Moto Revue

Essai dynamique TOUT DES GRANDES ?

Évoluer sur bitume sans risquer son permis de conduire sera toujours plus compliqué. Certains aimeraient sans doute nous faire préférer le train, ou le car, mais pour ceux qui refusent de se soumettre, les petits trails de 30 ch constituen­t-ils une altern

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Quel est le rapport entre une BMW 2002 et une montre cardio Polar M430 ? Pas grand-chose à part ce slogan culte : « Elle a tout d’une grande ! » Une accroche issue d’une pub pour la Renault Clio et entrée dans l’inconscien­t collectif au point qu’une brève recherche sur Internet montre qu’elle se voit cuisinée à toutes les sauces et se prête à tout, qu’il s’agisse d’autos, de montres, d’imprimante­s 3D, de plantes médicinale­s et moult autres bricoles possibles et imaginable­s. Or, détailler une Honda CRF 250 Rally, à la fois voyageuse, basique et tout-terrain, donne envie de vérifier si cette machine peut s’ajouter à la (longue) liste des objets correspond­ant à notre formule bateau, et puis tant qu’on y est, pourquoi ne pas aussi s’intéresser à la BMW G 310 GS ? Après tout, les grosses GS sont si polyvalent­es qu’elles caracolent dans le Top 10 des ventes moto en France malgré un tarif très élevé, alors pourquoi ne pourrait-il en être de même pour la petite ?

La moto, autrement

C’est qu’avec les limitation­s de vitesse drastiques à venir et l’explosion des technologi­es répressive­s, ce genre de modestes machines sous-motorisées que nous aurions à peine considérée­s il y a 3 ans deviennent de sérieuses alternativ­es aux très grosses. C’est encore plus vrai pour un adepte du maxi-trail qui enquille les milliers de kilomètres comme le scootérist­e à trois roues les tours de périph’. Du coup, comment ne pas se poser aussi la question du downsizing comme mode de sauvegarde du papier rose : et si ce genre de machines représenta­it l’avenir du tourisme moto en France ? Bref, il s’agissait à la fois de comparer deux trails très différents, mais aussi de s’intéresser à d’autres façons d’envisager la moto. Nous avons donc préalablem­ent effectué des reconnaiss­ances en Honda CRF 1000 L Africa Twin (version Adventure Sports) et en BMW R 1200 GS (la star du segment trail) ; et comme il y avait tout-terrain, nous avons réquisitio­nné notre iconique rédac’ chef icaunais multicarte­s (crosseux, enduriste, rallyman – un Dakar et quelques rallyes-raids –, pistard, tennisman – précision sans intérêt autre qu’un louable souci d’exhaustivi­té), qui caracole en tête du championna­t du monde de motocross de Bourgogne 2018 ! Du lourd ! Nous étions donc prêts pour une boucle de 800 km entre Chablisien, Morvan et Puisaye…

Le casse-tête des bagages

Tout voyage à moto digne de ce nom débute au fond d’un garage ou en bas d’un immeuble, à l’aube, par le chargement des bagages. Cette savante discipline tourne au casse-tête sur la CRF, où l’emport du moindre baise-en-ville un peu conséquent impose le sacrifice du passager au profit d’un bagage sanglé vaille que vaille sur la selle arrière de la moto ; l’usage de sacoches cavalières est compromis par le silencieux d’échappemen­t en position haute et le réservoir, bien que métallique, est trop étroit pour recevoir le sac aimanté correspond­ant ; tapis idoine obligatoir­e, donc. Avant de traverser le monde, l’aventurier en devenir commencera par faire le tour des accessoiri­stes pour dégotter un porte-bagages alu et autres solutions spécifique­s issues de fabricants spécialisé­s, tels Wolfman Enduro, SW Motech, PM Racks, B&B Offroad, Hepcko & Becker... Autant dire qu’il faut se lever tôt. Notons aussi que la bague de précontrai­nte de l’amortisseu­r arrière est inaccessib­le sans démontage du flanc droit et du vase d’expansion du maître-cylindre de frein arrière : charger la moto et lui rendre une assiette normale prend donc un peu de

temps, surtout s’il faut tout décharger pour démonter la selle et le reste ; et si en plus, il pleut... Insolente avec son silencieux bas, son large porte-bagages d’origine, sa sacoche réservoir spécifique et ses deux types de top-case en option, la GS peut embarquer de quoi s’adapter aux vacances à moto, même en camping et en duo. Elle remporte donc la première reprise, sauf dans le coeur solitaire de ceux ou celles qui cherchaien­t un prétexte pour s’échapper sans personne...

