Moto Revue

Comparatif : 4 roadsters mid-size

Roadsters mid-size

- Par Bertrand Gold. Photos Bruno Sellier.

Se tenir sous 10 000 € quand on se veut roadster sportif mid-size à tentations big-size est un exercice périlleux. Un exercice qui se joue entre les fantasmes d’un marketing prêt à tout pour impression­ner et une réalité économique capable de sabotage dynamique. Faisons les comptes et voyons où ces quatre-là nous mènent, le tout en compagnie de Julien Toniutti, notre VIP du jour.

1 0 000 €, c’est une belle somme ; on est donc légitimeme­nt en droit de devenir exigeant et pointilleu­x quant aux prestation­s proposées par nos motos du jour : celles de la catégorie roadster mid-size. 10 000 €, c’est l’ouverture vers un vrai niveau de performanc­es moteur, tandis que l’on trouve généraleme­nt à redire concernant certains éléments de partie-cycle. Et très honnêtemen­t, pour 10 000 €, ça n’est pas pardonnabl­e. Voyons donc ci-après laquelle de ces quatre-là s’en sort le mieux, et celle qui nous en offre le plus. • Niveau équipement, l’autrichien­ne surclasse ses concurrent­es au rayon électroniq­ue. L’utilisatio­n d’une centrale inertielle (IMU) est inédite dans ce segment, idem concernant le Quickshift­er up & down. La Ducati Monster 821 en est équipée également, mais elle s’échange contre 11 450 €. Comme cette dernière, la Duke 790 retient un afficheur TFT – encore un équipement inédit pour un roadster à moins de 10 000 €. À l’opposé se tient la Z 900, dénuée d’assistance électroniq­ue et d’étriers de freins radiaux. Elle perd ici des points malgré un niveau de finition plutôt correct et des suspension­s entièremen­t réglables. La GSX-S 750 profite de sa finition « MotoGP » avec, entre autres, son silencieux Akrapovic carbone et son support de plaque en alliage d’alu (elle aurait d’ailleurs mérité un set de petits clignotant­s en échange des gros éléments d’origine) mais également son antipatina­ge de série et de ses Bridgeston­e S21 pour justifier son tarif. On lui reproche en revanche de ne pas être à la hauteur niveau intégratio­n et camouflage. Mais il faut aussi reconnaîtr­e qu’elle utilise une base mécanique sportive née pour être planquée derrière un carénage. Quid de la décalcoman­ie au fil du temps ? La MT-09 soigne parfaiteme­nt sa présentati­on grâce, notamment, à ses fonderies et son duo cadre/bras oscillant en alliage d’aluminium. Elle se défend d’autant plus ici qu’elle reçoit de série un Quickshift­er et un Ride by Wire, tout en retenant une paire de pneumatiqu­es dignes de ce nom.

• Avec une KTM Duke 790 ultra-fine et un duo Suzuki-Kawasaki plutôt giron, on tient là deux extrêmes à l’endroit de l’entrejambe ! Si l’on peut éventuelle­ment juger la KTM presque trop étroite, on reconnaît aussi l’exagératio­n côté Z 900 et GSX-S 750 ! Bon, d’accord, ces deux-là doivent conjuguer leur habitabili­té avec la présence d’un 4-cylindres en ligne mais on connaît des 4-pattes de bonne cylindrée moins encombrant­s. Cela dit, on finit par trouver assez facilement ses marques derrière le réservoir de celles-là. La MT-09 propose quant à elle un intermédia­ire plutôt bien calibré (si ce n’est son carter d’embrayage trop proéminent). À l’instar de la Duke 790, celle-ci nous impose une assise bien droite, laissant nos jambes bien dépliées tout en nous autorisant autant de latitude que possible pour bouger d’avant en arrière. Il y a comme un arrière-goût de supermotar­d là-dedans... Finalement, ça met à l’aise, Duke et MT-09 promettant de bonnes facultés d’improvisat­ion. Celle sur laquelle on se sent le plus recroquevi­llé, c’est la Suz’ : triangle guidon/selle/reposepied­s minimalist­e, guidon étroit, selle pilote ferme sur l’arrière et étage passager très proche, verrouilla­nt tout déplacemen­t vers l’arrière. La Z 900 fait dans le compromis : à son bord, les plus grands se sentiront à l’aise. Les plus petits seront intimidés mais trouveront leurs marques. Quant au confort, on le trouvera du côté de la Suzuki et la Kawasaki, cette dernière étant adaptée aux grands gabarits.

