Moto Revue

“La douleur fait partie de moi”

- Propos recueillis parThierry­Traccan

Ta première pensée quand tu te blesses ?

Quand ça t’arrive, tout s’effondre. Tu prends un coup au moral. Tu ne penses même pas à la blessure, mais tu prends conscience de l’incidence de la blessure, que tout ce que tu as construit est anéanti. Après, dès que tu as le diagnostic, la première question que tu poses au chirurgien, c’est : « Quand est-ce que je vais pouvoir remonter sur ma moto ? » Et puis dès que tu te réveilles, tu te mets dans un mode de récupérati­on, de faire toutes les choses qui vont te permettre d’accélérer la guérison, et de remonter sur la moto.

Par qui étais-tu entouré dans ces moments, des chirurgien­s habitués à opérer des personnes lambda ou ceux ayant l’habitude de gérer des sportifs de haut niveau et les contrainte­s qui les entourent ?

J’ai eu deux grosses blessures. Mon tibia-péroné et ma cheville trois ans avant. La cheville était bien plus compliquée, c’est Olivier Dufour, habitué à travailler avec des sportifs profession­nels, qui m’a opéré. Il me disait que dans l’état où elle était, j’en avais pour un mois et demi minimum. Trois semaines après, j’étais sur la moto. J’en ai chié, mais j’avais la volonté de revenir. Le tibia, c’était en Allemagne par un chirurgien « normal » mais le docteur Costa assistait à l’opération, donc tout a été très bien fait aussi.

Quel est le protocole mis en place pour un sportif comme toi ?

Le but, c’est déjà de faire diminuer l’hématome le plus rapidement possible, j’ai donc fait du caisson hyperbare pendant une semaine, plus du kiné pour drainer l’hématome et travailler sur la mobilité. Par exemple, pour mon tibia-péroné, je me suis blessé le dimanche, le mercredi j’étais chez moi et dès le jeudi dans le caisson et avec le kiné.

Ce protocole, qui le met en place ?

C’est moi qui ai tout géré. J’avais une structure avec Bernard Achou, mon kiné, et Marc Saramito, mon médecin. C’est très important d’avoir une telle structure pour réparer les bobos, et je dirais même que c’est très important d’avoir une structure médicale même quand tout va bien. Ce n’est pas au moment où on se blesse ou quand on a un coup de fatigue qu’il faut s’inquiéter, c’est avant.

Quand tu remontais sur ta moto juste après tes blessures, tu prenais quoi ?

Du Voltarène. Surtout du Voltarène. J’ai essayé les infiltrati­ons, mais ou c’était inefficace ou je ne sentais plus mon membre. Plus que tout, quand je reprenais, je serrais les dents.

La douleur, comment tu la gères, quelqu’un te prépare psychologi­quement ?

Non. Je fais ça seul. Au début, tu ne penses qu’à ça, et puis, à force de rouler, tu intègres la douleur comme quelque chose faisant partie de toi et de ton activité. C’est difficile dans un premier temps et puis après, tu composes. Avec ton corps, tu fais les choses différemme­nt ; par exemple pour mes blessures aux jambes, je compensais avec le haut du corps. Pour le tibia, ça a été assez vite, mais ma cheville m’a fait souffrir pendant 6 ans (Randy a été opéré 4 fois durant ces 6 années de cette cheville,ndlr). Avec mon petit doigt amoché récemment (il a perdu une phalange lors des 8 Heures de Suzuka,ndlr), à la reprise, j’avais mal, je ne tirais pas sur le guidon, j’essayais de le soulager, et puis rapidement, je me suis mis à rouler normalemen­t... T’as mal pendant un temps, et puis le corps s’habitue.

Reprendre le plus vite possible, ça tient à la précarité de ton boulot ou c’est plus un défi personnel ?

Pour mes fractures de la jambe, les deux fois, j’étais bien placé au championna­t, donc tout ce que j’avais fait de bien en première partie de saison partait en fumée. J’avais envie de revenir vite, parce que tu ne sais jamais ce qui peut arriver. Si un mec te remplace et qu’il performe, ça peut vite devenir compliqué. Tu peux te faire dégager. Et il y a aussi cette idée de défi, de se dépasser, c’est un peu extrême mais ça fait partie du métier de pilote. Ça te permet aussi de relativise­r quand il t’arrive des petits bobos...

 ?? Randy de Puniet Pilote de développem­ent KTM en MotoGP et Kawasaki en endurance ??
Randy de Puniet Pilote de développem­ent KTM en MotoGP et Kawasaki en endurance

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