Stage de pilotage Camier Dans la roue de
Ce n’est pas tous les jours que l’on peut glisser ses pas, ou ses roues (au moins tenter de le faire), dans ceux de Leon Camier, officiel Honda en championnat du monde Superbike. La « Honda Ron Haslam race school », implantée sur le circuit de Donington (
Àpeine réveillé, encore aplati sous la couette douillette de cet hôtel proche du circuit de Donington, je regarde d’un oeil à moitié collé les images live diffusées sur une chaîne d’information montrant une journaliste chahutée par une tempête que je crois alors être américaine... Sauf qu’elle est anglaise cette tempête, et qu’elle concerne le nord du pays. D’un bond, je m’éjecte du pajot et tire le lourd rideau qui opacifie la fenêtre pour voir si la cata touche aussi le centre du royaume. Non. Le ciel est bleu. En revanche, à la vue de la courbure imprimée par les arbres, une méchante évolution dans la journée est à prévoir. L’évolution, c’est de toute façon l’objectif de la journée. Mais l’objectif visé par la « Honda Ron Haslam race school », c’est plutôt qu’elle soit brillante, l’évolution. L’école de Ron Haslam, c’est celle de ce champion britannique des années 80 (et père de Leon Haslam qui sera officiel Kawasaki en Mondial SBK en 2019) qui a décidé de monter en 1995 son école de pilotage dans les paddocks du circuit de Donington. Voilà bientôt 23 ans que « Rocket » conseille et forme des gentlemenriders comme des apprentis pilotes. Fidèle à la marque Honda, son école dispose de plus de 75 motos, de la CBR 125 à la CBR 1000 RR SP, en passant par les CBR 300, 500 et même 600 RR. Sympa d’ailleurs de revoir autant de CBR 600 RR en piste. Nous autres journalistes, ce sera sur des CBR 1000 RR SP que nous roulerons, dans la formule la plus « up », celle qui, dans la brochure de l’école, s’appelle « Elite ». Comme dirait un pote, « élite de quoi ?? Élite de rouge, ouais !! ». Pas faux. Même pas flatté, mais curieux de découvrir l’enseignement à la mode anglaise, je plonge dans mon cuir. Mon bleu de travail préféré, sauf qu’il n’est pas bleu, plutôt jaune et noir. Je fais aussi la connaissance de mon instructeur, parce que la particularité de l’enseignement de ce stage Elite, c’est d’avoir un instructeur par pilote. Sir Les Wood, ex-pilote international, sera – ce très bon – celui-là.
« Va falloir que tu bosses, t’es à l’arrêt mon vieux »
C’est sous un vent à décorner les boeufs que nous attaquons les sessions. Entre roulage et débriefing où mon prolixe chaperon m’encourage autant qu’il me donne des conseils quant à la bonne appréhension de son jardin anglais, arrive enfin mon tour d’avoir l’infime honneur de prendre la roue (enfin d’essayer) de Leon Camier, maître de la caméra à vue arrière logée contre son dosseret de selle. Avant de partir, on me briefe : « Si tu es deux, trois mètres derrière lui, c’est cool. Plus loin, on te verra moins. Bien plus, on ne te verra plus… » OK, OK, visière baissée je me mets déjà à l’aspi de mon instructeur, c’est dans quelques virages que Leon doit me déboîter. Quelques virages plus tard, pas de Leon, un tour complet, toujours pas, c’est dans la grande descente que le grand Anglais me déborde... Me déborde... Me vague plutôt, me tsunamise même, me noie... Tout par terre avec la CBR SP dans des enfilades négociées sur un très gros troisième rapport (avec la démultiplication d’origine), ça fait trop vite déjà. Dans les virages plus lents, je recolle un peu. Sympa de m’attendre. Et dans les deux épingles serrées, je me demande ce qu’il fout Leon... Ben si, j’suis con, il me « shoote » en gros plan... Arrive de nouveau la descente maléfique, et là, comme le coup d’avant, Camier s’évapore... Avant que je revienne un peu plus loin... Ça durera comme ça deux tours de plus, sorte d’élastique que Leon décide de tendre ou non. Revenus dans la pit-lane, nos casques enlevés, je lance à Camier : « Dis donc, tu prends un truc pour te jeter comme ça dans la descente ? » et lui de confirmer qu’il aime bien cet endroit, qu’il s’y sent en sécurité. Histoire de rigoler un peu, je lui balance alors gentiment, ne pensant même pas ce que je dis, persuadé
que la vérité est ailleurs : « En revanche, dans les deux virages serrés, va falloir que tu bosses, t’es à l’arrêt mon vieux. » Il se marre, avant de reprendre : « C’est toi qui vas trop vite dans ces virages, sérieusement, moi je n’ai aucune confiance dans le pneu avant. Je ne sens rien du tout. Dans la descente, ça va, parce que ce sont des enchaînements, je peux caler les pneus, mais dans les virages serrés, je ne me sens vraiment pas à mon aise... » La bonne blague... Bon, faut vous dire que tout ça, c’est la faute de tonton Ron. Parce que le taulier, les pneus qu’il a retenus pour son école de pilotage, même avec ses SP qui crachent plus de 190 chevaux, ce sont des Dunlop Roadsmart ! Des pneus dits « sport-Touring », pour des GT et parfois des roadsters, bien loin des slicks façon ventouses que Camier utilise sur son avion à réaction...
Un peu comme le Touquet avec des pneus trails
Bien loin aussi des profils hypersports que l’on imaginait découvrir sur ces motos et qui existent pourtant dans la gamme du manufacturier britannique (Dunlop D 213 GP Pro, par exemple). Qui a dit que les Anglais n’avaient pas d’humour ? L’argument de Ron Haslam tient aux caprices de la météo : « Il pleut souvent ici, et ces pneus sont bons sous l’eau. » Mouais... Pas de quoi être franchement convaincu par l’argumentation. Parce que dans le cadre d’une école de pilotage ou le stage Elite offre un coaching personnalisé, avec télémétrie à l’appui, conseils divers et variés, rouler avec des pneus inadaptés à la pratique limite de fait la capacité de progression. Un peu comme si on mettait des pneus trails pour faire le Touquet... Ça roulerait, mais passé un moment, ça stagnerait. Vraiment dommage que ce choix, sans cela, le stage n’attire que des éloges, surtout si lors d’une session privée, l’un des meilleurs pilotes de Superbike du monde vous laisse la chance de prendre sa roue quelques instants. n
1’28’’108... soit près de 20 secondes de mieux que le chrono effectué avec la CBR 1000 SP chaussée en Roadsmart (Temps réalisé en mai dernier par Leon Camier lors de l’épreuve de Superbike mondial)