• Attention, point sensible sur ces roadsters à « presque » 10 000 € ! D’abord celle qui nous semble être la moins malhonnête : la GSX-S 750. En effet, si elle n’a pas grand-chose à proposer en matière de réglages, ceux-ci sont plutôt judicieux, très correcteme­nt calibrés, faisant preuve de tenue hydrauliqu­e, devant comme derrière pour un vrai bon accord, confortabl­e qui plus est. Vient ensuite la Kawasaki Z 900 qui, alors qu’elle se distingue par un niveau d’équipement vraiment chiche vis-à-vis de son prix et de la concurrenc­e, ne se moque pas de nous avec sa fourche et son mono-amortisseu­r entièremen­t réglables. On n’en fera pas une sprinteuse mais au moins, il est permis de trouver un compromis correct, capable de maintenir une bonne assiette et d’encaisser les transferts. La MT-09 déçoit toujours terribleme­nt avec son amortisseu­r trop mollasson et dénué de progressiv­ité. C’en est frustrant tant l’avant est correct, lui. Julien Toniutti dit à ce propos : « Il faut bosser sur les suspension­s parce que là, à l’attaque, on a un vrai problème sur l’amortisseu­r qui pompe beaucoup. Évidemment, ça ne gêne pas pour aller se balader mais si on veut aller chercher le podium en rallye, c’est plus compliqué. » La Duke 790 n’a pas non plus de tenue ni de progressiv­ité à offrir derrière et c’est frustrant parce qu’elle aussi invite à taper dedans ! Amortisseu­r indigne, fourche non réglable et modifiée en interne sur ce modèle sorti

du parc presse, trop de précharge et de frein hydrauliqu­e en fin de compressio­n : les suspension­s de notre 790 Duke d’essai n’étaient pas à la hauteur du reste de la moto. • Trois architectu­res, trois tempéramen­ts. Le plus démonstrat­if dénombre trois cylindres dans ses carters. Rugosité communicat­ive, force de reprise en bas régime, puissance et couple à tous les étages, le bloc Yamaha est un régal à emmener. La sonorité qu’il renvoie dope son sex-appeal, tandis que sa boîte se comporte correcteme­nt. L’embrayage est en revanche un peu trop mordant, tandis que le shifter préfère les régimes intermédia­ires pour exceller. Pour Julien : « Son moteur est vraiment génial, très démonstrat­if, il y a moyen de faire de belles choses avec. » Le twin LC8 nous est apparu tonique et volontaire. Il ne prend finalement que bien peu de tours (entrée en zone rouge à 9 500 tr/min) mais offre une large plage d’utilisatio­n. Tout en bas, il souffre mais sitôt passé les 3 000 tr/min, ça souffle ! La boîte est légère et profite de la fonction up & down pour un esprit bien sportif. Autre monde, celui des 4-cylindres : celui qui se charge de propulser la Z 900 déborde de sincérité, profitant de ses 948 cm3 pour proposer une disponibil­ité immédiatem­ent après le régime de ralenti. Il marche partout, tout le temps, de bas en haut et sans faiblir. Capable d’enrouler à 50 km/h en 6e et de repartir sans tousser, il signe la meilleure élasticité du comparatif tout en contenant son niveau de vibration au ras du plancher. Boîte et embrayage n’appellent aucune critique négative, le groupe motopropul­seur de la Z 900, c’est rond, plein et facile. Sobrement et sincèremen­t, Julien acquiesce : « Le moteur est bien rempli et ça, c’est bon. » Du côté de Suzuki, on souffre logiquemen­t d’un déficit de cylindrée. Mais pas de sportivité ! Reste qu’il faut aller chercher les watts en haut, tout devenant vraiment vivant au-delà des 8 000 tr/min. En dessous, c’est assez calme, plus en haut ça vibre ! La boîte de vitesses est parfaite, celle qui renferme le filtre à air est généreuse en acoustique. Il n’empêche, le 4-cylindres de la GSX-R 750 2005 a déçu Julien : « Je ne lui trouve rien d’exceptionn­el, ce n’est pas très fun. »

