Essai dynamique TOUT DOUCEMENT
C’est vrai, nous avons pour (vilaine ?) habitude de « tartiner » généreusement sitôt rendus quelque part sur le réseau secondaire. Cette fois, nous avons décidé de prendre notre temps, quelque part en plein Morvan.
Si nous sommes arrivés l’esprit détendu de chez détendu en terres morvandelles, il nous fallut toutefois tout le temps du déjeuner pour que nos bonnes vieilles carcasses retrouvent un brin de souplesse... Deux heures de voies rapides à dos de ces petits monstres, attention l’épreuve ! D’accord, il y a pire à moto mais enfin là, c’est déjà quelque chose. Pas de protection, des suspensions rudimentaires, une position contre-nature : tout est réuni pour vous détourner de ces infâmes bouts droits. Cela dit, la p’tite Rebel ne s’en tire pas si mal à condition cependant de ne pas être exagérément grand. Entendez par « exagérément grand » le cas d’un individu mesurant 1,80 m et plus. Mignonne comme tout, la frêle Honda se révèle effectivement petite, basse et compacte. Genre d’outillage qu’il est permis de confier à plus petit et plus jeune que soi, sans avoir à lui dérouler le mode d’emploi, ni verser dans l’abus d’avertissements techniques et pratiques.
De la simplicité, nondidiou ! Oui, vive la simplicité et l’humilité ! Alors, faites comme la Rebel, arrivez comme vous êtes, sans grande gueule, ni fioritures, allez droit à l’essentiel et le plaisir sera au rendez-vous. Regardez-moi ça : deux roues, un twin aussi liquide que tranquille, un guidon au cintre léger avec, en son bout, un bon vieux câble de gaz, un squelette tout en tubes d’acier, une peinture unie des pneus à la selle, bref, l’e-ssen-tiel. 45 chevaux (pilepoil dans les clous de la réglementation A2 sans bridage), 190 kilos tout de même mais un centre de gravité doublé d’une assise placée très bas, le tout pour un billet de 6 300 €. Alors, l’autoroute en CMX 500 Rebel... non, à éviter d’urgence. On la déconseillera également pour qui débute comme coursier ou guideur moto dédié aux convois exceptionnels mais pour le reste, tout le reste, Alléluia ! Forcément,
elle embarque bien quelques défauts, comme cette boîte un poil ferme et ses suspensions d’un autre âge qui ne demandent qu’à se désunir de partout. Sauf qu’en restant entre les lignes du concept pour laquelle la midinette est taillée, c’est la réjouissance assurée.
« Ben, Rocco, tu perds de ta superbe là ? »
La meilleure surprise vient sans doute de cet avant facile à placer, intuitif à piloter, lui qui reçoit pourtant un gros pneu de 130 mm de large, lui-même monté sur un cerceau de 16 pouces. Non, vous avez raison, contentezvous d’apprécier le look que cet ensemble confère à la Rebel, ignorez les aspects techniques que cela suggère, c’est inutile puisque parfaitement fluide. Profitez du filet d’air qui vous fouette tendrement la joue et du moment sans arrière-pensée. L’odeur des sous-bois de l’Yonne met de bonne humeur, avec ses parfums d’été qu’on aimerait collecter en flacons pour cet hiver. Alors oui, de ces trois-là, la Rebel est clairement la moins pêchue. Mais ce n’est pas pour autant qu’elle se traîne, car elle fait même montre d’une bonne volonté. Concernant l’autre nouveauté de l’année – comprenez la Street Rod –, 69 chevaux nous sont annoncés et jusqu’à 6,6 mkg de couple. Oui mais... mais l’américaine ne se coupe pas de son lourd héritage patriotique, celui qui vise à se traîner le plus généreux embonpoint du lot. 240 kilos tous pleins faits, ça commence à chiffrer. Heureusement pour elle, son moteur ne manque pas de ressources. Capable de ronronner en bas comme de foncer en butée de compte-tours, ce V-twin liquide multisoupapes lui autorise de mener un train d’enfer si l’envie se fait sentir. Un descriptif le propulse à des années-lumière de ses frangins culbutés et refroidis par air. Alors, oui mais… non. Finalement, on préférera mener la Street Rod calmement, ici entre Vézelay et Châtel-Censoir. Il faut dire que la position que force à adopter la Street Rod a de quoi vous décontenancer. Autant la distance guidon/ selle est appréciable, autant devoir piloter avec les coudes lovés au creux des genoux, c’est moins engageant. Avant de devenir Rod, la Street 750 rejetait ses commandes aux pieds plus en avant. Pour 2017, en voulant tendre vers des valeurs plus orientées roadster, la Street Rod se paye dorénavant un triangle selle/guidon/repose-pieds peu ergonomique, l’inconfort manifeste des deux combinés
