Comparatif : 4 roadsters mid-size
Roadsters mid-size
Se tenir sous 10 000 € quand on se veut roadster sportif mid-size à tentations big-size est un exercice périlleux. Un exercice qui se joue entre les fantasmes d’un marketing prêt à tout pour impressionner et une réalité économique capable de sabotage dynamique. Faisons les comptes et voyons où ces quatre-là nous mènent, le tout en compagnie de Julien Toniutti, notre VIP du jour.
1 0 000 €, c’est une belle somme ; on est donc légitimement en droit de devenir exigeant et pointilleux quant aux prestations proposées par nos motos du jour : celles de la catégorie roadster mid-size. 10 000 €, c’est l’ouverture vers un vrai niveau de performances moteur, tandis que l’on trouve généralement à redire concernant certains éléments de partie-cycle. Et très honnêtement, pour 10 000 €, ça n’est pas pardonnable. Voyons donc ci-après laquelle de ces quatre-là s’en sort le mieux, et celle qui nous en offre le plus. • Niveau équipement, l’autrichienne surclasse ses concurrentes au rayon électronique. L’utilisation d’une centrale inertielle (IMU) est inédite dans ce segment, idem concernant le Quickshifter up & down. La Ducati Monster 821 en est équipée également, mais elle s’échange contre 11 450 €. Comme cette dernière, la Duke 790 retient un afficheur TFT – encore un équipement inédit pour un roadster à moins de 10 000 €. À l’opposé se tient la Z 900, dénuée d’assistance électronique et d’étriers de freins radiaux. Elle perd ici des points malgré un niveau de finition plutôt correct et des suspensions entièrement réglables. La GSX-S 750 profite de sa finition « MotoGP » avec, entre autres, son silencieux Akrapovic carbone et son support de plaque en alliage d’alu (elle aurait d’ailleurs mérité un set de petits clignotants en échange des gros éléments d’origine) mais également son antipatinage de série et de ses Bridgestone S21 pour justifier son tarif. On lui reproche en revanche de ne pas être à la hauteur niveau intégration et camouflage. Mais il faut aussi reconnaître qu’elle utilise une base mécanique sportive née pour être planquée derrière un carénage. Quid de la décalcomanie au fil du temps ? La MT-09 soigne parfaitement sa présentation grâce, notamment, à ses fonderies et son duo cadre/bras oscillant en alliage d’aluminium. Elle se défend d’autant plus ici qu’elle reçoit de série un Quickshifter et un Ride by Wire, tout en retenant une paire de pneumatiques dignes de ce nom.
• Avec une KTM Duke 790 ultra-fine et un duo Suzuki-Kawasaki plutôt giron, on tient là deux extrêmes à l’endroit de l’entrejambe ! Si l’on peut éventuellement juger la KTM presque trop étroite, on reconnaît aussi l’exagération côté Z 900 et GSX-S 750 ! Bon, d’accord, ces deux-là doivent conjuguer leur habitabilité avec la présence d’un 4-cylindres en ligne mais on connaît des 4-pattes de bonne cylindrée moins encombrants. Cela dit, on finit par trouver assez facilement ses marques derrière le réservoir de celles-là. La MT-09 propose quant à elle un intermédiaire plutôt bien calibré (si ce n’est son carter d’embrayage trop proéminent). À l’instar de la Duke 790, celle-ci nous impose une assise bien droite, laissant nos jambes bien dépliées tout en nous autorisant autant de latitude que possible pour bouger d’avant en arrière. Il y a comme un arrière-goût de supermotard là-dedans... Finalement, ça met à l’aise, Duke et MT-09 promettant de bonnes facultés d’improvisation. Celle sur laquelle on se sent le plus recroquevillé, c’est la Suz’ : triangle guidon/selle/reposepieds minimaliste, guidon étroit, selle pilote ferme sur l’arrière et étage passager très proche, verrouillant tout déplacement vers l’arrière. La Z 900 fait dans le compromis : à son bord, les plus grands se sentiront à l’aise. Les plus petits seront intimidés mais trouveront leurs marques. Quant au confort, on le trouvera du côté de la Suzuki et la Kawasaki, cette dernière étant adaptée aux grands gabarits.
