Moto Revue

Essai dynamique AMERS BREUVAGES

L’un la joue café crème. L’autre café noir. Les deux ont du goût. De là à dire que c’est un goût de reviens-y...

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La blanche. La noire. La symbolique est au moins aussi vieille que L’Ancien Testament. Tellement reprise que même notre Alexis « Jordy » Delisse (rédacteur sur motorevue.com, et pour l’occasion rouleur sur cet essai) est à même de la saisir : Blanc = doux. Noir = brutal. Jordy étant un garçon doux qui aime toutefois s’offrir régulièrem­ent une petite dose de brutalité, histoire de raviver les couleurs d’un quotidien trop gris, c’est sans hésiter qu’il saute, dès l’entame de cet essai, sur la noire : la Yamaha. Son empresseme­nt est toutefois mal récompensé. Après avoir aisément enfourché la XSR Abarth de sa longue guibole (le lascar dépasse les 1 mètre 80), le voilà qui geint (déjà...) au moment d’attraper les deux poignées. « Mais qu’est-ce que c’est que ce guidon ? J’ai l’impression de tenir l’axe de roue avant entre les mains ! » Tes impression­s mon gars, il va falloir vivre avec, et en silence s’il te plaît. T’avais qu’à lorgner la Yam’ avant de sauter dessus. Moi sur la Béhème, pour l’instant, je suis bien. La moto est toute petite ; à l’arrêt, j’ai les pieds bien à plat et je n’ai pas besoin de me contorsion­ner pour attraper les bracelets. Comme Jordy continue de faire sa pleureuse, je décide de démarrer le flat, histoire de couvrir sa complainte post-pubère.

Balade urbaine ou montée du Golgotha ?!

Le Boxer a beau sacrifier désormais à la norme Euro 4, il chante d’une belle voix grave et me gratifie de généreuses oscillatio­ns latérales à la moindre rotation de la poignée droite. Vivant. Rageur : parfait pour un café racer. Dans un de ces réflexes grégaires dont il est coutumier, Jordy a lui aussi réveillé sa brêle. Elle chante plus haut mais d’un timbre bien métallique malgré les db killer de sa belle ligne Akrapovic. Elle aussi est dans le ton. Sur les premières manoeuvres, mon comparse se fige : lui qui pratique pourtant le fitness à un rythme frénétique, peine à faire braquer la Yam’. Comme sur la plupart des café racers, la japonaise arrive très vite en butée de direction et il faut s’y reprendre à plusieurs fois pour lui permettre de faire demi-tour. Mais sur l’allemande, c’est pire. Elle, pourtant si compacte, fait montre d’une agilité de semi-remorque : plus de 7 mètres de diamètre de braquage ! Après une minute de transpirat­ion, nous voilà dans le bon axe d’une petite rue de Paris. Je souffle : une fois en route, la Béhème est plutôt conciliant­e. Certes, il y a cette position sur l’avant, mais à faible allure, le flat est docile et la boîte précise et douce. Il n’y a que les rétroviseu­rs qui dédaignent les bonnes manières en reflétant mes coudes plutôt que les véhicules qui me suivent. Cela dit,

le spectacle est devant et c’est mon Jordy qui l’assure. Dos arqué, bras tendus, nuque en extension, tête qui dodeline à chaque feu rouge : pour lui, la balade urbaine ressemble à une montée du Golgotha. « Alors, elle te fait des misères, la Yam’ ? C’est la boîte qui te chagrine ? Le moteur ? » « Non, eux, ça va, me répond-il. C’est cette p... de position. J’ai les poignets et les cervicales à l’agonie. Faut qu’on s’arrête. » Non, on ne s’arrête pas. Contre les positions trop basculées sur l’avant, il y a un bon remède qui ne coûte rien (sauf des points de permis si on se l’administre au mauvais moment) : la vitesse. On quitte Paris par l’A5, à une allure où notre buste et nos bras sont enfin soulagés par le vent relatif. Tant qu’on y est, on en profite pour faire passer à nos deux montures quelques tests de reprises sur les 5e et 6e rapports. Même si les puissances moteur sont très proches, à ce petit jeu, le surcroît de cylindrée et de couple de la Béhème lui assure une indéniable suprématie. Un petit détail ternit toutefois son lustre : l’allemande laisse passer de désagréabl­es vibrations dans ses poignées quand son flat tutoie les 6 000 tr/min.

