Le deux-temps a-t-il un avenir ? Entre mythe et réalité
Annoncé moribond, il fait de la résistance en enduro à grands coups d’électronique et d’injection. Alors qu’il fait des efforts pour devenir plus vertueux, on redécouvre ses qualités, mais n’est-il pas déjà trop tard ? Pour savoir si nous pourrons encore rouler en deux-temps demain, nous avons fait un tour de l’état de l’art et interrogé les spécialistes du secteur.
Chassé des Grands Prix vitesse en 500 (2002-2003), en 250 (2010) et finalement en 125 (2012), le 2-temps a subi quasiment le même sort en tout-terrain mais cette fois, les usagers ont réagi. Pour répondre à la demande, KTM a développé une gamme 2-temps enduro à injection TPI (Transfert Port Injection). En effet, passer au quatre-temps, c’est bien joli, mais ça coûte cher à l’achat comme à l’entretien. Pistons forgés à jupe courte qui s’usent vite, segments étroits qui ont le même défaut, soupapes titane qui supportent mal la poussière et chaîne de distribution à durée de vie limitée ont considérablement alourdi les
factures de maintenance. À cela s’ajoute souvent de la main-d’oeuvre, car tout le monde ne sait pas caler une distribution par exemple. De plus, le deux-temps, plus léger et plus souple que le quatre-temps, tourne aussi moins vite. Il s’avère de fait moins bruyant, sans forcément avoir besoin de deux silencieux. C’est encore moins de poids, et c’est aussi moins cher à fabriquer. Même constat en Moto3, où les pilotes des championnats nationaux regrettent le bon temps des 125. D’ailleurs, ces petites 125 qui ne valaient plus rien, ont depuis largement repris la cote !
Retour à la case départ impossible
Pour autant, l’inéluctable évolution des normes environnementales oblige le cylindre à trous à revoir sa copie. Certes, l’injection lui permet de se refaire une bonne conduite. Cependant, de là à imaginer revoir des sportives comme la 500 RG, il y a un pas que nous ne franchirons pas. En effet la technologie développée par BRP-Rotax, si elle est la plus à même de passer les normes, impose toujours l’utilisation d’un catalyseur. Or, de l’aveu même de Nigel Foxhall, directeur R&D chez BRP-Rotax, « la présence du catalyseur tue le deux-temps, car il perturbe l’accord d’échappement, indispensable au bon fonctionnement de ce moteur » . De fait, les puissances spécifiques des sportives ne sont plus envisageables sur route. Pour mémoire, dès les années 80, une Suzuki 500 Gamma (celle de route) frisait
les 200 ch/L et à la fin de leurs carrières sportives, les 250 de GP tutoyaient les 450 ch/L! De nos jours, une fois un moteur dûment homologué, la barrière des 100 ch/L serait difficile à atteindre. Dès lors, on imagine plus des trails, des scramblers, ou des grosses GT. Avec un tel moteur, à la fois compact et léger, ces machines perdraient du poids et de l’embonpoint. Elles gagneraient du même coup en volume de chargement. À l’attaque, en TT et même au quotidien en ville ou pour manoeuvrer, le bénéfice serait réel, avec une consommation comparable à celle d’un quatre-temps et une maintenance simplifiée. Petit bonus, avec sa faible compression et les pièces en moins, le deux-temps démarre plus facilement, surtout à froid. Ainsi, le démarreur et la batterie sont-ils plus petits et plus légers... et encore moins chers.
Réaliste ou pas ?
Au-delà des problèmes techniques, détaillés par nos interlocuteurs, il faudrait aussi convaincre les utilisateurs que le deux-temps n’est pas seulement destiné à équiper des motos de course et des « mobylettes »... Avec un bruit pas très valorisant, on l’imagine mal sur une GT prestigieuse. Difficile de sortir des sentiers battus. Regardez l’entêtement de Mazda avec le moteur rotatif : ils ont fini par lâcher l’affaire. Alors, qui osera imaginer un tel retour vers le futur ? Un outsider peut-être, mais probablement pas un grand constructeur. L’époque des sportives deuxtemps est révolue, elles sont désormais impossibles à homologuer, il n’y a donc plus moyen de satisfaire cette clientèle de passionnés. La fenêtre de tir est étroite, mais elle n’est pas totalement fermée.