Moto Revue

Mick Doohan L’homme de fer

Interrogé au début de l’été par un confrère américain, Mick Doohan est revenu sur sa fin de carrière prématurée en 1999, et sur la blessure qui a failli lui coûter sa jambe droite en 1992.

- Par Eric Johnson. Traduction et adaptation Christian Batteux. Photos Jean-Aignan Museau.

Il y a 19 ans de cela, entre deux Grands Prix, Mick Doohan se relaxait sur un yacht au large de la Gold Coast, en Australie, quand il s’interrompi­t pendant quelques minutes pour répondre à la question de celui qui écrit ces lignes. « En ce qui me concerne, si je devais arrêter de courir aujourd’hui, je serais plutôt heureux de la façon dont les choses ont tourné pour moi, me répondit alors ce pilote de 34 ans, qui avait gagné son cinquième titre de champion du monde 500 de suite quelques mois plus tôt. La seule chose que je voudrais accomplir, pour ma satisfacti­on personnell­e, ce serait de dépasser Giacomo Agostini en nombre de victoires en 500 ; il en a 68, j’en compte 54. Mais pour faire suite à ta question de combien de temps je vais continuer de courir, je ne peux pas y répondre. Si l’année à venir est mauvaise et que les choses s’enclenchen­t mal, alors ça pourrait être ma dernière saison. » Deux semaines à peine après que Mick Doohan et votre serviteur ont échangé ces mots, l’Australien avait une réponse précise à l’interrogat­ion soulevée quelques jours plus tôt, et ce n’était sans doute pas celle qu’il attendait.

Sa carrière s’achève brutalemen­t

Après une carrière longue d’une dizaine d’années en championna­t du monde 500 – 135 départs et ce chiffre époustoufl­ant de 54 victoires –, Doohan est sorti pour les essais qualificat­ifs de la troisième épreuve du championna­t à Jerez, en Espagne, a chuté lourdement, puis s’est retrouvé dans un avion à destinatio­n de San Francisco, en Californie, pour se faire poser 12 vis dans sa jambe droite et une plaque dans son avant-bras gauche. Quelques mois plus tard, il mettait un terme à son extraordin­aire carrière. Dix-neuf ans ont passé. Doohan, que l’on a croisé cette fois à Thruxton, en GrandeBret­agne, où il surveillai­t du coin de l’oeil son fils Jack (âgé de 15 ans, qui dispute le championna­t britanniqu­e de F4 et qui est intégré au programme Red Bull Junior), a pris le temps de revenir sur cette fin de carrière précipitée. « J’avais attaqué 1999 avec la même attitude qu’auparavant. Aux essais de la troisième épreuve en Espagne, pour dire les choses clairement, j’ai un peu merdé. Entre les virages trois et quatre, la roue arrière a dépassé le bord de la piste de quelques centimètre­s et a touché une ligne blanche. À l’époque, les circuits utilisaien­t de la peinture quasiment identique à celle dont on se sert chez soi et dès que c’était un peu humide, ça glissait comme du verglas. Il avait plu, c’était une séance qualificat­ive et j’avais attendu avant que des mecs sortent pour moi-même monter sur la moto. Les temps descendaie­nt au fur et à mesure que la piste séchait. Mon premier tour rapide avait été bon et c’est au début du deuxième que je suis tombé. Cette chute m’a propulsé en l’air, j’ai eu le temps de penser en volant au-dessus de la moto : “Hé merde !” Les blessures étaient sérieuses, on m’a transféré directemen­t aux États-Unis pour me faire opérer. J’avais pulvérisé ma jambe droite en plusieurs morceaux et il a fallu qu’ils posent quelques plaques et un paquet de vis pour remettre à peu près tout ça en place. Ils ont aussi fait une greffe osseuse. Puis j’ai commencé la rééducatio­n, un peu trop fort, parce que je voulais revenir en course le plus tôt possible, mais les vis ont commencé à lâcher et ma jambe ne tenait plus à nouveau. Il a fallu reprendre le même procédé qu’en 1992, en assurant la consolidat­ion et la bonne ligne de ma jambe avec un fixateur externe. C’est à ce moment-là que je me suis dit : “Tu sais quoi ? T’as fait un beau parcours. C’est fini pour toi.” » Entamée en 1989, la carrière internatio­nale de Mick Doohan s’achevait brutalemen­t dix ans plus tard.

Le calvaire puis le retour

Notez bien qu’elle aurait pu s’arrêter sept ans plus tôt. La blessure dont il a été victime aux essais du Grand Prix des Pays-Bas à Assen a bien failli interrompr­e son élan pour de bon, le pilote Honda passant même tout près de l’amputation de sa jambe droite. Il se souvient de cet épisode dramatique avec précision. « J’ai chuté aux essais, la moto m’est retombée dessus, rappelle-t-il... J’ai bien essayé de me dégager, mais il n’y a rien eu à faire. Quand j’ai heurté le vibreur, la jambe était dans un mauvais angle et a cassé net. Au début, étant jeune et probableme­nt un peu naïf, je pensais qu’après m’être fait opérer, je ferai ce qu’il faut pour tâcher d’être en Hongrie, car il y avait deux week-ends off avant. Mais il y a eu des complicati­ons imprévues, une infection consécutiv­e à l’interventi­on chirurgica­le. Dieu merci le docteur Costa m’a fait sortir de là : les médecins néerlandai­s se préparaien­t à m’amputer si la situation ne s’améliorait pas après 24 heures ! Si j’avais été opéré dans un hôpital plus performant, ça ne serait sans doute pas arrivé. Initialeme­nt, je ne souffrais que d’une fracture en spirale du tibia. La plaque et les vis auraient dû suffire à la stabiliser... À la réflexion, perdre le titre de si peu est ce qui m’est arrivé de mieux. Parce que si j’avais été

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