« Je sens un truc frotter : ma semelle »

De son côté, la Yam’ ne vibre pas, mais se met à louvoyer lorsqu’elle approche des 170 km/h. Elles ont beau avoir des looks sportifs, ces deux machines n’aiment pas les hautes vitesses. Qu’à cela ne tienne : on quitte l’autoroute de l’ennui pour les petites départemen­tales bourguigno­nnes. Des routes qu’on affectionn­e particuliè­rement à MR, et où l’on est déjà venus s’amuser avec les cousines de ces motos : les MT-09 et autres nineT « standard ». Avec nos deux racers, on se dit qu’on va s’offrir les mêmes tranches de rigolade. Il n’y a pas de raison après tout : ce sont les mêmes moteurs et presque les mêmes partie-cycles. Sur les premières centaines de mètres, rectiligne­s, j’y crois : les deux blocs sont marrants, surtout le trois-cylindres de la Yam’, teigneux à souhait sur toute sa plage de régime (et même trop

avec sa cartograph­ie moteur la plus agressive : avec l’intermédia­ire, c’est l’idéal). Mais dès que ça commence à tourner, je déchante. Je suis au guidon de la Béhème, je n’ai pas énormément d’angle et pourtant, je sens un truc frotter : ma semelle. En quelques lacets à une allure gentiment soutenue, je suis parvenu au bout de la garde au sol. J’ai du mal à le croire vu que j’avais les jambes très pliées sur la machine. Mais en remontant dessus et en y réfléchiss­ant un peu, je comprends : la boucle arrière est basse, ce qui a imposé à BMW de descendre les repose-pieds très bas. Jordy a une autre interpréta­tion et suggère que mon poids (12 kilos de plus que lui : que du muscle...) a mis l’allemande en butée d’amortisseu­r. Très bien. On échange nos motos. Le verdict est le même : la Béhème continue de galérer dans le sinueux, garde au sol limitée et train avant peu précis (l’assiette de la moto semble, il faut dire, très sur l’arrière). Quant à la Yam’, elle est un peu mieux, mais ce n’est pas Byzance : elle n’a pas de souci de garde au sol mais elle s’avère elle aussi peu précise et, de surcroît, difficile à balancer. Plus difficile que la BMW mais aussi plus que sa cousine MT-09. Beaucoup de poids sur le haut de la moto : c’est ce que je ressens lorsque j’enchaîne les courbes au guidon de la Yamaha. Beaucoup de poids en haut et peu de bonne volonté lorsque j’essaie de la forcer au guidon ou aux repose-pieds. Bref, la moto n’est pas vive. Pas très gratifiant­e non plus. Sur la BMW, Jordy n’est pas plus enthousias­te. Les deux motos sont jolies, mais elles nous semblent être les moins amusantes de leurs familles respective­s. Comme si, sur chacune d’elle, tout ou presque avait été sacrifié au style. Au moment de rentrer de balade, on se dispute tout de même le guidon de la XSR Abarth, qui a l’avantage sur la nineT Racer d’offrir plus de confort aux jambes, et plus de sensations moteur. Sur le retour, un motard vient tailler le bout de gras à une station-service, subjugué par le look de la Yamaha, qu’il croit sortir d’un pointilleu­x atelier de préparatio­n. Signe des temps, il nous demande qui lui a fait ce look et combien elle coûte. Pas ce qu’elle vaut sur route...

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• Compacité • Finition homogèneet de bon niveau • Rayon de braquage • Vibrations moteurà haut régime • Train avant peu précis • Repose-pieds trop bas

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