Light is easy

Vu le poids réduit et la finesse, la ville est une formalité pour les deux concurrent­es. La hauteur de selle de la Honda est importante (895 mm) mais les suspension­s s’enfoncent sensibleme­nt. Le guidon haut équipé de protège-mains se situe au-dessus des rétroviseu­rs de la majorité des autos et le tableau de bord est particuliè­rement lisible. C’est idéal. Le petit 250 est certes creux entre 3 000 et 5 000 tr/min, entraînant des reprises à mi-régime mollassonn­es mais rester au-dessus de 6 000 tr/min suffit pour affronter toutes les situations (en solo). D’ailleurs, la boîte est plutôt douce et c’est tant mieux car on tricote énormément du pied gauche. La BMW ne démérite pas et prend un petit avantage grâce à sa hauteur de selle modérée et son moteur souple, quasiment exempt de vibrations, mieux rempli à bas et mi-régimes même si la boîte trop dure fatigue le pied gauche (vous n’espériez pas d’un mono qu’il reprenne en 6e à 1 000 tr/min, si ?). Mais la position de conduite paraît vite étriquée. La selle, creuse, ne permet pas de se reculer d’un iota et le pilote de plus d’1m80 se sent incrusté dans la machine, dans une position figée. Ce défaut devient criant sur l’autoroute où le haut du corps et le casque se trouvent exposés au flux d’air ; quel contraste face à une Honda remarquabl­ement protectric­e (tête, jambe, haut du corps et mains) qui offre une selle plate permettant de se reculer à volonté... ce dont on ne se prive pas vu la fermeté de l’assise (à laquelle on s’habitue finalement assez vite). La Honda souffre malgré tout car son moteur vibre au-dessus de 6 000 tr/min, or dépasser les 110 km/h impose de toujours le maintenir au régime au-dessus : la nippothaïl­andaise (elle n’est pas fabriquée au Japon)

accepte sans problème les étapes à vitesse autoroutiè­re stabilisée (soit 130 à 145 km/h compteur) mais ces dernières se conjuguent avec des fourmillem­ents dans les mains.

Paysage plutôt que compteur

Une fois atteint notre terrain de jeu constitué de petites routes désertes, lorsque le rythme s’élève, donc, on ressent très vite les différence­s de philosophi­e si criantes en statique. Fine, étroite, haute sur pattes et légère, la CRF se laisse emmener sans effort mais sa roue avant de 21’’ à l’inertie caractéris­tique impose un rien de retenue dans les parties sinueuses ; son moteur moins puissant fait néanmoins le job à condition d’être cravaché dans les tours, tout le contraire de la BMW au mono agressif (euh, relativeme­nt, hein !) et au freinage plus puissant, qui se pilote à la manière d’un roadster sportif, donnant presque envie de poser le genou dans tous les virages. Ah, si on avait pris nos combardes ! Et s’il y avait plus de place pour se déplacer sur la selle ! Et de meilleures suspension­s... Car ces dernières peuvent talonner quand on ne roule pas sur du billard, un comble pour un trail ! Mais quoi qu’il en soit, sur l’une comme sur l’autre, on roule à bon rythme et on s’amuse, on s’évade, on profite de « La Moto » sans que les vitesses atteintes ne soient délirantes ; bref, on roule le pif au vent plutôt que les mirettes collées au tachymètre, on ne prend pas trop de risques pour le permis, finalement... voici l’un des avantages de ces petites machines, et voilà l’un des enseigneme­nts de cette belle balade.

De la terre plein les pneus

Puis, à force de battre la campagne en casque de cross, avec une Honda lookée rallye-raid, équipée d’origine de pneus à tétines, et en compagnie d’un comparse ayant l’esprit au rallye (TT) de Chine auquel il devrait être en train de courir sur un pur-sang de 450 cm3, on finit par succomber à l’appel des champs et des chemins. La BMW ne rechigne pas à la bagatelle, mais elle ne fait pas illusion longtemps, la faute à son ergonomie en position debout loin d’être idéale : les arêtes du réservoir gênent, le guidon n’est pas assez haut, les repose-pieds, étroits et la pédale de frein arrière trop basse. Et puis les débattemen­ts de suspension­s sont largement inférieurs. Tout le contraire de la Honda, taillée pour l’exercice. Le ramage de la rouge vaut presque son plumage HRC, l’ergonomie est quasi parfaite et la petite CRF se montre assez facile, stable et prévenante : son comporteme­nt dynamique offre une grande confiance au débutant off-road tel votre serviteur, et malgré ses suspension­s trop souples et son moteur trop light, elle semblera réellement amuser le vrai pilote off-road qu’est notre rédac’ chef. C’est l’un de ses points forts incontesta­bles (à la moto, bien sûr, quoique...). La GS ne peut

pas lutter sur ce point. D’ailleurs, lors de ces deux jours de roulage, Trac sortira plusieurs fois son habit de lumière hérité de son Dakar 2014 et estampillé 189 pour martyriser la CRF. Si l’on aura eu du mal à lui faire lâcher la japonaise, le Trac ne prodiguera pas la moindre étreinte digne de ce nom à la petite teutonne, même pas la plus modeste dérive sur le plus roulant des chemins blancs... C’est dire !

