Le coin des start-up LA FRANCE S’AFFICHE TÊTE HAUTE
Projeter des informations directement dans le casque : c’est l’utopie techniciste du moment. Des Américains s’y sont essayé avec une réussite très relative, des Autrichiens (le groupe KTM, propriétaire de la start-up Nuviz) ont pris la relève, et les Allemands de BMW sont dans les starting-blocks, mais ce sont bien des petits Français qui sont parmi les premiers à la concrétiser. Rencontre avec Romain Duflot, le jeune cofondateur de la société Eyelights, qui nous explique pourquoi, selon lui, ce type de produit mérite plus qu’un simple coup d’oeil.
Comment Eyelights a fait pour devancer autant de monde, et d’où vient cette société exactement ? On vient de Toulouse. Eyelights existe concrètement depuis un an et demi. Et ça fait un peu plus de deux ans qu’on développe ce système d’affichage tête haute. L’histoire, elle est assez simple : je terminais mon école d’ingénieur avec l’idée de bosser dans l’aéronautique et, dans le courant de l’année, j’ai décidé de passer mon permis moto. Et c’est en pensant aux afficheurs tête haute présents dans les avions que je me suis dit que ça pourrait être top sur une moto. J’en ai parlé à des potes ingénieurs et on a commencé à travailler sur le projet.
Ton idée n’était pas neuve : à cette époque, Skully, une société californienne, annonçait qu’elle
développait un produit du même genre… Effectivement, c’est ce qu’on a découvert très vite et, sur le coup, on était dégoûté de ne pas avoir eu l’idée en premier. Mais le projet Skully était tout de même différent. Ils voulaient développer un casque complet alors que nous voulions développer un système s’agrégeant à n’importe quel casque. On s’est dit que notre système était plus pertinent et qu’il y avait de la place pour nous, et en plus, par la suite, Skully a fait faillite…
Et comment expliques-tu que vous soyez allé beaucoup plus vite que BMW, par exemple, pour sortir votre produit ? J’en sais rien, je ne sais pas comment ils bossent de leur côté. Nous, on est une petite structure, seulement huit salariés. Ça donne de la souplesse. On a sorti un prototype très vite et on a commencé les phases de test très tôt pour multiplier les retours utilisateurs et affiner notre produit. On arrive en même temps que l’afficheur Nuviz du groupe KTM, donc on est parmi les premiers, et c’est vrai que c’est un avantage quand on n’a pas une grosse notoriété.
De ton afficheur, on ne voit quasiment que le petit cube translucide qui vient se placer devant l’oeil droit. Est-ce que tu peux nous expliquer le fonctionnement de tout ça ? L’idée de l’afficheur Eyelights, c’est de projeter sur ce petit cube translucide des données GPS, roadtrips, guidage étape par étape, indication des limitations de vitesses, mais aussi de recevoir ou d’émettre des appels téléphoniques, ou encore d’écouter de la musique. Tout ceci en pilotant le système vocalement.
C’est un système qui remplace le smartphone, d’une certaine façon… Non : c’est un système qui est complémentaire du smartphone. Qui communique avec lui, plus exactement. Une application, téléchargeable sur n’importe quel smartphone tournant sous iOS ou Androïd, permet de faire dialoguer ce dernier avec notre système, par bluetooth. Et dans le casque, des écouteurs et un micro permettent à la fois d’écouter les instructions GPS ou la musique et de piloter l’application à la voix. Quasiment tout se fait vocalement. Il y a juste trois petites touches sur un petit module relais collé au casque, qui sont utilisables en plus pour naviguer.
Donc, par exemple, si je veux aller à tel endroit, je prononce l’adresse dans le micro, et c’est parti. C’est ça. Et c’est à peu près le même principe pour écouter de la musique.
Il y a d’autres choses que votre engin peut faire ? Là, pour l’instant, ce sont les fonctions de base, mais le système est évolutif au niveau logiciel. On ne cerne d’ailleurs pas exactement les limites. Ce sont des choses que l’on va affiner avec le temps et les retours d’expérience.
Il y a beaucoup de choses que les objets high-tech savent faire aujourd’hui, mais on constate parfois que ce ne sont pas des choses très utiles. En quoi ton afficheur se distingue-t-il des autres ? Pour moi, l’intérêt principal, c’est la sécurité : aujourd’hui, de nombreux motards utilisent le GPS de leur smartphone et quittent donc régulièrement la route des yeux pour s’orienter. Avec notre afficheur, on peut à la fois consulter le GPS dans cette petite fenêtre translucide et regarder la route. La musique, c’est sympa, c’est un plus produit. Mais pour nous, l’argument principal, c’est la sécurité.
À propos de sécurité, votre dispositif tout près de l’oeil, ça n’a pas été compliqué à homologuer ?
En marge de l’homologation, on a bossé avec l’Utac, la Sécurité Routière et le CNRS, qui nous ont notamment aidés à déterminer le niveau maximal d’informations à afficher. Pour le reste, le Eyelights est prévu pour ne pas se décrocher en cas de choc. Quant à la matière du prisme, elle est semblable à celle des pare-brise automobiles et entourée d’un film plastique 3M qui la rend encore plus sûre.
Cet engin fonctionne avec n’importe quel type de casque ?
Oui. Intégral, modulable ou jet.
Dernière chose : on ne sait pas encore aujourd’hui ce que va représenter le marché de l’affichage tête haute. Vous espérez en vendre combien, disons, la première année ?
On table sur plusieurs milliers. Là, pour l’instant, quasiment sans publicité, nous en avons commercialisé un peu plus de 300 en vente directe sur notre site www.eyelights.com.
Et ça vaut combien ? Un oeil ? Les deux ?
649 €. Pour le reste, je te laisse apprécier, sachant que c’est un produit 100 % made in France, conception et fabrication.