• Attention, point sensible sur ces roadsters à « presque » 10 000 € ! D’abord celle qui nous semble être la moins malhonnête : la GSX-S 750. En effet, si elle n’a pas grand-chose à proposer en matière de réglages, ceux-ci sont plutôt judicieux, très correctement calibrés, faisant preuve de tenue hydraulique, devant comme derrière pour un vrai bon accord, confortable qui plus est. Vient ensuite la Kawasaki Z 900 qui, alors qu’elle se distingue par un niveau d’équipement vraiment chiche vis-à-vis de son prix et de la concurrence, ne se moque pas de nous avec sa fourche et son mono-amortisseur entièrement réglables. On n’en fera pas une sprinteuse mais au moins, il est permis de trouver un compromis correct, capable de maintenir une bonne assiette et d’encaisser les transferts. La MT-09 déçoit toujours terriblement avec son amortisseur trop mollasson et dénué de progressivité. C’en est frustrant tant l’avant est correct, lui. Julien Toniutti dit à ce propos : « Il faut bosser sur les suspensions parce que là, à l’attaque, on a un vrai problème sur l’amortisseur qui pompe beaucoup. Évidemment, ça ne gêne pas pour aller se balader mais si on veut aller chercher le podium en rallye, c’est plus compliqué. » La Duke 790 n’a pas non plus de tenue ni de progressivité à offrir derrière et c’est frustrant parce qu’elle aussi invite à taper dedans ! Amortisseur indigne, fourche non réglable et modifiée en interne sur ce modèle sorti
du parc presse, trop de précharge et de frein hydraulique en fin de compression : les suspensions de notre 790 Duke d’essai n’étaient pas à la hauteur du reste de la moto. • Trois architectures, trois tempéraments. Le plus démonstratif dénombre trois cylindres dans ses carters. Rugosité communicative, force de reprise en bas régime, puissance et couple à tous les étages, le bloc Yamaha est un régal à emmener. La sonorité qu’il renvoie dope son sex-appeal, tandis que sa boîte se comporte correctement. L’embrayage est en revanche un peu trop mordant, tandis que le shifter préfère les régimes intermédiaires pour exceller. Pour Julien : « Son moteur est vraiment génial, très démonstratif, il y a moyen de faire de belles choses avec. » Le twin LC8 nous est apparu tonique et volontaire. Il ne prend finalement que bien peu de tours (entrée en zone rouge à 9 500 tr/min) mais offre une large plage d’utilisation. Tout en bas, il souffre mais sitôt passé les 3 000 tr/min, ça souffle ! La boîte est légère et profite de la fonction up & down pour un esprit bien sportif. Autre monde, celui des 4-cylindres : celui qui se charge de propulser la Z 900 déborde de sincérité, profitant de ses 948 cm3 pour proposer une disponibilité immédiatement après le régime de ralenti. Il marche partout, tout le temps, de bas en haut et sans faiblir. Capable d’enrouler à 50 km/h en 6e et de repartir sans tousser, il signe la meilleure élasticité du comparatif tout en contenant son niveau de vibration au ras du plancher. Boîte et embrayage n’appellent aucune critique négative, le groupe motopropulseur de la Z 900, c’est rond, plein et facile. Sobrement et sincèrement, Julien acquiesce : « Le moteur est bien rempli et ça, c’est bon. » Du côté de Suzuki, on souffre logiquement d’un déficit de cylindrée. Mais pas de sportivité ! Reste qu’il faut aller chercher les watts en haut, tout devenant vraiment vivant au-delà des 8 000 tr/min. En dessous, c’est assez calme, plus en haut ça vibre ! La boîte de vitesses est parfaite, celle qui renferme le filtre à air est généreuse en acoustique. Il n’empêche, le 4-cylindres de la GSX-R 750 2005 a déçu Julien : « Je ne lui trouve rien d’exceptionnel, ce n’est pas très fun. »
• Livrée sans filtre, la Z 900 se laisse apprécier en direct et en toute sincérité. Un câble de gaz, pas de muselière électronique, franchement, nous, on aime ça ! À l’opposé, la Duke 790 fait étalage de son package. Dans l’absolu, ça fonctionne très bien avec une commande 100 % Ride by Wire aux différents modes bien paramétrés et un fonctionnement assez lisse de l’antipatinage. Mais annulez sa fonction et systématiquement, il se reconnectera à la remise de contact suivante. C’est assez pénible, d’autant plus que retourner dans le mode de sélection prend du temps. Chez Suzuki, il n’est question que de réglage de sensibilité et de déconnexion de l’antipatinage. L’action est simple et évidente, pilotée depuis le commodo gauche. Une simplicité qui se retrouve dans le fonctionnement dudit antipatinage. Très intrusif sur « 3 », toujours sensible sur « 2 », il devient plus