Moto Revue

L’homme de fer

L’article précédent abordait le thème des pilotes durs au mal, ceux qui reprennent le guidon en dépit de fractures à peine ou pas encore consolidée­s. L’Australien Mick Doohan est l’un d’entre eux, et le seul à avoir été titré après une blessure qui a fail

- Par Christian Batteux. Photos archives MR.

Mick Doohan, dix ans de carrière au top malgré ses blessures, revient lors d’un entretien exclusif sur ses blessures

Son arrivée en Grands Prix en 1989, après deux petites saisons passées en Superbike australien, lui avait fait l’effet d’un « réveil brutal », car il passait d’une 750 quatre-temps issue de la série à une 500 deux-temps pesant à l’époque 115 kilos pour 180 chevaux. Une transition particuliè­rement rude pour un pilote relativeme­nt peu expériment­é, qui n’avait donc jamais roulé en 125 ou en 250 deux-temps auparavant. Il racontera plus tard qu’il n’était pas tombé beaucoup durant ses années en Superbike, mais qu’il avait rattrapé son retard en l’espace de six mois avec la 500 ! Confronté à des pilotes comme Wayne Rainey, Kevin Schwantz, Wayne Gardner ou Eddie Lawson, Doohan s’est tout de même demandé s’il allait être capable de rivaliser avec de telles pointures. Et puis une participat­ion aux 8 Heures de Suzuka l’a rassuré sur son potentiel : il allait aussi vite que Rainey et tous les autres et a compris ce jour-là que ce n’était qu’une histoire de moto, une question d’adaptation à la 500… Peu après, au Grand Prix du Brésil, l’Australien avait terminé quatrième, derrière Rainey, Schwantz et Lawson : c’était un vrai déclic. Cette année-là, la présence d’Eddie Lawson dans le team Honda avait été un atout précieux pour Doohan, qui avait beaucoup appris de son coéquipier américain pour la mise au point des motos. Lorsqu’il est reparti chez Yamaha, Honda s’est tourné vers lui et a par conséquent développé une machine qui lui allait parfaiteme­nt. Le 2 septembre 1990, sur le circuit du Hungarorin­g, en Hongrie, Mick Doohan remportait le premier Grand Prix 500 de sa carrière, et achevait le championna­t en troisième position derrière Wayne Rainey et Kevin Schwantz. L’année 1991 le voyait s’affirmer encore un peu plus parmi les meilleurs pilotes du monde – une année qu’il acheva à la place de vice-champion – et en 1992, Mick Doohan était prêt pour aller chercher le titre le plus prestigieu­x de la planète moto. La saison 1992 s’était parfaiteme­nt déroulée jusqu’à ce qu’il se casse la jambe alors qu’il avait en effet gagné les quatre premiers GP au Japon, en Australie, en Malaisie et en Espagne, quatre victoires auxquelles il fallait ajouter deux places de second en Italie et en Catalogne, ainsi qu’une cinquième victoire en Allemagne.

En l’An IV de son règne, le roi Doohan égale Ago

Et puis le Grand Prix des Pays-Bas à Assen a mis fin à cette série. La suite de l’histoire est connue : le docteur Costa l’a transféré chez lui en Italie, où il lui a suturé les deux jambes ensemble pour assurer un meilleur flux sanguin sur celle qui était touchée (et menacée d’amputation). Il a placé son patient en chambre de décompress­ion pour accélérer le processus de cicatrisat­ion, et a procédé à des greffes de peau. Doohan n’a pas été tiré d’affaire pour autant, car l’os ne se consolidai­t pas et il a fallu placer un appareilla­ge externe appelé Ilizarov pour maintenir la jambe droite, car elle avait tendance à se tordre (n’étant pas solidifiée)... Bref, deux mois plus tard, l’Australien ressemblai­t à un fantôme dans le paddock du Grand Prix du Brésil qu’il arpentait sur des béquilles... Douzième de la course à Sao Paulo, une sixième place héroïque obtenue deux semaines plus à Kyalami, en Afrique du Sud, n’avait pas été suffisante pour conserver la première place au championna­t, remporté par Wayne Rainey… pour quatre points de plus. L’année 1993 fut celle de la reconstruc­tion pour Doohan, qui tâchait de retrouver la santé et une condition physique susceptibl­e de refaire de lui un potentiel champion du monde. Avant de retrouver une jambe droite assez solide et mobile pour recouvrer son usage, Honda avait entre-temps installé un système de frein arrière au guidon pour compenser le handicap de l’Australien. Un an plus tard, il était à 100 %, et entamait une domination longue de cinq ans, durant laquelle ses adversaire­s n’eurent pas eu souvent la parole. En 1997, An IV de son règne, Doohan égalait Agostini et Hailwood en alignant quatre titres 500 de suite, et un an plus tard, il contenait l’arrivée tonitruant­e de l’Italien Biaggi en 500… En début de saison 1999, à nouveau sérieuseme­nt touché à la jambe droite lors des essais du GP d’Espagne, l’Australien mettait un terme à dix ans de carrière au top niveau de la catégorie 500 (voir son interview dans les pages suivantes). Il reste de son passage en Grands Prix la trace d’un champion à la combativit­é exacerbée par les défis multiples qu’il a dû relever, le plus difficile de tous étant ce come-back sidérant de courage après une blessure dont la plupart d’entre nous n’auraient sans doute jamais été capables de se relever. n

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 ??  ?? Grâce au docteur Costa, qui a sauvé sa jambe et lui a permis de revenir en 1992 (ci-contre), Doohan a enchaîné cinq titres de suite en 500.
Grâce au docteur Costa, qui a sauvé sa jambe et lui a permis de revenir en 1992 (ci-contre), Doohan a enchaîné cinq titres de suite en 500.
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 ??  ?? Coulant une retraite sportive bien méritée en Australie, Doohan a conservé des souvenirs de sa carrière, dont ce fixateur externe n’est pas le moindre (photo de droite).
Coulant une retraite sportive bien méritée en Australie, Doohan a conservé des souvenirs de sa carrière, dont ce fixateur externe n’est pas le moindre (photo de droite).

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