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MOTO REVUE
La BMW K1, apparue en 1989, avait été étudiée en soufflerie pour s’exprimer sans bride sur les autoroutes européennes
QIl y a 30 ans, le futur selon BMW, c’était elle. Mais 4 ans plus tard, Munich la reléguait définitivement sur les étagères du passé. Star déchue muée en occasion abordable, la K1 abat encore du kilomètre et attire toujours autant l’attention. De quoi inciter à se repencher sur son cas.
ui s’en souvient ? Avant les K 1600 et leur six en ligne survitaminé, avant les C-Evolution et leur propulsion électrifiée et avant les R 1200 GS vendues par dizaines de milliers chaque année, il y eut la K1. La K1 et sa pelletée d’innovations (dont le premier ABS moto) emballées dans un design, disons... tranché. C’était il y a 30 ans, avant même que le mur de Berlin ne commence à se lézarder. Qui s’en souvient ? A priori, au moins 3 000 motards qui, selon les statistiques très empiriques des spécialistes du modèle, possèdent encore un exemplaire roulant sur les 6 921 produits, et n’hésitent pas à leur faire copieusement avaler de la borne, bon nombre de ces sportivo-GT dépassant allègrement les 200 000 km au compteur à rouleaux et certaines flirtant sereinement avec les 500 000. Ces gars-là, n’allez surtout pas leur dire que leur K est pathologique ou pire, désespéré, ni que BMW s’est fourvoyé il y a trois décennies en sortant ce modèle. Pour eux, la K1 reste un must pour voyager vite et cela, pour un investissement trois à quatre fois moindre que celui d’une Béhème moderne de même rang. Si la seconde partie de l’assertion est objectivement défendable, la première mérite une petite vérification, ce que nous faisons aujourd’hui en compagnie d’un exemplaire dérouillant régulièrement ses bielles sur les autoroutes du nord de la France et conservé, selon son jeune propriétaire, Nicolas, dans le jus de ses quelque 60 000 km (une fin de rodage diront certains).
« Te plains pas : c’est pensé pour ta sécurité »
Un très bel état de conservation. C’est ce que révèle de prime abord cet exemplaire de 1990, plus habitué aux averses de la Somme qu’aux coups de polish de son propriétaire. Réputée fragile et sensible aux impacts de gravillons, la peinture Lagunablau Metallic présente ici peu de marques et pas de fissures, notamment aux endroits critiques que constituent les passages de fourreau de fourche dans l’imposant gardeboue avant. Rehaussé par le jaune pétant des jantes, de la transmission et de la selle, la moto a des allures de jouet. Mais attention : pas d’un gros jouet. Certes imposante du fait de ses volumes atypiques (l’habillage de la roue avant qui s’ajuste aux flancs de carénage donne au profil des allures de lingot), la K1 reste une machine relativement compacte, et plutôt basse. Accueillante ? C’est la première impression que me renvoie la moto lorsque je pose mes fesses sur son épaisse selle. La seconde est moins flatteuse et coïncide avec l’écartement conséquent de mes cuisses autour du réservoir. « Te plains pas : c’est pensé pour ta sécurité » , m’assure mon hôte, qui me précise qu’à l’époque, BMW a accentué la pente des repose-genoux pour que le pilote soit projeté non pas devant mais au-dessus de la moto en cas de choc frontal ! Je ravale donc mes réserves, mais une troisième impression, troublante, les fait ressortir quand j’attrape le guidon : large, haut, et ancré au bout de l’imposant réservoir, ce dernier me semble favoriser une position de pilotage absolument pas confortable. « Mais le confort, tu l’auras
« Le confort, tu l’auras en roulant et plus tu rouleras vite, mieux ce sera »
en roulant et plus tu rouleras vite, mieux ce sera » , me certifie Nicolas. Le démarrage du quatre en ligne réveille un tableau de bord à l’allure surannée mais assez moderne dans les informations qu’il dispense (indicateur de rapports engagés et horloge numériques sont déjà de la partie). Le comportement du moteur et de ses périphériques n’est, quant à lui, franchement pas daté : l’injection électronique est douce, tout comme la commande d’embrayage et la sélection. Surtout, le quatre-pattes teuton dérivé de la K 100 est d’une souplesse impressionnante, capable sur son cinquième et dernier rapport de rester calé sur un filet de gaz, sans la moindre désapprobation. Un gros matou, plein de bonne volonté, mais dénué de toute agressivité. Paradoxal pour une sportive ? Peut-être mais c’est ainsi que l’a voulu Béhème à l’époque : modérément puissant et absolument pas éruptif (à la fin des années 80, l’Allemagne s’imposait aussi une limitation à 100 ch). La performance, c’est du côté de la partiecycle et surtout de l’aérodynamique que Munich avait décidé d’aller la chercher. Articulée autour d’un banal treillis tubulaire en tubes d’acier, de suspensions réglées souples et d’une roue arrière de 18 pouces (17 à l’avant), la première s’avère convaincante mais n’impressionne plus
aujourd’hui : la moto s’emmène sans effort mais manque de fluidité sur les changements d’angle (point positif : elle freine très bien). L’aérodynamique de l’engin, en revanche, reste bluffante. On le constate lorsqu’on quitte les petites routes sur lesquelles la K1 est à l’étroit, pour les grands axes qui laissent la moto s’exprimer vraiment et toiser les 237 km/h réels (mesures MR de l’époque). À vive allure, le moteur est toujours aussi policé (bien que laissant passer quelques vibrations) mais la tenue de cap est remarquable, malgré une nette sensibilité au vent latéral. Surtout, la protection de l’engin est étonnante, tant pour les jambes, maintenues au sec sous la pluie, que pour les épaules et la tête. Est-ce suffisant pour se laisser tenter ? Objectivement, dans la catégorie, on trouve aujourd’hui bien plus moderne, pour pas beaucoup plus cher (les Honda VFR 1200 d’occasion sont particulièrement abordables) mais au tarif de l’engin, l’investissement pour rouler original est limité, et vu le faible nombre d’exemplaires produits, il n’est pas improbable de voir la cote de la K1 remonter d’ici quelques années... n