permissif sur « 1 ». Le système garde la dernière sélection en mémoire et ça, c’est top. Chez Yamaha, c’est à peu près le même comportement avec, là encore, une possibilité de déconnexion rapide. La MT-09 et son Ride by Wire proposent trois modes de conduite ; on préfère le « 2 », le plus soft, pour une réduction nette de la brutalité à l’ouverture des gaz. • MT-09 et GSX-S 750 se distinguent ici par un très bon toucher de frein, qui s’accompagne de mordant, tout en proposant une montée en puissance nette et dosable. Il semblerait même que la Suzuki soit capable d’une meilleure endurance mais cela reste difficile à affirmer lors d’un test sur route. Dans un genre très rassurant, on retrouve la Kawasaki Z 900 dont le feeling renvoyé au levier se fait beaucoup apprécier. Globalement, la Z mord franchement mais marque légèrement le pas sur ses compatriotes quand il faut tenir l’effort. En attendant, la prise de levier est très confortable. Il faut ajouter que ces trois japonaises proposent chacune un frein arrière dosable et efficace pour resserrer une trajectoire. L’exercice livré par la KTM Duke 790 n’est quant à lui pas des plus transcendants. Mordant timide et constance en appui moyenne, son freinage ne renseigne pas précisément le pilote sur son niveau de progressivité. La moto est légère donc ça fonctionne mais sans un très bon retour d’intervention. Là où elle se refait, c’est en proposant une fonction freinage « Supermoto » qui supprime l’intervention de l’ABS sur le frein arrière et ça, c’est fun ! • En optant pour une première monte digne de ce nom, Suzuki et Yamaha nous rassurent quant à leurs intentions. Bridgestone S21 pour la première, S20 pour la seconde, là au moins, on sait sur quoi on roule. Pneus au profil assez « plat », ceux-là offrent une vraie bonne maniabilité tout en faisant montre d’un grip rassurant, le S21 étant encore plus sportif. À l’extrême opposé, les Dunlop D214 de la Z 900 rient jaune… Produit de première monte que l’on ne retrouvera pas dans le commerce, ces derniers sont vraiment médiocres niveau grip, alors même que la Z 900 déborde de tonus sans recourir à l’assistance électronique du patinage. C’est franchement décevant... Et sur le mouillé, ça devient carrément délicat. Dommage puisque pour ce qui est de leur profil, ça fonctionne bien. Changez-moi vite ça ! Au pire, baissez les pressions de quelques centaines de grammes mais quand même, prudence avec les freins et les gaz sur l’angle. Julien : « Les pneus n’étaient pas au niveau des autres, donc il est impossible de lui rentrer un petit peu plus dedans. » KTM, enfin, joue à un autre jeu : celui de nous fournir une moto équipée des excellents Pirelli Diablo Rosso Corsa II en lieu et place des Maxxis Supermaxx ST au profil avantageux mais au grip très insuffisant. • Correctement chaussée et suspendue, la Suzuki GSX-S 750 parviendrait presque à faire oublier son embonpoint. Globalement, la moto est bien équilibrée mais peut perdre de sa superbe en fonction du niveau d’essence et au balourd que celui-ci peut engendrer. Sans être d’une précision exceptionnelle, elle se laisse placer sans forcer et surtout,
elle se tient bien sur ses suspensions, n’engendrant pas de dribble de l’arrière sur les imperfections en virage. Pourtant, Julien ne l’a pas spécialement appréciée : « Je n’avais pas trop de retour d’info et du mal à la faire tourner. Elle ne m’a pas donné envie d’attaquer. » La grosse Kawa souffre de ses pneus médiocres et d’inertie au moment de la placer. Cela dit, elle offre de bonnes réactions quand on se décide à la brusquer sur un changement d’angle. « Oui, mais elle fait tout de même un peu pataude dans l’ensemble » , dixit Julien. À bord de la MT-09, on est en confiance sauf que très vite, la machine tend à se désunir en raison d’un amortissement arrière insuffisant. Dommage car, l’avant, lui, se montre engageant mais au final, il faut se retenir sans quoi la moindre notion de rigueur s’évanouit. La Duke 790 se révèle encore plus frustrante, elle dont la légèreté et la vivacité pourraient tant lui apporter... Là, au contraire, elle impose de la retenue dans les entrées en virage en raison d’une fourche modifiée mais finalement trop raide et qui l’empêche de plonger afin d’inscrire la moto. Du coup, elle renvoie tout sur l’arrière qui agonise, pompant et allant jusqu’à sautiller sous les assauts du grip du Pirelli Rosso Corsa II. « Il aurait été intéressant de l’essayer d’origine. Pour autant, là, elle n’était pas parfaite en suspensions » , nous rapporte Julien.