Mautonome
Autonome... tu parles ! Faut quand même avoir le cerveau bien tortueux, et ne pas avoir peur de cultiver (en profondeur) le paradoxe, pour justifier des méthodes d’action prenant l’exact contre-pied de la signification d’un mot. C’est d’autonomie dont on parle ici, et même de motonomie en ce qui nous concerne. Une autonomie que les véhicules de demain nous promettent et que les marques soutenues a minima moralement par les pouvoirs publics entendent nous imposer. S’il y a autonomie, ce ne sera sûrement pas dans le choix. J’en veux pour preuve le matraquage médiatique actuel – il est vrai, plus du côté de l’automobile, à l’instar de cette campagne publicitaire de Peugeot où l’on voit une voiture autonome sortant, à la fin du spot, un volant au cas où l’envie prendrait au passager de redevenir conducteur – qui vise à nous vanter la merveille à venir de ce véhicule qui fait tout à notre place, nous autres humains maladroits. Le but de la démarche ? Nous abreuver d’autonomie (voire nous en gaver) pour nous en rendre dépendants... Et tout va dans ce sens, je dirais même glisse sur cette pente... Cette évolution tire-t-elle vers le haut ? Selon mes critères, elle pousse plutôt vers le bas. L’autonomie d’un véhicule, à l’image de cette moto BMW capable de rouler seule, sans aucun pilote, pas même le cousin japonais Motobot de chez Yamaha pour faire illusion, ça fait peur. Enfin, ça me fait peur, à moi, à moi comme à vous j’imagine, à nous qui aimons conduire, piloter aussi quand les conditions et l’occasion le permettent, nous qui avons fait le choix de cette moto par nature exigeante, rarement confortable car soumise aux conditions climatiques extérieures, une moto souvent dangereuse, percluse de défauts, mais une moto qui nous en offre tellement qu’on lui pardonne presque tout. On nous traitera alors de derniers des Mohicans, on nous expliquera que le sens de l’Histoire pousse vers une automatisation complète, vers cette aseptisation et cette désincarnation de l’action de conduire, on nous dira bientôt qu’il sera tellement mieux de pouvoir faire autre chose pendant que notre véhicule nous transporte d’un point A à un point B. Une sorte de train sans rail, de minibus à deux sièges, un assistant personnel supplémentaire apte à vous balader ici et là... Comme si l’action de se déplacer devait supplanter celle du plaisir que l’on peut éprouver dans la conduite. Quelle folie... Déjà que je redoute demain et ces motos freinant toutes seules devant l’obstacle, ralentissant en fonction du trafic... Une technologie d’assistance pour grands assistés... Une technologie utile pour la voiture peut-être, qui par ses spécificités donne l’occasion à 1 000 distractions. Mais la moto, comment l’envisager autrement que les pieds et les mains vissés sur les commandes, la tête dans l’axe de circulation, le vent gardant nos yeux grands ouverts, le décor traversé de nos sens en éveil ? La moto, c’est l’autonomie dans la décision, l’autonomie dans la responsabilité. En trois mots, l’autonomie dans l’action. CQFD.