Essai dynamique TERRASSES, ROUTES ET CHEMINS
Dans la famille Scrambler, Ducati et BMW proposent deux machines dotées de moteur de grosses cylindrées, qui distillent couple et volupté. Des qualités soulignées par des sonorités parfaites pour parader aux terrasses de café, aussi bien que pour s’affran
Le style scrambler monte donc en gamme et en cylindrée pour conquérir les amateurs de mécaniques relativement simples et éprouvées. Ainsi, après BMW en 2016, qui a décliné sa R nineT en Scrambler, voici donc Ducati qui s’y met. L’usine italienne upgrade son Scrambler, en lui attribuant un twin refroidi à air estampillé 1100 mais cubant réellement 1 078 cm3. Un twin bien connu puisqu’il est hérité de la Monster Evo, disparue du catalogue pour cause de réglementations environnementales notamment. Mais promis, juré, craché, tout est neuf ou presque dans ce bicylindre. Entièrement retravaillé, le voilà avec une puissance supérieure de 13 chevaux seulement par rapport à la Monster 900 de 1993 ! Il est même devenu bridable en A2. Côté allemand, le flat de 1 170 cm3, hérité de l’ancienne R 1200 R, distille une puissance de 110 chevaux. Mais pour ces modèles, la puissance n’est pas la première des préoccupations. En premier lieu, les motoristes des deux marques misent sur la sonorité. Et quand vous démarrez ces deux machines, leur timbre rauque et ronflant se distille jusqu’à vos tympans pour votre plus grand plaisir.
Elles ne font pas que causer... elles flinguent
Il est même toujours étonnant de constater comment les constructeurs européens réussissent à produire des machines aussi expressives, alors que les Japonais étouffent de plus en plus le moindre son produit par les échappements de leurs machines. Mais ces belles ne font pas que causer. Les ingénieurs ont également travaillé sur le couple et la sensation. Un aspect sur lequel nous reviendrons, après avoir détaillé encore un peu leur physique. Malgré une orientation relativement basique, ces deux machines restent cependant bien finies et bien équipées. Logique, nous direz-vous, vu les tarifs affichés. D’un côté, on trouve une BMW pourvue d’éléments classiques, comme sa fourche télescopique avec soufflets et ses étriers de freins à 4 pistons à fixations axiales et des solutions éprouvées comme le Paralever à l’arrière et le cardan. Chez nos voisins italiens, les gènes sportifs ne sont pas reniés, avec une fourche inversée et des étriers Brembo à fixation radiale, sans oublier le traditionnel cadre treillis tubulaire, prolongé par une courte partie en aluminium. Le style scrambler est souligné par de simples phares ronds – que l’on peut habiller d’une grille pour parfaire la copie – et des selles à bourrelets. Sur cet équipement, les ingénieurs ont retenu une ergonomie bien différente. Plus creusée sur la Ducati, l’allemande offre une simple
planche droite posée sur l’arrière. Cela fait une différence de taille au moment de les chevaucher : on « s’encastre » dans l’une, alors qu’on se « pose » sur l’autre. Jambes plus repliées sur la nineT Scrambler, on attrape sans mal le guidon en étant légèrement basculé sur l’avant, tandis que sur l’italienne, on récupère le large guidon « corne de vache », et on a, de ce fait, tendance à arrondir le dos. Sur les deux, les pieds trouvent plus ou moins facilement le sol ; mon mètre quatre-vingt-trois me permet de poser les pieds complètement par terre, mais Bruno, photographe avisé de cet essai qui culmine de son côté à un mètre soixantedix, effleure le sol de la pointe des pieds. Dans les versions que nous avons essayées, l’une et l’autre mélangent les genres. La BMW a troqué ses jantes à bâtons pour des roues à rayons croisés, mais BMW n’a pas jugé bon de chausser les jantes de pneus typés off-road. À l’inverse, la Ducati, dans cette version standard, est dotée de pneus mixtes (Pirelli MT 60) installés sur des jantes... à bâtons. Pour être parfaitement raccord, il nous aurait fallu récupérer la version Special, vendue 14 290 €. Premiers hectomètres avalés, premiers verdicts : malgré des cylindrées élevées, elles se montrent toutes deux faciles à manoeuvrer.
Tambour battant et échappements ronflants
Les rayons de braquage contenus, bien aidés par les larges guidons, permettent d’évoluer sans trop de mal dans la circulation. En ville, l’italienne s’en sort mieux. Son poids inférieur, sa position moins exigeante, sa jante de
17 pouces à l’avant (19 sur la BMW) et son twin en L paramétrable au guidon offrent un package plus abordable. Brute de décoffrage, la nineT nécessite plus d’engagement. Quelques pétarades sur les boulevards nous poussent rapidement à prendre la tangente, histoire de faire chauffer la gomme et surtout, évacuer le surplus de chaleur des deux moteurs. Elles avalent les grands axes sans trop de mal. Tant que la vitesse reste légale, l’absence de protection est supportable mais elle entraîne forcément une tension dans les lombaires, qui va crescendo si jamais vous êtes tenté de les pousser plus loin. Première sortie, il est temps de les tester dans un autre exercice. Les montées en régime sont franches, volontaires, et les 11,8 mkg de la BMW imposent leur loi à une Ducati au twin certes moins bien rempli, mais dont le couple de 8,97 mkg est disponible dès 4 750 tr/min, quand la nineT doit attendre presque le double. À son bord, l’absence de comptetours – et de rapport engagé – nécessite d’ailleurs une conduite à l’ancienne et à l’oreille, pour être toujours sur le meilleur rapport. Néanmoins, la force du flat est assez surprenante, et il accepte de descendre plutôt bas. Et si jamais vous souhaitez relancer, il convient de jouer de la boîte, plus lente du fait du cardan allemand. Poignée dans le coin, on avale le réseau secondaire tambour battant et échappements ronflants. Nous voilà transposés quelques décennies en arrière. Malgré ses suspensions sportives, la Ducati offre une souplesse bienvenue à la longue pour le confort. Mais elles opèrent l’une et l’autre quelques transferts de masse lors des freinages appuyés du système Brembo couplé à l’ABS de position.
Une chose est sûre : ça freine fort et bien. Mieux que certains roadsters offrant le double de puissance d’ailleurs. Chez BMW, si le freinage ne souffre d’aucune critique, la mollesse de la fourche, couplée à un système Paralever plus exigeant, entraîne un désaccord. Si l’on ajoute à cela à une selle plate et peu rembourrée, la nineT ne procure pas un confort dans les standards de la marque.
Direction l’inconnu, le nez au vent...
Quelques pétarades plus tard et plusieurs virages avalés avec un angle généreux, une pensée s’insinue doucement : pourquoi rester cantonné à ce bandeau de bitume, quand nos deux machines sont censées pouvoir s’affranchir de ces limites ? Après quelques instants de réflexion – à propos du positionnement de la tubulure d’échappement assez basse, de la garde au sol peu élevée et des pneumatiques pas vraiment idoines –, nous décidons de couper à droite. Direction l’inconnu, dans un chemin aussi aménagé que défoncé. Pas bien vite, certes. Mais le nez au vent, les yeux plissés pour se garder de la poussière, tantôt debout, tantôt assis, nous nous sentons libres. Libres de choisir notre route, en respectant la nature environnante bien sûr, libres de revenir à notre point de départ, histoire de siroter un rafraîchissement, tout en admirant nos deux montures, aussi belles que poussiéreuses.