Les normes antipollution Euro 5 en stand-by
À peine la norme Euro 4 entrée en vigueur pour les 50 cm3 (1er juin 2017), Euro 5 pointait déjà son nez à l’horizon 2020. Finalement, l’échéance est reportée en partie à 2024. Faut-il s’en réjouir ou, au contraire, s’en inquiéter ? Moto Revue fait le point sur la question.
Longtemps épargnés par les législateurs, les deux-roues font désormais l’objet de toutes leurs attentions. Pourquoi diable ? Alors que dès les années 70, on a commencé à se soucier de la pollution des automobiles, avec une uniformisation des normes en 1993 (Euro 1), il a fallu attendre 1999/2000 pour que les motos soient réellement concernées. L’essor du parc deux-roues motorisé a poussé dans ce sens. Certes, avant – et en particulier aux USA –, on avait déjà mis le holà, ce qui avait poussé les deux-temps vers la sortie. Mais en Europe, on tolérait quasiment n’importe quoi. Quatre années plus tard, la norme Euro 2 entrait en vigueur, divisant par 5 les émissions tolérées, ce qui nous valut l’apparition des premiers catalyseurs. Euro 3 intervenait en 2007, entraînant une nouvelle baisse des rejets de 60 % pour le CO et les HC, rendant les catalyseurs systématiques, puis ce fut le tour d’Euro 4 le 1er janvier 2016. Cette marche forcée vise à rattraper un retard qui avait sans doute un certain protectionnisme pour origine. Nos deux constructeurs nationaux, Motobécane et Peugeot, grands pourvoyeurs de petits deux-temps, traînaient des pieds pour réduire les fumées de leurs moteurs. Pourtant, dans les années 70, Motobécane avait fait de très intéressants travaux sur l’injection… Mais à pousser le bouchon trop loin, et tôt ou tard, il fallait s’attendre à un retour de bâton.
Trop tard ?
La pollution n’est pas qu’un mot, c’est surtout un mal, qui tue ou rend malade, souvent les deux à la fois, chaque jour un peu plus, entre 10 et 15 fois plus que les accidents de la circulation !!! C’est pour cette raison
qu’aujourd’hui, on parle d’exclure des villes des engins encore récents (avant 2007) pour cause d’émissions excessives. Il eut fallu réagir plus tôt. De fait, si les constructeurs de deux-roues ont alors argumenté que dépolluer un moteur coûterait trop cher au consommateur, pourtant capable d’acheter du neuf, aujourd’hui, ce sont les moins fortunés, roulant en occasion, qui vont payer l’addition. D’un point de vue économique, ce n’était que reculer pour mieux sauter. D’un point de vue humaniste, cela aura coûté des milliers de morts prématurés. Sûr que les diesels y sont pour beaucoup plus, mais nous avons aussi notre part du fardeau (voir encadré sur les polluants).
Pas si bête
Techniquement, les normes et règlements, qui sont des contraintes, sont également des vecteurs de progrès. On le voit en MotoGP, avec la limitation de la capacité des réservoirs ou la réduction du nombre de moteurs, qui ont permis respectivement de réduire les consommations et d’améliorer la fiabilité des machines. Des règles qui ont parfois des conséquences inattendues. Les progrès ont été tels en GP que le règlement de l’endurance 2018 interdit les prototypes de 1000 cm3, pour empêcher l’engagement d’une MotoGP en endurance ! Car celui qui voudrait rééditer l’exploit de Pons et Sarron sur leur OW31 mettrait sans doute une belle déculottée aux motos de série, en allant jusqu’au bout sans peine, et en ravitaillant moins… Mais revenons à nos normes, pas toujours si bêtes que ça. En cherchant à polluer moins, on a aussi consommé moins, dans une certaine mesure. Pour mémoire, en 1999, on tolérait 13 grammes de CO/km pour une moto, signe d’une combustion incomplète et d’un gâchis monumental de carburant ! Aujourd’hui, Euro 4 impose moins de 1,14 g/km (11 fois moins !). Si l’on compare la consommation d’une XJR 1300 (carbus) à celle d’un roadster moderne (injection), il y a quand même un bel écart, surtout en roulant un peu vite.
Une comparaison difficile
Comparer les normes d’hier et d’aujourd’hui, ou encore celles des voitures avec les motos est un exercice délicat. En effet, les cycles et
les méthodes de mesure ont changé. Par exemple, on ne prend en compte le démarrage à froid que depuis Euro 3, et c’est effectivement dans ces phases d’enrichissement du mélange, associées à un catalyseur froid en manque d’oxygène, que le moteur pollue le plus. Euro 3 mettait des seuils d’émissions en fonction des cylindrées (+/- 150 cm3) alors qu’Euro 4 sépare les motos selon qu’elles sont, ou non, capables de dépasser 130 km/h. Par ailleurs, voitures et motos n’ont pas le même cycle. Et pour une fois, c’est la moto qui donne l’exemple, puisque face aux diverses incohérences et tricheries récemment constatées (cf. le scandale du dieselgate), les automobiles vont désormais réaliser un cycle de mesure plus sévère, proche de celui des motos. De fait, les normes d’émissions ont été assouplies !
Technologies
Ce que l’on peut voir en revanche, c’est l’état de l’art de la technique utilisée par les constructeurs pour atteindre les normes en vigueur. Dans ce domaine, on constate que les motos Euro 4 sont proches des voitures qui répondaient à la norme Euro 4... en 2006. Nous avons donc du retard. Catalyseur avec sondes Lambda amont et aval, canister sont des procédés communs. En revanche, nous échappons encore à l’injection directe essence (voir encadré), ce qui est une bonne chose. En effet, ce procédé plus économe en carburant, car il permet de fonctionner en mélange stratifié (par couches) avec des zones pauvres, émet plus d’oxyde d’azote et de... particules ! Les voitures essence vont donc hériter d’un (petit) FAP (filtre à particules). Le comble, c’est que ces voitures essence modernes émettent dix fois plus de particules (en masse) que les diesels. Ubuesque !
Performances et dépollution
Euro 4 et Euro 5 s’attachent aux émissions, mais aussi au bruit et à l’évaporation des carburants. De fait, on peut craindre une baisse des performances. Mais en pratique, il faut relativiser. D’une part, les normes sonores ne changent pas (80 dB pour les motos). D’autre part, même si les baisses d’émissions sont sensibles, les mesures ne se font jamais à fond. La vitesse maxi sur le cycle est de 125 km/h, avec des accélérations « modestes ». De fait quand on ouvre en grand, le circuit de dépollution est en partie shunté. En effet, pour ne pas casser le moteur quand il est fortement sollicité (accélération, côtes, circuit, etc.), on passe en « boucle ouverte », shuntant en partie les dispositifs antipollution, car le mélange est enrichi. Ceci explique peut-être en partie la pollution de la vallée de Chamonix que les camions remontent pied au plancher... En pratique, une norme n’impose pas ce qu’on ne sait pas faire, et elle laisse du temps pour s’adapter. C’est pour cette raison qu’Euro 5 est reporté, mais qu’on ne vienne pas dire aux motards en 2030 que les motos de 2020 polluent trop pour rouler en ville… Nous n’y serons pour rien !