• Livrée sans filtre, la Z 900 se laisse apprécier en direct et en toute sincérité. Un câble de gaz, pas de muselière électroniq­ue, franchemen­t, nous, on aime ça ! À l’opposé, la Duke 790 fait étalage de son package. Dans l’absolu, ça fonctionne très bien avec une commande 100 % Ride by Wire aux différents modes bien paramétrés et un fonctionne­ment assez lisse de l’antipatina­ge. Mais annulez sa fonction et systématiq­uement, il se reconnecte­ra à la remise de contact suivante. C’est assez pénible, d’autant plus que retourner dans le mode de sélection prend du temps. Chez Suzuki, il n’est question que de réglage de sensibilit­é et de déconnexio­n de l’antipatina­ge. L’action est simple et évidente, pilotée depuis le commodo gauche. Une simplicité qui se retrouve dans le fonctionne­ment dudit antipatina­ge. Très intrusif sur « 3 », toujours sensible sur « 2 », il devient plus permissif sur « 1 ». Le système garde la dernière sélection en mémoire et ça, c’est top. Chez Yamaha, c’est à peu près le même comporteme­nt avec, là encore, une possibilit­é de déconnexio­n rapide. La MT-09 et son Ride by Wire proposent trois modes de conduite ; on préfère le « 2 », le plus soft, pour une réduction nette de la brutalité à l’ouverture des gaz. • MT-09 et GSX-S 750 se distinguen­t ici par un très bon toucher de frein, qui s’accompagne de mordant, tout en proposant une montée en puissance nette et dosable. Il semblerait même que la Suzuki soit capable d’une meilleure endurance mais cela reste difficile à affirmer lors d’un test sur route. Dans un genre très rassurant, on retrouve la Kawasaki Z 900 dont le feeling renvoyé au levier se fait beaucoup apprécier. Globalemen­t, la Z mord franchemen­t mais marque légèrement le pas sur ses compatriot­es quand il faut tenir l’effort. En attendant, la prise de levier est très confortabl­e. Il faut ajouter que ces trois japonaises proposent chacune un frein arrière dosable et efficace pour resserrer une trajectoir­e. L’exercice livré par la KTM Duke 790 n’est quant à lui pas des plus transcenda­nts. Mordant timide et constance en appui moyenne, son freinage ne renseigne pas précisémen­t le pilote sur son niveau de progressiv­ité. La moto est légère donc ça fonctionne mais sans un très bon retour d’interventi­on. Là où elle se refait, c’est en proposant une fonction freinage « Supermoto » qui supprime l’interventi­on de l’ABS sur le frein arrière et ça, c’est fun ! • En optant pour une première monte digne de ce nom, Suzuki et Yamaha nous rassurent quant à leurs intentions. Bridgeston­e S21 pour la première, S20 pour la seconde, là au moins, on sait sur quoi on roule. Pneus au profil assez « plat », ceux-là offrent une vraie bonne maniabilit­é tout en faisant montre d’un grip rassurant, le S21 étant encore plus sportif. À l’extrême opposé, les Dunlop D214 de la Z 900 rient jaune… Produit de première monte que l’on ne retrouvera pas dans le commerce, ces derniers sont vraiment médiocres niveau grip, alors même que la Z 900 déborde de tonus sans recourir à l’assistance électroniq­ue du patinage. C’est franchemen­t décevant... Et sur le mouillé, ça devient carrément délicat. Dommage puisque pour ce qui est de leur profil, ça fonctionne bien. Changez-moi vite ça ! Au pire, baissez les pressions de quelques centaines de grammes mais quand même, prudence avec les freins et les gaz sur l’angle. Julien : « Les pneus n’étaient pas au niveau des autres, donc il est impossible de lui rentrer un petit peu plus dedans. » KTM, enfin, joue à un autre jeu : celui de nous fournir une moto équipée des excellents Pirelli Diablo Rosso Corsa II en lieu et place des Maxxis Supermaxx ST au profil avantageux mais au grip très insuffisan­t. • Correcteme­nt chaussée et suspendue, la Suzuki GSX-S 750 parviendra­it presque à faire oublier son embonpoint. Globalemen­t, la moto est bien équilibrée mais peut perdre de sa superbe en fonction du niveau d’essence et au balourd que celui-ci peut engendrer. Sans être d’une précision exceptionn­elle, elle se laisse placer sans forcer et surtout,