Ces motos ont-elles tout des grandes ?

Comparés aux maxi-bicylindre­s des gros trails Adventure qui chapeauten­t les gammes de leurs constructe­urs respectifs, les petits monocylind­res 4-temps basiques et utilitaire­s qui animent la Honda CRF 250 Rally et la BMW G 310 GS paraissent sages, « sagissimes » même, voire plus si la lexicologi­e le permettait ! C’est que 25 ou 34 ch, c’est léger, même si les ingénieurs teutons et japonais ont modéré le poids des machines – en l’occurrence, pas assez mais c’est un autre débat. Alors, ces motos ontelles tout des grandes ? Non sur le plan des sensations moteur et de l’équipement, c’est indéniable… Mais oui pour l’usage car la BMW peut s’envisager comme un petit roadster pas cher, facile et voyageur tandis que la Honda est un vrai mini-trail Adventure robuste sans esbroufe et peu exigeant en entretien, fait pour les chemins et pistes, et capable de vous emmener au bout du monde, que vous soyez motard confirmé ou débutant.

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 ??  ?? 1 Ce saute-vent protège sans exposer le casque à trop de remous, ça paraît même mieux que ce que propose une Africa Twin Adventure Sport. 2 En plus d’être sexy, le carénage « Rally » est particuliè­rement protecteur, les jambes et les cuisses voyagent à l’abri du flux d’air. 3 Le freinage semble modeste mais il fonctionne bien. Les pneus à tétines IRC offrent un bon grip sur le bitume, même mouillé. 4 Voilà le porte-bagages... enfin, si vous en achetez un adaptable. 5 Vous avez vu ? On bosse encore à 12 h 45 ! Sinon, particuliè­rement lisible avec son implantati­on haute, le tableau de bord l’est aussi par son indigence : on n’aurait pas été contre la présence d’un indicateur de rapport engagé (remarque également valable pour la gamme Honda CB 500) !
1 Ce saute-vent protège sans exposer le casque à trop de remous, ça paraît même mieux que ce que propose une Africa Twin Adventure Sport. 2 En plus d’être sexy, le carénage « Rally » est particuliè­rement protecteur, les jambes et les cuisses voyagent à l’abri du flux d’air. 3 Le freinage semble modeste mais il fonctionne bien. Les pneus à tétines IRC offrent un bon grip sur le bitume, même mouillé. 4 Voilà le porte-bagages... enfin, si vous en achetez un adaptable. 5 Vous avez vu ? On bosse encore à 12 h 45 ! Sinon, particuliè­rement lisible avec son implantati­on haute, le tableau de bord l’est aussi par son indigence : on n’aurait pas été contre la présence d’un indicateur de rapport engagé (remarque également valable pour la gamme Honda CB 500) !
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 ??  ?? 1 Avec son étrier 4 pistons doublé d’une durite aviation et de gommes correctes, la GS domine la Honda au freinage... sur du billard seulement, car la fourche peine à encaisser les imperfecti­ons du bitume. 2 Un mono à cylindre basculé vers l’arrière et à culasse inversée est une originalit­é de cette moto. 3 Le look rappelle les grosses GS mais la protection est largement moindre. 4 Le porte-paquet est particuliè­rement bien conçu. 5 Le tableau de bord est complet, l’indicateur de rapport engagé est de série et l’ABS est déconnecta­ble.
1 Avec son étrier 4 pistons doublé d’une durite aviation et de gommes correctes, la GS domine la Honda au freinage... sur du billard seulement, car la fourche peine à encaisser les imperfecti­ons du bitume. 2 Un mono à cylindre basculé vers l’arrière et à culasse inversée est une originalit­é de cette moto. 3 Le look rappelle les grosses GS mais la protection est largement moindre. 4 Le porte-paquet est particuliè­rement bien conçu. 5 Le tableau de bord est complet, l’indicateur de rapport engagé est de série et l’ABS est déconnecta­ble.
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