amortisseur arrière parachevant de conduire la Street Rod vers un bilan moyennement flatteur… Reste à flâner avec lenteur pour profiter des senteurs. Alors que Vivou, Rocco et moi-même maintenons le contact enclenché sur la phase « balade et détente », je sens pourtant mon Rocco qui se crispe… Et pas besoin d’un contact rapproché entre lui et moi pour m’en convaincre, je connais l’animal : quand son pilotage se fait encore plus approximatif que la normale (c’est dire !), y a forcément baleine sous cachalot (!). La moue peu enjouée qui tente de rester planquée derrière l’écran de son jet semble même annoncer comme une sorte d’overdose toute proche. « Ben, Rocco, tu perds de ta superbe là, t’as la rate qui s’dilate ou bien ça vient de plus loin ? » Rocco en a tout simplement plein de dos de cette position « très custom » imposée par la Vulcan S. Non pas que sa selle soit inconfortable – au contraire, c’est elle la mieux rembourrée du lot –, mais c’est plutôt que l’appui se fait maintenant oppressant sur les lombaires de notre meilleure recrue (enfin, loin derrière moi, faudrait pas déconner non plus). Pieds très en avant, guidon loin du pilote et large, la prise en main de la Vulcan S se projette à des années-lumière de celle proposée par feue l’ER-6n, sa donneuse d’organes originelle.
Puis vint l’heure de la valse aux adieux
Elle reste toutefois très accessible du fait de sa selle basse, se montre tout à fait à l’aise pour les manoeuvres et sait faire preuve d’une stabilité à toute épreuve. Même qu’elle ajoute à cet ensemble éloquent un potentiel freinage le plus en verve du trio, ainsi qu’un tonus mécanique remarquable (à défaut d’une sonorité charmante). Au rayon sélection et équipement, c’est encore elle qui rafle la mise. Et si la position réservée au pilote n’engage pas spécialement au voyage, le passager ne s’y trouve finalement pas si mal. Finalement, si on ne se voit pas partir avec pour toute une semaine de vacances, l’idée d’aller fendre la bise à deux le temps d’un week-end pourrait presque s’entendre. Pour la petite histoire, Rocco redescendit en pression jusqu’à reprendre le contrôle total des sensations véhiculées par son postérieur sitôt de retour au guidon de sa préférée, la p’tite black au twin tendre. Quant à son pilotage, il revint lui aussi automatiquement à son niveau d’approximation habituel… Et pendant ce temps-là, notre Vivou préféré, la star incontestée de notre numéro
Spécial Vacances 2017 rendue indétrônable grâce à son jeter de Ducati Monster dans le fumier (voir MR n° 4058), il reste discret et sur ses roues, non sans se rabâcher qu’il n’aurait jamais dû se séparer de sa 883, autrement plus communicative que ces trois-là… Ouais, pour lui, le trio ne fait pas l’affaire. Il reviendra peut-être, dans un jour, un mois, un an… À condition de pouvoir rouler sur de « vraies motos » , nous laissa-t-il entendre. Et puis vint l’heure de la valse aux adieux, chacun filant rejoindre son doux foyer. En direction de son Grand Est à la vitesse d’un TGV, depuis le carré famille de seconde classe, Rocco se repassait malicieusement ses fantasmes assouvis sur fond de selle de custom mid-size. Quant à Vivou, c’est dans l’attente d’un roulage plus « hardcore » qu’on le vit s’éloigner au guidon de son scooter 125 4-temps, tout doucement...