Des débuts précoces
Culturellement, aux États-Unis, les sports mécaniques font partie de l’ADN d’une société où les loisirs en famille et/ou entre amis occupent une part prépondérante. Très facilement accessible, la moto tout-terrain a donc favorisé les débuts très précoces des futures stars de ce pays immense, où le réservoir de pilotes était donc considérable. Kenny Roberts a commencé à rouler à moto à 12 ans, et en 1975, il racontait cela à Moto Revue : « Ma première moto, c’est moi qui l’ai construite. C’était une mini-moto avec un cadre de vélo et un moteur de tondeuse. Ensuite, mes parents m’emmenaient chaque semaine dans notre région, dans un rayon de 300 à 400 kilomètres, pour que je coure à moto. Ils ont travaillé pendant trois ou quatre années de leur vie, uniquement pour payer les motos que je pilotais ! » Les autres ont peu ou prou fait pareil. Un garçon comme Randy Mamola, quatrième de la cordée étoilée car débarqué pour sa part en Grands Prix 250 puis 500 dès 1979, avait pour sa part débuté à 11 ans avec une Hodaka 100 cm3, une marque de mini-motos japonaises non importées en Europe, en disputant quelques courses régionales organisées par la police de Santa Clara, en Californie.
Freddie Spencer débute en course à 5 ans
Inutile de revenir sur les premiers tours de roues de Freddie Spencer, qui a commencé la moto à 3 ans et les courses à 5 ans (!). Dans ce cas-là, on ne s’étonne même plus qu’il signe son premier contrat avec Kawasaki à 17 ans, pour disputer en 1979 cette catégorie Superbike alors largement dominée par les Suzuki Yoshimura de Wes Cooley. Pour sa première course, à Sears Point, il finit facilement en tête devant Ron Pierce, Wes Cooley, Richard Schalchter et Ramon Pietri. C’était la première fois de sa vie qu’il touchait à une superbike ! De l’autre côté de l’Atlantique, l’un de ceux qui se mettront plus tard en travers de sa route, le Français Christian Sarron, débute la compétition alors qu’il a
20 ans révolus. Il roule et brille en Coupe Kawasaki (3e du classement final), et se retrouve en Grands Prix... dès l’année suivante ! « Nous ne pouvions pas commencer la compétition sur circuit avant 16 voire 18 ans, je ne m’en souviens plus exactement, dit-il aujourd’hui. Par la suite, en France, nous avons commencé à voir apparaître des compétitions comme le Miniverts où les enfants pouvaient débuter vers 12 ans en motocross ; mais au milieu des années 70, il n’y avait qu’aux États-Unis que les gosses pouvaient courir à moto... Et puis ils faisaient du cross, du dirt et de la vitesse. Ça leur donnait un énorme avantage technique. » À propos de débuts précoces, on peut ici évoquer cette théorie des 10 000 heures, popularisée par Malcolm Gladwell, un journaliste américain, qui reprend l’étude du psychologue K. Anders Ericsson. À condition d’avoir commencé une activité donnée assez tôt, et d’être passionné par ladite activité (sport, musique, science ou autre), l’étude prouverait que la répétition continue permettrait d’acquérir à la longue un geste parfait. Cela démontrerait que le talent inné n’existe pas et que seul le travail permet en quelque sorte de devenir un génie dans le domaine auquel on s’est dédié.
Une confiance en eux qui confine à l’arrogance
Les réflexes acquis dès le plus jeune âge donnent un avantage que les autres ne peuvent pas rattraper. « L’essentiel, c’est qu’on commence très, très jeune, disait Eddie Lawson à MR en 1989. J’ai disputé ma première course à 7 ans ! » Ajoutons à cela une éducation basée sur la valorisation parfois poussée jusqu’à l’extrême des enfants américains, qui grandissent en étant renforcés par leur environnement familial et scolaire dans une confiance en eux qui confine parfois à l’arrogance ; ce qui, plus tard, ne les dessert pas dans le cadre ultraconcurrentiel des Grands Prix moto – bien au contraire. Au bout du compte, après 10 ou 15 années de pratique assidue et multidisciplinaire (on va y venir plus en détail), d’innombrables compétitions disputées face à une concurrence féroce, les meilleurs jeunes sont mûrs pour intégrer l’élite mondiale.