoptée par la plus classique CB 1100 EX (120/70 x 17 – 180/55 x 17 pour la RS contre 110/80 x 18 – 140/70 x 18 pour l’EX avec roues à rayons), c’est vrai, on l’envisageait plus pataude et exigeante cette RS, or il n’en est rien. Question confort, la machine ne trahit pas la réputation du constructeur, accueillant magistralement le séant sur sa surface tendre
et suédée – le sort réservé au passager n’en étant pas moins bien disposé.
Le flat-twin scelle la personnalité de la BMW
Quant à la BMW R 1200 nineT Pure, elle se singularise par un jeter de semelles encore un bon cran plus loin, une extension maximale des adducteurs, un projeter de fessier jusqu’en avant vers un nouveau grand, très grand écart ! Ajoutons à cela un large guidon, une selle étroite et ferme, des commandes aux pieds relativement avancées, un afficheur
ultra-minimaliste, des mouvements pendulaires orchestrés par cette mécanique Boxer, ainsi qu’une sonorité généreuse et typique du flat. Cette BMW n’affiche donc définitivement rien de semblable aux japonaises ici présentes. Rien ? Si, l’esprit néo-rétro l’habille bel et bien, et peut-être même l’habite-t-il davantage. Moins bien équipée que sa soeur la nineT dite « standard », la Pure n’en oublie pas pour autant l’essentiel avec ce look dépouillé et cette mécanique vivante. Capable à lui seul d’engendrer des réactions épidermiques comme d’attachement fort et durable, le couple de renversement propre au flat-twin BMW scelle définitivement la personnalité de la machine. Sous les coups de gaz envoyés en statique, la meule dodeline de gauche à droite, laissant ressentir le coffre mécanique qui s’agite là-dessous. Avec 110 chevaux, presque 12 mkg de couple, 220 kilos tous pleins faits, les valeurs numériques se tiennent très clairement loin du ridicule. L’embrayage monodisque à sec n’est pas l’allié idéal pour réaliser un départ canon, pourtant, il sait faire preuve de progressivité. La Pure s’arrache avec force puis incite à monter les rapports sans non plus aller trop traîner bien haut dans les tours. Reprenant
toujours généreusement dès les plus basses révolutions, ce moteur manifeste également pas mal de frein moteur. Quelle que soit la façon de piloter, que la route trace une rectiligne ou qu’elle tournicote sans cesse, que les courbes soient serrées ou rapides, on vit ce moteur, on évolue au rythme des inerties qu’il engendre, on reste toujours à l’écoute de son souffle et on reste connecté à ses secousses. OK, par rapport à la nineT, la Pure n’a pas gagné au change avec cette fourche télescopique jamais très loin de talonner mais pour 3 000 balles de moins, y a pas arnaque sur les sensations, ni sur l’esprit.