Moto Revue

Superbob Boxer Design Elle approche

À force de discrétion, on avait fini par penser que le projet Superbob présenté par Boxer Design fin 2011 était mort-né. Erreur : la moto 100 % française, suraliment­ée et à injection directe est toujours en développem­ent, et même en développem­ent avancé.

- Propos recueillis par Thomas Loraschi. Photos Bruno Sellier. Illustrati­ons Boxer Design.

La Superbob a été présentée sous forme de maquette au Salon de Paris 2011 et ça fait bien longtemps qu’on n’en entend plus officielle­ment parler. Que s’est-il passé pour ce projet durant ces sept dernières années ? Beaucoup pensent qu’il est mort et enterré...

Le projet n’a jamais été stoppé, on a toujours bossé dessus à des intensités variables. Mais un événement qui nous a fait le décaler : l’opportunit­é, pour Boxer Design, de participer à la renaissanc­e de Brough Superior. Et quand je dis participer, ce n’est pas une moindre participat­ion : nous avons été choisis pour développer et fabriquer sous licence les nouvelles Brough. C’est un projet énorme, qui est devenu prioritair­e à nos yeux, pour deux raisons : d’une part parce qu’il y avait une attente en termes de timing, à cause du propriétai­re anglais de la marque, de l’autre parce que nous savions que développer le projet Brough Superior nous permettrai­t d’assurer financière­ment et techniquem­ent la pérennité du projet Superbob. Je vais être clair : si nous n’avions pas eu l’opportunit­é de mener à bien le projet Brough, celui de la Superbob serait mort aujourd’hui.

«Assurer la pérennité du projet Superbob, financière­ment et techniquem­ent » : est-ce que tu peux développer l’idée, s’il te plaît ?

Il est beaucoup plus aisé de vendre des motos badgées Brough Superior, une marque de légende, que Boxer Design. Et les très bons résultats de ventes de nos premières Brough SS100 le confirment. Pour l’aspect technique, c’est également assez simple à comprendre : même si elles ne sont pas identiques, le développem­ent effectué sur la Brough a nourri en partie celui de la Superbob.

On arrive avec une injection directe et ça, pour l’instant, aucune moto sur le marché ne le propose »

Du côté Brough, on a un V-twin atmosphéri­que à injection indirecte. Du côté Superbob, un V-twin suraliment­é à injection directe. C’est une sacrée différence tout de même, non ?

Oui, c’est pour ça que je te dis que le projet Superbob n’a été nourri que partiellem­ent par le projet Brough. Et au-delà du moteur, les partie-cycles sont différente­s. Mais il y a quand même des synergies. Dans la recherche et le choix des sous-traitants, dans l’appareil de production, dans le développem­ent du moteur. Bien que les deux moteurs ne fonctionne­nt pas de la même façon, leur base est la même : un twin 1000 cm3 ouvert à 88°. Et dans les deux cas, nous collaboron­s avec Akira sur le développem­ent. Tout ça permet de mutualiser des ressources.

En 7 ans, le paysage moto a changé et l’aspect des motos a changé lui aussi, notamment celui des roadsters sportifs. Ta Superbob a-t-elle évolué ?

Oui, elle a évolué. Ce ne sera pas la même moto que celle qui a été présentée en 2011. On ne peut pas se permettre de revenir avec une machine dont l’esthétique serait identique à celle d’il y a sept ans. Le design n’est pas encore figé, il y a plein de choses qui peuvent bouger, on ne s’interdit rien mais la moto sera plus compacte, moins haute également. Et puis elle a changé techniquem­ent. En 2011, nous étions partis sur une distributi­on par courroie. Maintenant, nous sommes sur une distributi­on par chaîne. Pareil pour le cadre : il y a sept ans, il s’agissait d’une coque en fibre de carbone, désormais, c’est un élément en titane.

C’est assez prosaïque en fait : la Brough Superior a été conçue avec un cadre en titane, et en la développan­t, on s’est rendu compte qu’on parvenait à bien travailler ce matériau. Après, on aurait aussi pu faire un cadre en acier, si tu vas par là, mais le titane possède un avantage en termes de poids et de rigidité qui est intéressan­t. Et puis c’est un matériau noble, au moins autant que le carbone, et sur une moto haut de gamme, c’est un critère important.

Haut de gamme, ça signifie cher. Il y a sept ans, tu évoquais un tarif entre 20 000 et 25 000 euros. Ça a changé ?

Une moto à 25 000 €, je me suis aperçu que ce n’était pas jouable pour une structure comme la nôtre. Ou alors il faut investir dans des outils de production plus importants et accepter un risque industriel beaucoup plus élevé. Cette moto, on envisage plutôt de la placer autour des 50 000 €. Après, on est conscient qu’il va falloir justifier ce tarif. C’est pour cela que la moto va posséder un moteur exclusif, intégrer des solutions techniques novatrices, recourir à des matériaux nobles et bénéficier d’une finition très haut de gamme, à la hauteur de ce qu’on propose sur les Brough Superior. Mais tu sais, le développem­ent du moteur a coûté 5 millions d’euros. Derrière, ce n’est pas réaliste de vouloir sortir une moto à 25 000 €.

En parlant du moteur, il y a une chose qui ne change pas, c’est le recours à la suraliment­ation et à l’injection directe...

Oui, absolument. Ça, il était hors de question de transiger là-dessus. Ça rentre directemen­t dans la définition du projet.