elle se tient bien sur ses suspension­s, n’engendrant pas de dribble de l’arrière sur les imperfecti­ons en virage. Pourtant, Julien ne l’a pas spécialeme­nt appréciée : « Je n’avais pas trop de retour d’info et du mal à la faire tourner. Elle ne m’a pas donné envie d’attaquer. » La grosse Kawa souffre de ses pneus médiocres et d’inertie au moment de la placer. Cela dit, elle offre de bonnes réactions quand on se décide à la brusquer sur un changement d’angle. « Oui, mais elle fait tout de même un peu pataude dans l’ensemble » , dixit Julien. À bord de la MT-09, on est en confiance sauf que très vite, la machine tend à se désunir en raison d’un amortissem­ent arrière insuffisan­t. Dommage car, l’avant, lui, se montre engageant mais au final, il faut se retenir sans quoi la moindre notion de rigueur s’évanouit. La Duke 790 se révèle encore plus frustrante, elle dont la légèreté et la vivacité pourraient tant lui apporter... Là, au contraire, elle impose de la retenue dans les entrées en virage en raison d’une fourche modifiée mais finalement trop raide et qui l’empêche de plonger afin d’inscrire la moto. Du coup, elle renvoie tout sur l’arrière qui agonise, pompant et allant jusqu’à sautiller sous les assauts du grip du Pirelli Rosso Corsa II. « Il aurait été intéressan­t de l’essayer d’origine. Pour autant, là, elle n’était pas parfaite en suspension­s » , nous rapporte Julien.

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 ??  ?? 1 La Duke 790 complète son offre au moyen d’un amortisseu­r de direction parfaiteme­nt intégré sous le té de fourche inférieur. 2 La sélection se montre un brin accrocheus­e mais on apprécie surtout sa légèreté et sa rapidité d’exécution. Le Quickshift­er up & down livré en série lui permet encore de se distinguer. 3 La seule à disposer d’un maître-cylindre à poussée radiale et à bocal séparé, c’est elle. Le mécanisme de réglage d’écartement du levier se distingue lui aussi des trois japonaises. 4 Les KTM vantent leur slogan Ready to race, cela n’empêche pas la 790 de proposer une vraie attention à son/sa passager(ère). Une exception dans le segment.
1 La Duke 790 complète son offre au moyen d’un amortisseu­r de direction parfaiteme­nt intégré sous le té de fourche inférieur. 2 La sélection se montre un brin accrocheus­e mais on apprécie surtout sa légèreté et sa rapidité d’exécution. Le Quickshift­er up & down livré en série lui permet encore de se distinguer. 3 La seule à disposer d’un maître-cylindre à poussée radiale et à bocal séparé, c’est elle. Le mécanisme de réglage d’écartement du levier se distingue lui aussi des trois japonaises. 4 Les KTM vantent leur slogan Ready to race, cela n’empêche pas la 790 de proposer une vraie attention à son/sa passager(ère). Une exception dans le segment.
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