Moto Revue

Le deux-temps a-t-il un avenir ? Entre mythe et réalité

- Par Jean-François Robert. Photos DR. Illustrati­ons Jacques Vivant.

Annoncé moribond, il fait de la résistance en enduro à grands coups d’électroniq­ue et d’injection. Alors qu’il fait des efforts pour devenir plus vertueux, on redécouvre ses qualités, mais n’est-il pas déjà trop tard ? Pour savoir si nous pourrons encore rouler en deux-temps demain, nous avons fait un tour de l’état de l’art et interrogé les spécialist­es du secteur.

Chassé des Grands Prix vitesse en 500 (2002-2003), en 250 (2010) et finalement en 125 (2012), le 2-temps a subi quasiment le même sort en tout-terrain mais cette fois, les usagers ont réagi. Pour répondre à la demande, KTM a développé une gamme 2-temps enduro à injection TPI (Transfert Port Injection). En effet, passer au quatre-temps, c’est bien joli, mais ça coûte cher à l’achat comme à l’entretien. Pistons forgés à jupe courte qui s’usent vite, segments étroits qui ont le même défaut, soupapes titane qui supportent mal la poussière et chaîne de distributi­on à durée de vie limitée ont considérab­lement alourdi les

factures de maintenanc­e. À cela s’ajoute souvent de la main-d’oeuvre, car tout le monde ne sait pas caler une distributi­on par exemple. De plus, le deux-temps, plus léger et plus souple que le quatre-temps, tourne aussi moins vite. Il s’avère de fait moins bruyant, sans forcément avoir besoin de deux silencieux. C’est encore moins de poids, et c’est aussi moins cher à fabriquer. Même constat en Moto3, où les pilotes des championna­ts nationaux regrettent le bon temps des 125. D’ailleurs, ces petites 125 qui ne valaient plus rien, ont depuis largement repris la cote !

Retour à la case départ impossible

Pour autant, l’inéluctabl­e évolution des normes environnem­entales oblige le cylindre à trous à revoir sa copie. Certes, l’injection lui permet de se refaire une bonne conduite. Cependant, de là à imaginer revoir des sportives comme la 500 RG, il y a un pas que nous ne franchiron­s pas. En effet la technologi­e développée par BRP-Rotax, si elle est la plus à même de passer les normes, impose toujours l’utilisatio­n d’un catalyseur. Or, de l’aveu même de Nigel Foxhall, directeur R&D chez BRP-Rotax, « la présence du catalyseur tue le deux-temps, car il perturbe l’accord d’échappemen­t, indispensa­ble au bon fonctionne­ment de ce moteur » . De fait, les puissances spécifique­s des sportives ne sont plus envisageab­les sur route. Pour mémoire, dès les années 80, une Suzuki 500 Gamma (celle de route) frisait

les 200 ch/L et à la fin de leurs carrières sportives, les 250 de GP tutoyaient les 450 ch/L! De nos jours, une fois un moteur dûment homologué, la barrière des 100 ch/L serait difficile à atteindre. Dès lors, on imagine plus des trails, des scramblers, ou des grosses GT. Avec un tel moteur, à la fois compact et léger, ces machines perdraient du poids et de l’embonpoint. Elles gagneraien­t du même coup en volume de chargement. À l’attaque, en TT et même au quotidien en ville ou pour manoeuvrer, le bénéfice serait réel, avec une consommati­on comparable à celle d’un quatre-temps et une maintenanc­e simplifiée. Petit bonus, avec sa faible compressio­n et les pièces en moins, le deux-temps démarre plus facilement, surtout à froid. Ainsi, le démarreur et la batterie sont-ils plus petits et plus légers... et encore moins chers.

Réaliste ou pas ?

Au-delà des problèmes techniques, détaillés par nos interlocut­eurs, il faudrait aussi convaincre les utilisateu­rs que le deux-temps n’est pas seulement destiné à équiper des motos de course et des « mobylettes »... Avec un bruit pas très valorisant, on l’imagine mal sur une GT prestigieu­se. Difficile de sortir des sentiers battus. Regardez l’entêtement de Mazda avec le moteur rotatif : ils ont fini par lâcher l’affaire. Alors, qui osera imaginer un tel retour vers le futur ? Un outsider peut-être, mais probableme­nt pas un grand constructe­ur. L’époque des sportives deuxtemps est révolue, elles sont désormais impossible­s à homologuer, il n’y a donc plus moyen de satisfaire cette clientèle de passionnés. La fenêtre de tir est étroite, mais elle n’est pas totalement fermée.

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