Balade dans les allées du Mondial de Paris et prise de température auprès de quelques interlocuteurs clés
Absent du calendrier depuis 2015, le salon parisien de la moto a fait son retour en ce début de mois d’octobre, jumelé pour la première fois depuis longtemps avec celui de l’automobile. Des histoires de mobilité bien sûr, mais des histoires également capables de mobiliser ?
Le projet était ambitieux. Proposer le retour au coeur de la capitale des salons auto et moto en les organisant conjointement. Un unique billet d’entrée donnant accès aux deux univers, pas facile alors de savoir d’un point de vue comptable si le mélange des genres a fonctionné. Pour Christophe Pinon, coordinateur de la partie moto pour ce salon parisien, la mayonnaise a effectivement pris : « Les vases communicants ont fonctionné, beaucoup d’automobilistes sont venus s’encanailler à la moto, témoignant d’énormément d’intérêt. Il faut reconnaître que la moto reste un univers de passion, ce qui est moins vrai en automobile. » Tant mieux si les automobilistes ont apprécié, mais les motards, eux, ont-ils été conquis par le retour et le volume de ce salon ? Pour ce qui est du retour, personne ne s’en plaindra, même si le chevauchement des dates de Paris et du Salon Intermot de Cologne n’a pas simplifié les choses, contraignant certains constructeurs/fabricants à arbitrer entre ces deux manifestations, qui de leur taille, qui de leur présence. Une proximité dommageable qui explique aussi pourquoi certains grands exposants n’avaient pas hissé la grand-voile à la porte de Versailles, Intermot conservant une stature internationale (perdue par Paris au fil des ans) et recevant, à ce titre, la primeur des investissements de beaucoup des maisons mères, japonaises en tête, allemandes (BMW notamment) et européennes plus généralement. Dans la hiérarchie des salons automnaux, l’Eicma de Milan (programmé du 6 au 11 novembre 2018) reste le leader incontesté, suivi loin derrière par Cologne, puis plus loin encore par Paris… Des salons de démarrage où finalement très peu de modèles inédits ont été présentés, Milan étant le lieu (et la période) où les marques
présenteront leurs plus importantes nouveautés de l’année à venir. Paris ne serait donc plus un salon de nouveautés ? Bien moins qu’avant en tout cas, du temps où la porte de Versailles était incontournable, comme Milan peut l’être aujourd’hui... Pourtant, certains constructeurs ont profité de l’événement pour en dévoiler quelques-unes, comme Suzuki avec sa Katana 1000, Indian et ses FTR 1200, Mash et sa Dirt 650, Honda et son concept CB 650 (qui prendra vie dans moins d’un mois du côté de Milan), Kawasaki et Yamaha avec leurs 125, Peugeot et ses concepts bien avancés qui annoncent un retour imminent à la moto, etc. Mais si le Salon de Paris n’est plus l’endroit où l’on se presse pour se goinfrer de nouveautés, il reste une place importante où, pendant 10 jours, on vient flairer, parler et respirer moto. On peut même en acheter ! Une grande première dans la capitale, puisque certains constructeurs avaient décidé, sur proposition de l’organisation de l’événement, de mettre leurs forces de vente en action. D’autres ont préféré rester dans la logique d’un show d’exposition et de prise de contact, sans signature de bons de commande.
L’automobile : un allié de poids ?
À côté des motos, dans ce Hall 3 où l’ensemble du milieu était concentré, pas mal d’accessoiristes étaient de retour, même s’il en reste beaucoup à attirer quand on connaît le nombre de ceux qui composent le marché : « C’était une année 1, nous savons sur quoi nous devons travailler pour la prochaine édition (espérée en 2020, ndlr). Les accessoiristes présents cette année sont contents, après, à nous de continuer le combat pour faire venir les marques qui n’étaient pas là, notamment les marques françaises. Celles qui n’avaient pas de stand cette année mais étaient dans les allées, on espère les recevoir dans deux ans sur leur propre stand », témoigne Christophe Pinon. Plus de marques pour l’avenir donc, en plus de celles qui devraient renouveler le bail, à l’instar de la Sima qui avait sorti son plus joli espace à Paris, comme nous l’explique son boss, Frédéric Fourgeaud : « Beaucoup de gros constructeurs ont joué “petits bras’’, et pas mal de constructeurs n’ont pas fait ce qu’il fallait, sans parler de ceux qui n’étaient pas là. C’est sûr que la proximité avec Cologne a fait du mal. Nous, on a décidé de venir pour de vrai, et on est plutôt récompensé par la fréquentation sur notre stand. Si les deux
premières journées pro/presse ont été difficiles, le rythme a été en augmentant, et depuis samedi, c’est vraiment très bien. Je craignais une fréquentation de purs Parisiens pour ce salon, mais en fait non, il y a une vraie clientèle provinciale. Ça me rassure. » Une clientèle éclectique pour un salon qui va devoir faire sa place face à une concurrence aiguisée. À ce titre, l’auto pourrait être un allié de poids, à condition de jouer la complémentarité, bien plus que ce qui a été fait lors de cette édition, dans le fond surtout, mais aussi sur la forme, comme en convient le chef Pinon : « Nous n’avons pas été assez bons au niveau de la signalétique pour matérialiser les lieux des événements. » Et Frédéric Fourgeaud de poursuivre : « Toute la promo est faite autour de l’auto, très peu pour la moto. La moto aurait pu aussi drainer vers la voiture, c’est dommage de n’avoir pas joué sur cet axe-là. » Des défauts donc, forcément, mais une volonté de faire bouger les lignes et surtout, d’enraciner le salon de la moto de façon durable.
« Il y a cette étincelle et cette envie »
Un rendez-vous important pour Jean-Luc Mars, directeur général de Triumph France et président de la branche moto de la Chambre syndicale internationale de l’automobile et du motocycle (CSIAM) : « Le salon n’est pas terminé (nous avons écrit ces lignes mercredi 10 octobre, ndlr), mais ce qu’on en retient est déjà très encourageant. Nous avons eu une belle densité de population, les motards qui viennent traditionnellement au salon étaient présents cette année encore, preuve que la mixité avec l’automobile ne les a pas perturbés, et puis on a vu des gens qui ne seraient jamais venus si la voiture n’avait pas été là. Ils découvrent nos univers, parfois, on les sent assez loin de nous, mais il y a cette étincelle et cette envie, c’est exactement ce que nous espérions en optant pour un salon de l’auto et de la moto conjoints. Dans l’absolu – et encore une fois le salon n’est pas terminé, nous tirerons un bilan plus tard, en prenant tout en considération –, le gros investissement que cette formule aussi longue demande (plus de 10 jours, ndlr), les retombées directes et indirectes pour tout le monde, constructeurs, accessoiristes, financiers et assureurs, etc. Nous écouterons tout le monde et nous ferons en sorte d’apporter les bonnes réponses. Mais évidemment que le Salon de Paris reste très important. J’ai néanmoins une vraie frustration, celle que nos amis décideurs politiques, présents sur l’automobile, n’aient pas fait l’effort de venir nous rencontrer dans notre hall. Nous avons raté l’occasion de leur montrer que le deux-roues motorisé propose énormément en matière de mobilité, fluidité et écologie. C’est un bémol, et un bémol de taille. » n