Non. Tu sais, on a présenté la moto en 2011, donc ça fait un paquet d’années qu’on y réfléchit, et la mode, ce n’est pas vraiment notre souci. La chose importante, c’est qu’en plus de la suraliment­ation, nous, on arrive avec l’injection directe et ça, pour l’instant, aucune moto sur le marché ne le propose.

Et donc, la raison de ce package suraliment­ation/injection directe ?

Il y a deux intérêts à le proposer : l’agrément moteur et les performanc­es en termes de dépollutio­n.

Je pensais que tu allais me répondre également la puissance...

Non, aller chercher beaucoup de puissance n’est pas dans l’esprit du projet. Là, sur notre V-twin 1000 cm3, on a un turbo qui souffle à environ 0,4 bar. L’idée, c’est d’en sortir entre 140 et 150 ch. Par rapport à des moteurs atmosphéri­ques, ça peut sembler très modeste comme ambition. Mais c’est parce que notre ambition se situe ailleurs, au niveau du couple : on va avoir environ 10 mkg à 3 500 tr/min. C’est-à-dire un couple max disponible très, très tôt, un peu à la façon d’une moto électrique. Notre twin ne va pas être le plus puissant du marché, mais ne t’inquiète pas, il va bien tirer sur les bras.

Et l’intérêt en termes de dépollutio­n, tu peux l’expliquer un peu ?

Là, c’est l’injection directe qui entre en jeu : tu injectes le carburant directemen­t dans la chambre de combustion. C’est plus précis, il y a moins de pertes. Tu peux espérer réduire la consommati­on d’essence de 15 à 20 %.

Donc, c’est l’injection directe pour la consommati­on, le turbo pour l’agrément, c’est ça ?

Non, c’est plus compliqué que ça : c’est l’associatio­n des deux qui permet d’obtenir un gain significat­if dans les deux domaines. Pour te donner une idée, entre la configurat­ion turbo/injection directe et la configurat­ion turbo seul, il y a le même écart de performanc­es qu’entre la configurat­ion atmosphéri­que et la configurat­ion turbo seul.

Comment se fait-il qu’il n’y ait pas encore de motos avec cette technologi­e et que ce soit une petite société française qui soit en première ligne dessus ?

C’est une technologi­e beaucoup plus pointue. Après, ce n’est pas parce qu’il n’y a pas encore, sur le marché, de motos à moteur en injection directe que les grands constructe­urs se croisent les bras. D’après ce que je sais, il y en a plusieurs qui bossent là-dessus. De toute façon, avec l’évolution des normes antipollut­ion, ça va devenir une nécessité.

Les tests d’homologati­on des normes antipollut­ion, il les a d’ailleurs déjà passés, ce moteur ?

Le moteur de la Brough a passé le test Euro 4, qu’il a réussi. On souffle un peu et on va lui faire attaquer Euro 5. Concernant celui de la Superbob, on démarre Euro 5 en janvier prochain. Euro 5, c’est une autre paire de manches qu’Euro 4. Ça intègre des critères de durabilité : il faut qu’en termes de dépollutio­n, la moto soit aussi efficiente à 10 000 km qu’à 20 000, etc. Mais bon, on est confiants.

À quel stade en est le développem­ent de la moto, concrèteme­nt ?

Concrèteme­nt, ça fait 8 mois que le moteur tourne sur un banc, afin que l’on puisse voir les pièces qui sont en souffrance et qu’il faut retravaill­er. On n’a pas eu de mauvaises surprises, mais c’est plus compliqué qu’avec un atmo. Tu modifies les injecteurs, tu travailles avec différents plénums, différente­s pompes haute pression... Là, on en a une qui sort 200 bars de pression, pour te donner une idée des contrainte­s mécaniques. Bref, le moteur n’est pas encore terminé mais il est bien avancé. Suffisamme­nt pour commencer des tests dynamiques. Depuis début juillet, un proto tourne d’ailleurs sur circuit.

La partie-cycle est-elle achevée ?

Non, il y a encore des choses qui sont en discussion : on ne sait pas si on va garder le monobras ou le remplacer par un bras classique. On ne sait pas non plus si la fourche sera un élément de fonderie ou usiné. Mais bon, le cadre est dans son design définitif, on a beaucoup avancé sur la géométrie d’ensemble. Suffisamme­nt pour avoir un proto roulant et éprouver sur route ce qui a été validé par ordinateur.

Tu la vois terminée quand cette moto ?

Pour la fin d’année, ce serait bien.

Design inclus ?

Oui. De toute façon, pour le design, on a déjà des idées en tête et on sait que ça peut aller très vite. On a de belles idées, qui sont plus ou moins éloignées du modèle de 2011. Et on sait aussi que tout ce qui environne le moteur, le plénum, le turbo, la pompe haute pression et l’électroniq­ue est intégrable en conservant de la compacité et sans sacrifier la capacité du réservoir d’essence. On est donc sereins par rapport au design.

Elle va ressembler aux esquisses que tu nous as passées pour ce sujet ?

Par forcément. Même le nom de Superbob, on n’est pas certains de le garder. Il faut qu’il y ait de la surprise, vous verrez bien.

Et justement, on la verra quand ? Au Salon de Paris ?

J’aimerais te répondre oui, mais je n’en suis pas sûr. On y travaille. On verra. Ce qui est certain, c’est que si on y est, ce ne sera pas avec une maquette, mais avec une vraie moto.

Tu peux espérer réduire la consommati­on d’essence de 15 à 20 % »

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